Intervention de Julien Goupil

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 7 décembre 2021 à 16h05
Audition de monsieur julien goupil fondateur de l'association empreintes citoyennes

Julien Goupil, président et fondateur de l'association Empreintes citoyennes :

Je vous remercie de votre invitation et de la considération que vous portez à cette notion de citoyenneté. L'existence de cette mission d'information donne le sentiment que la citoyenneté redevient un sujet politique -- et non pas politicien.

Je travaille sur des sujets relatifs à la citoyenneté depuis une vingtaine d'années. On m'a appelé au début de mon engagement « l'éolienne », c'est-à-dire celui qui proposait du vent, alors que j'avais la conviction que la citoyenneté constituait une notion fondamentale pour notre société et ses défis. Nous constatons que chacun possède sa propre vision de la citoyenneté et ses propres éléments de langage. Pourtant, cette notion doit reposer sur des bases communes et être fédératrice.

Je dispose d'une formation de communicant. J'ai débuté ma carrière au sein d'un cabinet ministériel, en qualité de chargé des relations presse puis de chargé de communication, principalement au ministère de la santé. Notre communication était évidemment destinée aux citoyens. Qu'il y ait une distance entre le citoyen et cette communication nationale m'a paru évident. J'ai assez rapidement souhaité me rapprocher des citoyens et de ce dialogue citoyen dont je considérais qu'il passait par les collectivités territoriales.

Dans un premier temps, j'ai fondé l'agence de communication citoyenne Proxité pour aller vers les élus et les collectivités territoriales afin d'installer ce nouveau rapport aux citoyens. Mais créer une agence de communication suppose par exemple de répondre à des appels d'offres et de rédiger des cahiers des charges, ce qui ne permet pas la liberté de parole.

Ainsi, en parallèle, j'ai souhaité fonder l'association Empreintes citoyennes avec deux convictions fortes. La première est que la commune constitue le berceau, la colonne vertébrale et la fabrique de la citoyenneté. Comment peut-on permettre aux élus et aux maires d'en prendre conscience ? La seconde conviction est que la commune ne peut pas être isolée et qu'on a besoin d'aller du local au national. Comment imaginer des solutions permettant de répondre à cette préoccupation ?

La citoyenneté est en crise de pratique et de sens. Cette crise entraîne parfois des réactions. Je suis interpellé par l'émancipation, ces derniers temps, du principe de démocratie participative. Je ne revendique qu'une seule démocratie : la démocratie représentative. Je ne sais pas à quoi correspond la démocratie participative au regard des textes. En revanche, le fonctionnement de la démocratie représentative me semble difficile sans participation citoyenne et sans dialogue citoyen.

En effet, représenter nécessite d'être au plus près des préoccupations et des usages de ceux que l'on représente. L'invention du terme de démocratie participative semble naître du constat de la difficulté de faire fonctionner la démocratie représentative et de la distance qui s'est creusée entre représentants et représentés. Notons que nous ne parlons ici que de la participation citoyenne, qui constitue à mes yeux une forme d'engagement citoyen.

Une petite formule anime l'association : « C'est en citoyennant que l'on devient citoyen. » En effet, il ne faut pas décréter et chercher à imposer une forme de pratique citoyenne et d'engagement citoyen. Au contraire, chaque citoyen doit être invité à faire vivre ce principe selon ce qui lui tient à coeur. Certains entreront en citoyenneté par le biais de la consommation responsable tandis que d'autres y entreront par le biais de la participation citoyenne ou d'un engagement bénévole dans une association.

À mes yeux, la citoyenneté a deux jambes : la jambe républicaine et la jambe démocratique. Selon les définitions de la citoyenneté, ses piliers sont la civilité, le civisme et la solidarité. Le citoyen doit donc être civil, civique et solidaire. En outre, afin d'avancer, le citoyen doit s'appuyer sur sa jambe démocratique et sa jambe républicaine. Cette notion enveloppe les principes et les fondamentaux qui constituent notre pays et notre Nation.

Je suis souvent quelque peu contrarié par les nombreuses initiatives visant, pour renforcer la citoyenneté, à apporter des solutions aux difficultés actuelles, sans véritablement chercher à inspirer. Je crois que la citoyenneté peut être un statut qui inspire et fédère l'ensemble des résidents de France. Ces constats sont à l'origine de la mise en place de l'association.

La citoyenneté est une notion extrêmement vivante, comme le prouvent des exemples très contemporains tels que le droit de vote des femmes en 1944, qui montre que la citoyenneté peut s'adapter. N'oublions pas qu'il y a seulement deux siècles, seuls les plus de 25 ans, avec une certaine rémunération, étaient considérés comme des citoyens. Ne pas interroger la notion de citoyenneté, c'est donc presque l'abandonner.

Nous ne nous connaissons pas mais nous avons tous un point commun dans cette salle, celui d'être un citoyen. Ce point commun nous permettra de toucher l'intérêt général en nous obligeant à dépasser nos identités sociales, culturelles et cultuelles.

La citoyenneté est un concept qui reste philosophique et, en tout cas, très éloigné d'applications concrètes pour de nombreuses personnes. Au début de la vie de l'association, lorsque je parlais de citoyenneté, je voyais bien une forme de distance et un questionnement chez les élus. Mon prisme est aujourd'hui celui de l'engagement citoyen. En effet, la citoyenneté pour la citoyenneté n'a pas beaucoup de sens car elle demeure conceptuelle.

Nous oublions souvent que les élus de la République sont avant tout des citoyens engagés : l'élection constitue une forme d'engagement.

Durant la Révolution française, on parlait de citoyens actifs : peut-être devrions-nous parler de citoyens acteurs. Peut-être aussi faudrait-il que la définition du citoyen renvoie non plus seulement à un statut, mais à des actions que les citoyens peuvent mener. Nous pourrons effectuer l'inventaire des formes d'engagement citoyen qui sont aujourd'hui possibles.

Ma conviction que la commune est l'espace naturel du citoyen résulte des expériences que j'ai vécues. Mon engagement a débuté à Rambouillet, dont je suis originaire, lorsque j'étais âgé d'une quinzaine d'années, avec la réalisation d'un journal pour les 15-25 ans, puis l'organisation d'un convoi humanitaire lors du conflit au Kosovo. Ces initiatives me nourrissaient ; elles m'ont permis de nombreux apprentissages et de nouvelles rencontres. Cet engagement citoyen s'est révélé à l'échelle locale.

L'association a publié ce matin les résultats d'une enquête conduite en 2021 auprès de maires sur la citoyenneté. Nous notons le constat des maires que la citoyenneté devient une compétence des territoires, et plus précisément des communes. J'évoque bien les territoires car une coopération doit s'installer entre les différents niveaux territoriaux (commune, intercommunalité, département et région).

Un petit réflexe de citizen washing existe, qui consiste à tout passer à la lessiveuse citoyenne afin de se donner bonne conscience. Cette méthode engendre souvent des retours de bâton car elle crée plutôt de la frustration et des crispations. Nous entrons alors dans un cercle qui est loin d'être vertueux.

Nous devons tout d'abord considérer que la commune est l'espace naturel du citoyen et qu'il faut favoriser les coopérations avec les autres niveaux de territoire. Ainsi, nous évitons qu'une région, un département, une intercommunalité ou une commune organise la participation citoyenne dans son territoire sans égard pour ce qui a lieu au sein des autres niveaux territoriaux. Dès lors que la ville est l'espace naturel du citoyen, comme l'indique l'étymologie, les autres niveaux territoriaux peuvent s'appuyer, en cas de consultation, sur les communes plutôt que de lancer leur propre communication et leurs propres dispositifs.

L'action de notre association naît d'un questionnement : comment accompagner les communes dans ce rôle d'émancipateur de la citoyenneté ? L'association ayant été fondée en 2014, il convient de laisser un mandat pour trouver une solution. Notre association voulait travailler avec des territoires extrêmement volontaires sur ces sujets et se rendre sur le terrain afin d'expérimenter des initiatives. L'objectif était, à partir de 2020, de formuler des propositions concrètes et structurantes.

La première étape de l'aventure de l'association Empreintes citoyennes est née ainsi, avec une consultation nationale sur la définition du citoyen et, surtout, de la ville citoyenne. La consultation a été distinguée par le prix de la démocratie, ce qui a été source d'une profonde satisfaction. Souhaitant déterminer les grands principes fondant la ville citoyenne, nous avons identifié très rapidement deux critères : être une ville compréhensible et transparente. Après la phase de consultation débutée en 2014, nous avons commencé à effectuer des expérimentations dans certaines communes dès 2018-2019. L'année 2020 a marqué le début de la consolidation. En raison de la crise sanitaire, nous avons pris un peu de temps pour déployer cette démarche en 2021.

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