J'ai été sélectionné par M. Marc Sanson et recruté par Pierre Bordry. Le 1er octobre 2006, nous sommes arrivés dans des locaux vides ; du jour au lendemain, avec deux collaboratrices, puis trois, puis quatre, nous avons construit ce département et mis en oeuvre toute la politique de contrôle sur l'ensemble du territoire national. Nous sommes aujourd'hui six, avec deux temps partiels, deux de mes collaboratrices ayant des enfants.
Nous sommes progressivement montés en puissance et n'avons pas recruté depuis 2009, alors que les charges administratives augmentent. La mise en place du groupe cible a été à cet égard d'une lourdeur impressionnante...
Parallèlement, nous avons mis en place le profilage sanguin. Ayant eu la responsabilité de la mise en place des contrôles durant le Tour de France de 2008, j'ai transformé le contrôle par prélèvement urinaire en contrôle antidopage sanguin, en recourant à deux échantillons. Tous ces échantillons étaient envoyés à Lausanne et je disposais le lendemain des profilages anormaux qui m'ont permis d'établir les ciblages que vous connaissez.
Les contrôles nationaux bénéficient du concours des directions régionales, avec lesquelles nous avons passé un protocole d'accord. À cette occasion, chaque directeur met un correspondant à notre disposition dans une fourchette allant de 5 à 70 % de leur temps de travail, soit une moyenne de 33 % au bénéfice de l'agence, représentant 8,5 personnes à temps plein.
Nous avons tenu, hier et avant-hier, notre réunion annuelle avec nos correspondants : il s'avère que chaque directeur régional, compte tenu de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), manque de personnel et alourdit la charge de travail de ceux-ci. Le pourcentage dont nous disposons officiellement ne correspond donc pas au pourcentage réel de temps libéré à notre bénéfice. Les correspondants et les médecins concernés par la lutte antidopage, que nous avons rencontrés pendant deux jours, ont exprimé leur mécontentement. Ce sont certes des militants, mais la lutte antidopage se faisant bien souvent en dehors des heures légales, ils peinent à venir nous aider.
À la suite au Tour de France de 2008, le conseiller scientifique de l'Agence et moi-même avions demandé de doter le laboratoire de matériels destinés à améliorer les analyses. En 2009, le laboratoire a acquis des appareils et les a testés durant presque un an, en utilisant le sang des laborantins. À partir de 2010, nous avons commencé à mettre les profilages sanguins en place. Ceux-ci nous ont permis de montrer progressivement en pression. Après deux années pleines, nous avons décidé de suivre environ 120 sportifs au profil particulier. Ces 120 sportifs sont répartis dans différentes disciplines...
Ceci alourdit néanmoins la charge administrative. Le personnel effectuant ce travail avec l'aide du médecin conseiller étant toujours le même, nous arrivons maintenant à obtenir des résultats au bout de 48 à 72 heures. Nous avons ainsi pu mettre en place de nouveaux ciblages ou demander des contrôles spécifiques et, en deux ans, à confondre des sportifs pour prise d'EPO...
La constitution du groupe cible ne rassemble que les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels.
Les amateurs sont libres. J'avais demandé s'il était possible d'intégrer des amateurs dans le groupe cible. Ce qui se passe chez les amateurs est très grave. Les produits utilisés sont les mêmes que chez les professionnels, mais ils le sont de manière anarchique et en quantité impressionnante : on a vu un père injecter à son fils deux à trois fois la dose d'EPO que reçoivent les professionnels. Lorsqu'on se déplace sur le terrain, lors des compétitions, on voit les parents remplir des bidons, casser des ampoules et utiliser de la poudre...
Il est aujourd'hui difficile de trouver des sportifs de haut niveau positifs, ceux-ci ayant les moyens de se protéger grâce à une logistique très étudiée et à des protocoles suffisamment fins, contrairement aux amateurs. Les douanes ou la gendarmerie parviennent encore à saisir des produits dans leur voiture ou à leur hôtel.
Certains clubs ont même les moyens de faire tester tous leurs joueurs par des laboratoires d'analyse afin de savoir si les protocoles sont respectés. Les contrôles deviennent donc de plus en plus difficiles pour nous...
Dès la création de l'Agence, nous avons confondu beaucoup de sportifs grâce aux informations dont nous disposions, mais il faut à présent remonter 72 heures en arrière, voire plus pour y parvenir, les protocoles ayant été affinés grâce aux microdoses et aux micropoches.
Le laboratoire a une capacité de 9 000 échantillons d'analyses par an. Il faut déduire de ce volume 2 000 échantillons environ de contrôles internationaux. Certes, les protocoles que nous signons augmentent de plus en plus, mais au détriment du contrôle national pour lequel il reste 7 000 échantillons. Sur douze mois, à raison de vingt-six régions, cela représente peu par région !
Nous avons en outre la charge du contrôle animal -chevaux de course, chiens de traîneau... Nous tentons d'établir des protocoles concernant les courses landaises. Nous avons toutefois du mal à trouver des préleveurs assez courageux pour ce faire...
Un prélèvement animal coûte deux fois plus cher qu'un prélèvement humain. Or, il existe des centaines de milliers de concours hippiques où l'engagement est de 18 euros minimum... Avant le retrait de l'agrément à la Fédération française d'équitation, il existait une ligne budgétaire de 50 centimes d'euro par engagement, destinée à alimenter la lutte antidopage.
Le président Bordry avait essayé de récupérer auprès du président de la fédération ou de la Société hippique nationale (SHN) une contribution sur les engagements. Il n'y est pas parvenu. Nous sommes donc actuellement contraints de diminuer les prélèvements animaux.