Intervention de Julien Goupil

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 7 décembre 2021 à 16h05
Audition de monsieur julien goupil fondateur de l'association empreintes citoyennes

Julien Goupil, président et fondateur de l'association Empreintes citoyennes :

Nous ne les choisissions pas. Nous les rencontrions dans les différents colloques ou espaces où nous étions présents. Des affinités ont pu naître. Je pense évidemment aux communes telles qu'Hazebrouck, Jouars-Pontchartrain ou Angers, très investies sur ces sujets. Le territoire angevin est assez dynamique et nous y sommes très présents.

Notre idée était tout simplement de proposer une démarche. Samedi dernier, j'étais présent à Loire-Authion, où nous avons organisé un forum « ville citoyenne ». Cet événement est la conséquence de notre démarche.

Lorsqu'un maire a pris des engagements à l'occasion de sa campagne et souhaite organiser la participation citoyenne, les autres élus peuvent être un peu plus réservés sur cette question, craignant qu'une telle démarche se retourne contre eux. Or la participation citoyenne peut créer les conditions de l'engagement citoyen à l'échelle de la commune.

Aujourd'hui, plus de 480 communes sont engagées dans notre démarche, qui part du principe d'une consultation locale sur le fait d'être citoyen dans la ville. Ensuite, cette consultation permet d'organiser un séminaire entre agents et élus afin de comprendre les préoccupations et les attentes des citoyens, puis nous commençons à définir une feuille de route et un plan d'action.

Les outils seront la conséquence de cette feuille de route et de ce plan d'action. Il n'y a pas de solution miracle. La solution est la conséquence de la consultation en amont, des préoccupations des citoyens, du principe de réalité auquel sont confrontés les agents et de la vision des élus.

À la suite de la consultation et du séminaire entre élus et agents, et lorsque nous commençons à préfigurer une feuille de route avec des objectifs très clairs et des moyens qui commencent à se dessiner, nous pouvons organiser le forum « ville citoyenne » avec les citoyens. Ainsi, nous pouvons construire un vrai plan d'action lisible, pouvant être évalué, qui est extrêmement structurant.

Les plans d'action interpellent souvent les élus, qui constatent fréquemment que la participation n'est pas une priorité chez les citoyens et que ceux-ci attendent d'autres modalités de participation. Ils peuvent être réticents à des formules impliquant de nombreuses réunions. Ainsi, par exemple, nous organisons des débats citoyens avant les représentations de théâtre, ou pendant la mi-temps de matchs de football. Il faut aller vers les citoyens afin de capter leur attention : de telles initiatives permettent d'élargir les publics. La citoyenneté et la convivialité ne doivent pas se dissocier. Il ne s'agit pas de réinventer la notion de citoyen.

Par ailleurs, nous avons décidé de créer un label car des maires nous ont interpellés en ce sens. La démarche a débuté il y a deux ans. L'aventure de la labellisation commencera en 2022, avec de premières communes labellisées. Nous essaierons de créer cette dynamique.

Le réseau des territoires citoyens permet tout simplement aux 480 communes engagées dans cette dynamique de ville citoyenne de partager leurs expériences. En notre qualité d'association, nous n'avons pas vocation à multiplier les prestations. Nous visons l'autonomisation des territoires par rapport à nos interventions. Notre rôle est de mettre à disposition des outils et des démarches. Ensuite, nous permettons à ces communes de partager leurs expériences, d'avancer et de créer un mouvement. Dans le département de Maine-et-Loire, une réflexion existe concernant un réseau des communes engagées à l'échelle départementale pour permettre ce partage d'expérience.

La légitimité des communes en matière de citoyenneté rassure certains maires, qui voient beaucoup de compétences passer du côté des intercommunalités. Or la citoyenneté est essentielle car est centrée sur l'humain. En outre, elle permet à chaque citoyen de trouver sa place dans la ville.

Le statut de citoyen n'est pas aussi inclusif que nous pourrions le croire. La France compte seulement 47,5 millions de citoyens. Nous parlons donc d'une notion mettant de côté quasiment un tiers de la population. En effet, sont citoyens les plus de 18 ans ayant la nationalité française. Rassurez-vous, je ne propose pas de dissocier nationalité et citoyenneté. Toutefois, je pense que nous pourrions imaginer un statut de citoyen de France.

Le secrétaire général de l'association, de nationalité italienne, vit en France depuis dix-sept ans et est engagé au sein de nombreuses associations. Il n'est pas citoyen. Pourtant, il l'est vraiment dans l'attitude.

À l'heure où les médias parlent beaucoup d'intégration et alors que de nombreuses crispations existent sur ces sujets, nous pourrions permettre un pacte citoyen ouvert à l'ensemble des résidents de France. Encore une fois, le vote n'est pas le sujet.

Nous avons mené une étude, au cours de laquelle nous avons demandé à 601 maires ce qui caractérise un citoyen selon eux. 28 % d'entre eux ont répondu qu'un citoyen est un individu qui respecte les biens, les lois et les personnes ; 16 % qu'il s'agissait d'une personne vivant en France ; pour 3,41 % seulement des maires interrogés, un citoyen est une personne de nationalité française âgée de plus de 18 ans.

Nous voyons bien que cette définition n'est plus partagée aujourd'hui. Si cette définition a un sens statutaire et théorique, elle ne semble plus vraiment pertinente sur un plan pratique. Un travail est peut-être à mener sur ce sujet.

Concernant l'engagement des jeunes, je suis ravi de vous annoncer que nous mettrons prochainement en place un parcours citoyen avec cinquante jeunes de Seine-Saint-Denis. Ces jeunes deviendront ensuite des compagnons de la citoyenneté, qui circuleront en France et sur le territoire pour transmettre ces valeurs et permettre que d'autres compagnons s'installent. Encore une fois, nous nous inspirons simplement de vieilles méthodes telles que le compagnonnage.

En outre, dans le département de l'Orne, nous avons réalisé un dispositif : la charte des élèves citoyens. Les jeunes réaliseront eux-mêmes cette charte dont ils seront ensuite les transmetteurs. Il s'agit encore d'une expérimentation, mais je crois profondément à l'idée de permettre à chacun, au travers de son propre engagement, de transmettre et de donner le goût de cette expérience.

L'engagement des jeunes peut également être retravaillé à l'échelle d'une commune. Seuls 13 % des jeunes de 18 à 23 ans ont participé aux élections départementales. Ce chiffre est assez perturbant. La question de l'éducation à la citoyenneté et de son appropriation se pose donc. J'interviens régulièrement dans des universités, des écoles ou des Centre de formation des apprentis. Les jeunes s'étonnent de l'absence de possibilité de voter à distance via leur smartphone. D'autres jeunes formulent des réflexions sur l'abaissement du droit de vote à 16 ans.

Comment installer une culture citoyenne ? L'intitulé de la mission d'information est extrêmement bien choisi. La priorité à mon avis est de s'interroger sur les raisons pour lesquelles une personne n'est pas engagée en citoyenneté plutôt que de chercher à encourager l'engagement citoyen.

Le travail que nous entreprenons sera de longue haleine. En raison de la défiance qui s'est installée entre élus et citoyens, il faudra s'attacher à réinstaller la citoyenneté afin que cette dernière devienne un principe républicain. Nous devons demander : « Quel est ton engagement citoyen ? ». Certains répondront que leur engagement est la participation tandis que d'autres répondront que leur engagement est la consommation responsable ou encore le bénévolat.

De nombreux dispositifs existent aujourd'hui concernant l'éducation à la citoyenneté. Cette dernière est dispensée dans les écoles durant les cours d'éducation morale et civique. Les référents académiques peuvent épauler les professeurs d'histoire-géographie, qui portent cet enseignement une demi-heure par semaine.

Lorsque Samuel Paty a été assassiné, je me trouvais dans un collège d'Argentan où je parlais de laïcité. Au sein de l'association, nous avons la chance de disposer de nos outils de pédagogie, développés et éprouvés avec des territoires. Nous avons évidemment pris la décision de mettre à disposition ses outils auprès de l'ensemble des enseignants. Je remercie d'ailleurs tous les établissements qui les utilisent actuellement et qui nous font des retours afin que ces outils puissent progresser.

Toutefois, l'éducation dans le cadre scolaire ne suffit pas : en matière de citoyenneté, il faut évidemment penser en termes d'éducation globale et créer les conditions pour associer éducation scolaire et éducation populaire. En effet, l'école ne peut pas tout sur ces sujets.

Actuellement, il n'existe pas de référentiel ou de matrice précisant tous les sujets à aborder dans le cadre de l'éducation citoyenne. Certains sont portés par l'Éducation nationale tandis que d'autres peuvent être portés par l'éducation populaire. Dans nos différents dispositifs, nous voyons bien que certaines initiatives se superposent parfois car nous ne disposons pas d'une clé de répartition permettant de vérifier que l'éducation citoyenne est conduite à toutes les étapes de la vie.

L'éducation passe aussi par la pratique. Il s'agit plutôt de permettre à chacun de se mettre en exercice citoyen et, par là même, d'entretenir son éducation à la citoyenneté.

En 2014, la politique de la ville a instauré les conseils citoyens. Des conseillers citoyens ont été tirés au sort. J'ai accompagné plus de cent dix conseils dans leur composition. Mon premier constat est que ces conseillers n'étaient, pour 90 % d'entre eux, pas considérés comme des citoyens à part entière car ils n'étaient pas de nationalité française. Mon deuxième constat est que, pour des personnes n'ayant pas le droit de vote, le rôle de conseiller citoyen pouvait être source de fierté. Enfin, mon troisième constat est que dans les villes où la mise en place de conseils citoyens était une obligation, le fonctionnement de ces instances n'a pas été très fluide, générant de la frustration chez les conseillers citoyens, au point que certains d'entre eux, désabusés, se sont inscrits sur les listes d'opposition.

Je ne l'ai pas précisé, mais cela va de soi, la citoyenneté ne concerne pas que des droits mais également des devoirs : « aux actes, citoyens ! » plutôt que « aux armes, citoyens !».

Nous devons permettre aux maires d'installer une communauté citoyenne active. Les 35 000 communes sont peut-être 35 000 espaces d'intelligence sociale. Faisons en sorte que cette spécificité française nous permette de construire, à l'échelle des territoires de proximité, autant de fabriques de la citoyenneté.

Nous devons reconnaître ce rôle aux communes, et éventuellement leur en donner les moyens, mais ce n'est pas tant une question de moyens que de considération et de coopération. Les communes doivent être vues comme des espaces de débat.

La légitimité d'une décision tient à son ancrage. Une réponse à la question de la participation citoyenne pourrait se situer entre le grand débat et la convention citoyenne. Cette dernière me semble intéressante comme objet d'expérimentation, mais me donne également l'impression que l'opportunité de débattre m'a été retirée. Cette réorganisation du débat est à imaginer.

Enfin, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, n'oublions pas que nous sommes également citoyens européens.

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