Intervention de Guillaume Gontard

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 25 janvier 2023 à 16h30
Réunion constitutive

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard, rapporteur :

Je vous remercie de votre confiance et suis heureux que nous puissions commencer nos travaux.

Notre groupe a demandé la constitution de cette commission d'enquête, car, depuis le Grenelle de l'environnement, la France affiche une forte ambition en matière de rénovation énergétique, mais échoue à atteindre ses objectifs. Nous voulons donc en comprendre les raisons et voir comment nous pouvons y remédier pour que nous soyons en mesure de relever ce défi qui est au coeur de l'actualité et de la vie des Français en liant « fin du monde », c'est-à-dire les grands équilibres climatiques dont nous constatons les dérèglements, et la « fin du mois », à savoir la grande difficulté de nos concitoyens à payer leur facture d'énergie pour leur logement, ce qui a un impact sur leur pouvoir d'achat, voire aggrave les situations de précarité.

Ainsi, depuis 2013, les gouvernements successifs ont réitéré l'ambition de parvenir à 500 000 logements rénovés chaque année sans pour autant y parvenir. La loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte s'est donné pour objectif d'éradiquer, d'ici à 2025, les passoires thermiques, c'est-à-dire les logements dont le diagnostic de performance énergétique est de classe G ou F. Mais cet objectif a été reculé à 2028 pour la classe F par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, et on constate chaque jour combien ce sera difficile.

Pourtant des moyens significatifs ont été déployés : taux de TVA réduit sur les travaux de rénovation, éco-prêt, crédit d'impôt pour la transition énergétique (Cite), MaPrimeRénov', etc. Ce sont plusieurs milliards qui y sont consacrés chaque année, et il nous faudra chercher à en évaluer le montant véritable et à savoir si c'est suffisant.

Mais au-delà de la question financière, ce sont les outils eux-mêmes qui suscitent l'interrogation. Plusieurs travaux d'experts mettent, par exemple, en cause la capacité du dispositif MaPrimeRénov' à faire sortir des logements du statut de « passoire thermique » en plus d'être confrontés à d'importantes difficultés opérationnelles. Là aussi, il nous faudra établir un diagnostic et déterminer des pistes pour aller vers plus de rénovation globale avec des effets mesurables et significatifs.

En outre, sans entrer dans le champ d'instructions judiciaires sur lesquelles une commission d'enquête n'est pas compétente, il nous faudra prendre la mesure des effets d'aubaine, arnaques ou fraudes qui minent la confiance des Français dans les dispositifs de rénovation et chercher à y remédier.

Pose également question le bilan carbone de ces opérations, qu'il s'agisse du remplacement fréquent de chaudières fioul par des chaudières gaz ou l'utilisation massive de matériaux d'isolation issus de la pétrochimie plutôt que de la biomasse.

Malgré une ambition politique sans cesse réaffirmée et des moyens financiers conséquents, les politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments déployées depuis quinze ans font montre de limites criantes - quand il ne s'agit pas d'effets pervers -, et rendent tout à fait hypothétique le respect des objectifs fixés par le législateur. Cela est d'autant plus dommageable que les contextes géopolitique, économique, social et climatique exigent un effort de sobriété énergétique considérable, particulièrement dans le secteur du bâtiment.

Je vous propose donc d'enquêter sur l'efficacité de ces politiques, sur le cadre normatif, notamment réglementaire, en vigueur ; les règles et les méthodes des diagnostics de performance énergétique (DPE) ; l'efficacité des dispositifs d'aides existants et l'accès à l'emprunt des ménages pour la réalisation des travaux ; leur adéquation avec les objectifs de rénovation globale fixés par le législateur ; leur adéquation avec les besoins de nos compatriotes, notamment les plus précaires, ainsi que leur caractère réellement incitatif pour les classes moyennes ; la capacité de la filière, notamment des architectes, des producteurs de matériaux et des artisans, à faire face à l'explosion de la demande ; la capacité des pouvoirs publics à juguler les effets d'aubaine et les fraudes ; l'empreinte environnementale des rénovations énergétiques effectuées, qu'il s'agisse des matériaux utilisés ou des dispositifs de production d'énergie installés ; les coûts réels des travaux engagés, notamment en matière d'isolation, et la bonne répartition du partage de la valeur sur toute la chaîne - du producteur au maître d'oeuvre - ; l'efficacité de la formation des acteurs de la filière - architectes, artisans -, son orientation vers des rénovations performantes, notamment en termes de diagnostic global et d'utilisation de matériaux biosourcés ; l'adaptation des rénovations énergétiques effectuées avec le réchauffement constaté lors des périodes estivales ; l'efficacité, les moyens financiers et la lisibilité des dispositifs d'ingénierie publique, des agences de l'État au premier rang desquelles l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), tout comme de l'ingénierie territoriale, notamment des agences locales de l'énergie et du climat (Alec) ; le rôle et les moyens des collectivités locales pour accompagner cet effort national.

En répondant à toutes ces interrogations et en posant un constat lucide et partagé, notre commission d'enquête pourra nourrir l'ambition de formuler des recommandations pour permettre une massification effective de l'indispensable effort national en matière de rénovation énergétique.

Dans la pratique, avec la présidente, nous vous proposons que nos travaux s'articulent autour d'une douzaine de séances plénières d'auditions qui, sauf exception, auront lieu le lundi après-midi, et permettront d'entendre les principaux responsables et acteurs du sujet ; nous réaliserons quelques déplacements, dont un aurait lieu en Isère, courant mars. Nous commanderons une étude de législation comparée pour mieux comprendre ce qui se fait chez nos principaux partenaires européens et préparer d'éventuelles auditions par visioconférence. Nous démarrerons les auditions, le mardi 7 février à partir de 16 heures, pour entendre vraisemblablement plusieurs anciens ministres responsables de ce sujet.

Je souhaite que cette ébauche de notre programme de travail puisse s'enrichir de vos expériences, réflexions et contributions.

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