Je vous ai apporté quelques emballages de produits alimentaires : vous constaterez que seuls des produits bruts contenant de la viande de boeuf portent mention de leur origine. Tous les produits transformés, au sens de la réglementation, c'est-à-dire comportant d'autres ingrédients, ne portent aucune information sur l'origine de la viande ou son lieu de fabrication. Il en va ainsi du carpaccio de boeuf, auquel on a ajouté quelques gouttes de jus de citron, ou d'un boeuf bourguignon, composé de 25 % de viande bovine, ou encore des boulettes de boeuf. Certes, une marque de salubrité portant les initiales « FR » indique aux initiés le lieu de dernière manipulation, mais pas celui de la fabrication du produit. Il y a donc un écart entre les obligations faibles qui pèsent sur les produits industriels et l'obligation de transparence sur l'origine du produit brut, qui concerne depuis longtemps les fruits et légumes frais, ainsi que la viande de boeuf depuis la première crise de la vache folle, l'indication « viande bovine française » étant à l'époque destinée à rassurer les consommateurs. Lorsque ce marquage obligatoire a été mis en place pour la viande de boeuf, je rappelle qu'il semblait impossible de l'imposer dans l'ensemble de l'Union européenne. Il s'agissait d'une règle nationale, qui a ensuite seulement était étendue à toute l'Europe. Un règlement européen de 2011 procède à l'extension de l'indication obligatoire de l'origine des produits carnés aux viandes de porc, d'ovin-caprin et de volailles. En revanche, aucune obligation n'existe encore pour les produits transformés, sauf cas particuliers, quand l'omission de l'origine serait de nature à induire le consommateur en erreur.
Le scandale de la viande de cheval vendue pour de la viande de boeuf dans des plats cuisinés nous surprend-il ? » Oui et non. La fraude en elle-même ne nous a pas surpris. Ce qui est exceptionnel est son échelle, son ampleur et les représentations particulières liées au cheval qui lui ont donné sa résonance particulière en Angleterre. Cette affaire a surtout montré au grand jour la complexité de la chaîne d'approvisionnement de l'industrie agroalimentaire, qui repose sur une cascade de fournisseurs, où se dilue la traçabilité, ce qui peut accroître le risque sanitaire. En effet, la traçabilité repose sur une chaîne d'informations qui suit le produit pendant toute sa vie : chaque maillon est responsable des informations qu'il reçoit, qu'il produit puis transmet au maillon suivant. A chaque échelon, on peut identifier un responsable. Plus la chaîne est longue et complexe, plus les risques liés à la fiabilité des informations s'accroissent. Si, au lieu de s'adresser à des fournisseurs stables, connus et fiables, on recourt à des traders qui changent sans cesse de fournisseurs pour obtenir les prix les plus bas, la traçabilité est menacée et l'on aboutit à cette situation où le commanditaire final, Findus en l'occurrence, peut affirmer de bonne foi avoir commandé de la viande bovine française et l'un de ses fournisseurs, également de bonne foi, avoir livré de la viande bovine roumaine...