Pour venir en aide aux jeunes en difficulté, Madame Mélot, il n'y a pas de solution unique. Il faut s'inspirer des réussites étrangères, notamment en personnalisant les parcours. Notre objectif doit être que chaque élève sorte du système éducatif avec un diplôme, quel qu'en soit le niveau : une récente étude du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) montre que les jeunes sans diplôme sont les plus exposés au chômage, et qu'ils furent les premiers à faire les frais de la crise. Il faut aussi améliorer l'orientation : Mme Pécresse et moi-même voulons un parcours éducatif plus progressif, où l'on ne décide pas de son avenir à 14 ans, mais où existent des passerelles et où chacun bénéficie d'une seconde chance. C'est le sens de la réforme du lycée, avec la mise en place d'un tronc commun en première et de passerelles entre les filières générales, professionnelles et technologiques. Les bacheliers professionnels se voient aussi ouvrir l'accès aux études supérieures, alors que la filière professionnelle a été conçue à l'origine comme strictement professionnalisante. Aujourd'hui, 160 000 élèves quittent le système éducatif sans qualification : c'est beaucoup trop.
Le travail expérimental que nous menons depuis deux ans, notamment en Alsace, est tout à fait exemplaire. Dorénavant nous savons détecter et comptabiliser ces jeunes qui sortent du système sans diplôme car la CNIL nous a permis d'interconnecter les réseaux de l'éducation nationale, des CFA et des Missions locales. Maintenant, je peux savoir exactement combien de jeunes étaient inscrits au lycée en juin et ne le sont plus en septembre. Le but est de leur proposer quelque chose. La plate-forme de lutte contre le décrochage, mise en place à Mulhouse, est en voie de généralisation et cela sera opérationnel à la prochaine rentrée.
Madame Blandin, il n'a jamais été question de supprimer les notes, mais de mettre en place en parallèle, dans le cadre du socle, un système d'évaluation des compétences, un système complémentaire de la note et qui apporte aux enseignants comme aux parents une analyse plus fine et une lecture plus lisible de la progression des acquisitions.
Madame Keller, le numérique est un levier indispensable mais à manier avec précaution. D'où le B2I (brevet informatique et Internet) qui donne à l'élève la possibilité d'utiliser l'informatique à bon escient. Mon prédécesseur avait baptisé le CNED « L'Académie en ligne ». Je réfléchis à la création d'une « École en ligne ». Pour les langues vivantes, par exemple, il existe des sites Internet payants. L'éducation nationale devrait proposer ce type de service : le temps est venu d'avoir un opérateur public numérique qui donne aux élèves un véritable accès à des ressources numériques le soir ou pendant les vacances, en complément de l'enseignement qu'offrent les établissements scolaires.
Il n'y a pas assez de RAR ? Le problème, c'est que, depuis trente ans, en matière d'éducation prioritaire, on a toujours créé sans jamais supprimer. Un collège en zone d'éducation prioritaire (ZEP) devrait pouvoir, le jour où ses résultats sont meilleurs, sortir de ce dispositif. Or, cela n'arrive jamais. Il faut donc simplifier et clarifier une carte de l'éducation prioritaire qui, avec ses onze systèmes différents, est devenue incompréhensible. Les RAR fonctionnent bien, nous allons les conforter, conserver ce que ce dispositif a de bien et aller plus loin en adoptant, dans les 300 établissements de ce réseau, une caractéristique des programmes CLAIR, c'est-à-dire l'autonomie du recrutement des enseignants sur la base d'un projet pédagogique et du volontariat.
Les contrats aidés... Depuis toujours, chaque année l'éducation nationale a recruté, en complément de ses fonctionnaires, un volant de contrats aidés. Ce n'est pas simple à gérer mais les finances de l'État ne permettent pas des recrutements dans la durée. Par exemple, il sera un jour nécessaire de créer un métier, une vraie filière pour l'accompagnement des enfants handicapés. Actuellement, nous n'avons pas les moyens de le faire et c'est pourquoi nous avons encore recours à des contrats aidés.
L'organisation de l'offre en milieu rural est une question que je connais. Madame Férat, cette charte a été appliquée dans les départements. Dans le mien, par exemple, un programme pluriannuel permet de tenir compte de la démographie pour les ouvertures et fermetures de classes. Mais je vérifierai le bilan de l'application de cette charte et je vous le transmettrai.
Monsieur Carle, l'éducation nationale a moins besoin de grands soirs que de petits matins quotidiens. Elle a moins besoin de grandes lois que de petits changements qui font évoluer le système. Je suis d'accord avec vous sur l'utilité des regroupements pédagogiques. Je suis élu d'un département rural et, après avoir défendu pendant des années le maintien des classes dans les petites communes, nous nous sommes aperçus que ce n'était pas forcément la meilleure solution ni pour les enfants, ni pour les parents, ni pour les enseignants : classe unique, longs parcours pour la demi-pension, isolement des enseignants, absence de services périscolaires. Nous nous sommes donc mis à construire des regroupements pédagogiques intercommunaux avec des écoles neuves, aux bâtiments et matériels adaptés au travail en équipe pour les enseignants, avec demi-pension et activités périscolaires intercommunales. Le maintien à tout prix des classes n'est pas forcément la bonne solution.