Je dirige le pôle fiscal de cette « grande maison » qu'est la direction générale des finances publiques (DGFiP), issue de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique. Nous avons en charge l'ensemble de la gestion, du contrôle et du recouvrement de la fiscalité - hors ce qui reste du ressort de la direction de la législation fiscale.
Avec Mme Maxime Gauthier, qui dirige le service de la gestion fiscale et M. Jean-Marc Valès, sous-directeur en charge de la gestion des professionnels, et qui a donc directement géré la mise en place des nouveaux impôts qui ont remplacé la taxe professionnelle, je vais essayer de vous présenter notre point de vue sur la mise en oeuvre de la réforme, sachant que notre relation privilégiée avec le monde des entreprises nous sera l'occasion de faire passer quelques messages sur la façon dont nous avons procédé. Bien entendu, nous allons vous transmettre, dans des délais qui vous permettront de les exploiter, les réponses chiffrées aux questionnaires techniques que vous nous avez adressés.
La mise en place de cette réforme, dès le début 2010, fut un défi, certes pour l'administration fiscale, qui est relativement habituée aux grandes réformes, mais surtout pour les entreprises. L'élaboration de la loi a été complexe, au long du deuxième semestre 2009, si bien que le dispositif définitif, largement modifié par les deux Assemblées, n'a été connu qu'à quelques semaines de l'entrée en vigueur du texte et des premières nouvelles obligations déclaratives. Pour les entreprises, il s'agissait d'un véritable « changement de monde » qu'il fallait très rapidement intégrer : la taxe professionnelle se transformait en plusieurs impôts, l'un sur rôles, l'autre auto liquidé, des impôts particuliers également, avec des systèmes d'acomptes et des calendriers différents. Les téléprocédures, devenues obligatoires, exigeaient une adaptation des logiciels d'autant plus contraignante que nous n'étions de notre côté en mesure de leur proposer, dans un premier temps, qu'une seule modalité de télétransmission.
L'année 2010 a donc été un temps de rodage. Nous nous sommes employés à accompagner les entreprises, parfois un peu perdues, en les sécurisant. Tout d'abord, en leur proposant un simulateur permettant à chaque entreprise de comparer sa situation individuelle ex ante et sa situation ex post. Ce fut un succès, avec 700 000 connexions enregistrées en quelques mois. Ensuite, en nous appuyant sur nos intermédiaires habituels, experts comptables et centres de gestion agréés, notamment pour le suivi des plus petites entreprises. Enfin, en faisant preuve de souplesse : nous n'avons pas appliqué les sanctions prévues en cas de retard de paiement ou d'absence de télétransmission.
L'année 2011 a été celle de l'ajustement. Nous avions le recul suffisant pour offrir toute la gamme des services informatiques : la seconde procédure de télétransmission, qui passe par les intermédiaires, fut mise en place au printemps 2011.
Nous avons également pris en compte deux difficultés que nous avaient signalées les entreprises. La première tenait à l'obligation déclarative imposée à toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 000 euros, alors que seules sont effectivement redevables celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 500 000 euros, obligation nécessaire à la bonne répartition, par nos services, du produit fiscal entre collectivités. Pour alléger cette charge administrative sans enjeu de paiement pour les entreprises, nous avons, dès 2011, dispensé de cette obligation les entreprises ne comptant qu'un seul établissement sur lesquelles nous possédions des données déclarées, soit plus de la moitié des 954 000 entreprises soumises à déclaration.
La seconde difficulté tenait à la définition des effectifs : la notion retenue, celle d'ETPT (équivalent temps plein travaillé) complique la tâche des services comptables des entreprises, requis de comptabiliser les temps de travail au prorata de leur localisation : nous avons permis qu'elles comptabilisent l'emploi là où la majorité du temps est travaillé et nous n'avons pas appliqué, jusqu'à présent, la sanction de 200 euros prévue par la loi pour chaque omission, dans la limite de 100 000 euros, considérant qu'en période de rodage, mieux valait soutenir les entreprises que les pénaliser.
Nous approchons, aujourd'hui en 2012, notre régime de croisière : nous devons avoir une bonne maîtrise du dispositif et de son contrôle. Restait cependant un souci pour la taxe additionnelle qui vient alimenter les chambres consulaires : elle n'est pas prélevée sur rôle puisque la CVAE est un impôt auto liquidé contrairement à la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui est un impôt sur rôles. Dans la mesure où beaucoup d'entreprises, la première année, avaient omis d'établir leur déclaration, donc de payer cette taxe, les chambres consulaires se sont émues d'un possible manque à gagner. Nous avons donc engagé une opération de relance qui nous a permis de retomber sur nos pieds.
Nous avons également fait une autre opération de relance sur la CVAE, car nous constations des anomalies par rapport à nos fichiers. Cette opération a ramené, de façon pérenne, près de 100 000 déclarations.
Depuis l'automne dernier, nous avons aussi demandé à nos services locaux des impôts, qui sont les correspondants des PME, de « passer au peigne fin » les valeurs locatives, qui, devenues la seule assiette de la CFE, méritaient un toilettage pour éliminer des valeurs d'attente ou non définitives.
Nous avons enfin chargé la direction des grandes entreprises de veiller tout particulièrement au suivi des 38 000 entreprises entrant dans son périmètre ; avec leurs filiales, elles représentent 50 % de la TVA et 60 % de l'impôt sur les sociétés, mais aussi plus de la moitié de la CVAE. Les sanctions étant appelées à s'appliquer avec le passage en régime de croisière, nous avons demandé à nos vérificateurs, dans le cadre du contrôle fiscal classique, de porter une attention particulière à la valeur ajoutée, qui a désormais des conséquences non seulement sur la TVA mais sur la CVAE.
A nous, désormais, de faire vivre le système sur lequel, il est vrai, une évolution des valeurs locatives ne serait pas sans effet, sur la CFE et, indirectement, sur la CVAE, comme le souligne le rapport récemment transmis au Parlement. Nous restons à l'écoute des très petites entreprises, des auto-entrepreneurs, pour lesquels continue de se poser la question de la cotisation minimale, qui semble s'établir autour de 300 euros en moyenne nationale : beaucoup de ces entreprises, créées en 2009 et 2010, sont en passe de sortir de l'exonération transitoire de deux ans à compter du premier chiffre d'affaires positif pour rentrer dans le droit commun.