Intervention de Baudouin Prot

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Baudouin Prot président du groupe bnp paribas

Baudouin Prot, président du groupe BNP Paribas :

Monsieur le rapporteur, vous m'offrez l'occasion de revenir en détail sur l'étude présentée en 2009 par le mensuel Alternatives économiques, selon laquelle BNP Paribas disposerait de 189 entités situées dans des paradis fiscaux.

J'observerai d'abord que l'auteur de l'article a lui-même ramené ce chiffre à quatre-vingt-treize, après avoir reconnu, à propos du Royaume-Uni et des Pays-Bas, qu'« il n'est pas possible d'imaginer les grandes banques françaises absentes du premier marché financier mondial ». Il y a encore seize entités situées en Irlande, vingt-sept au Luxembourg, douze à Hong Kong et quatre à Singapour : si l'on ne tient pas compte de ces quatre pays, qui sont des places financières importantes, le nombre des implantations de BNP Paribas mises en cause dans l'article n'est plus que de trente-quatre. Encore était-ce avant que notre groupe ne mette en oeuvre ses engagements de cessions d'activités dans les pays visés par les autorités.

La présente audition nous offre l'occasion de clarifier cette question et de porter à la connaissance de votre commission d'enquête des données précises.

Je le répète, la notion de paradis fiscal est floue. Pour notre part, nous nous fondons sur les deux listes établies par l'OCDE et la France. La liste de l'OCDE comprend actuellement trois Etats, dans aucun desquels nous ne sommes présents. Celle de la France comporte désormais huit Etats, contre dix-huit l'an dernier. Comme je l'ai indiqué, nous ne sommes présents qu'à Brunei et aux Philippines ; je vous ai déjà donné des explications détaillées sur ce point.

En ce qui concerne le Panama, je dois constater que, depuis l'arrêté du 12 avril 2012, il ne figure plus sur la liste française des ETNC. Je souligne que nous nous sommes retirés de ce pays alors que nous y étions présents depuis soixante-quinze ans. Nous avions une clientèle essentiellement locale, pour laquelle nous assurions des prestations de banque de détail, grâce à quelques agences. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le président de la République du Panama est intervenu très fortement, à l'époque, auprès du Quai d'Orsay : un peu paradoxalement, celui-ci nous a alors écrit pour nous demander de rester au Panama ! Nous avons néanmoins décidé de vendre nos activités dans ce pays. Elles ont été rachetées par une banque canadienne, et désormais le Panama ne figure plus sur la liste des ETNC... Cela étant dit, ces activités n'étaient pas très importantes à l'échelle du groupe.

Pour ce qui concerne les autres pays, je tiens à clarifier les choses.

En Suisse, notre présence est tout à fait limitée, puisque nous possédons, au-delà de notre filiale historique, seulement huit sociétés dans ce pays, ce qui est peu pour un groupe de notre taille.

De surcroît, l'une d'entre elles est non matérielle, c'est-à-dire que son résultat et son activité sont inférieurs à 1 million d'euros. Trois autres ont été héritées de Fortis : deux sociétés de leasing et Fortis Banque (Suisse), que nous sommes en train de fusionner avec notre banque. Reste quatre sociétés opérationnelles : l'une assure nos activités de leasing en Suisse, une autre, Arval, est spécialisée dans la location de flottes de véhicules, les deux dernières, qui offrent des services de gestion de patrimoine, sont des filiales de la banque privée Insinger de Beaufort, dont nous contrôlons seulement 31 % du capital. Reconnaissez que la présence de BNP Paribas dans un pays aussi important en matière financière est limitée à sa plus simple expression.

S'agissant du Luxembourg, des îles Caïmans et des Bermudes, je tiens à être extrêmement précis.

Nous comptons à ce jour soixante et une entités implantées au Luxembourg. Cela peut paraître beaucoup, mais il faut considérer que quinze de ces structures sont non matérielles, inactives ou en liquidation. Vingt-huit entités sont des structures opérationnelles répondant aux besoins de dix métiers de notre groupe.

Il faut se souvenir que BNP Paribas, au côté de l'Etat luxembourgeois, a pris le contrôle de la Banque générale du Luxembourg, la BGL, qui est la première banque du pays avec trente-sept agences et une clientèle de 230 000 particuliers et de 10 000 entreprises. Nous détenons 67 % de son capital, l'Etat luxembourgeois 33 %.

Notre activité dans le pays est donc devenue très importante, ce qui explique que tous nos métiers y soient représentés : la banque de détail, par l'intermédiaire de BGL, les activités de leasing, d'assurance, la location de longue durée de véhicules, avec Arval, la banque privée, la conservation de titres, les services immobiliers, la gestion de centres commerciaux, avec Klépierre, la gestion d'actifs et la banque d'investissement.

À chacun de ces dix métiers correspondent en moyenne deux ou trois structures opérationnelles ; au total, nous en comptons donc vingt-huit.

En outre, nous détenons au Luxembourg huit entités historiques de portefeuille, d'investissement et de réassurance. L'une d'elles est la Compagnie financière ottomane, société de portefeuille héritée de la banque Paribas et historiquement implantée à Luxembourg.

Nos dix dernières entités luxembourgeoises sont des sociétés qui permettent d'accroître la liquidité du groupe et contribuent à la diversification de nos actifs à des conditions avantageuses. Nous les détenons en association avec des partenaires.

Tel est l'inventaire très précis des soixante et une sociétés que nous comptons au Luxembourg.

Je vais maintenant évoquer les vingt-deux entités de BNP Paribas implantées aux îles Caïmans, qui suscitent toujours beaucoup d'interrogations.

Premièrement, neuf de ces entités sont non matérielles ou en cours de liquidation. Ces sociétés figurent dans nos documents tant que leur liquidation n'est pas achevée.

Deuxièmement, dix de nos entités situées aux îles Caïmans sont taxées au Royaume-Uni au taux normal. Ce point est très important : si elles sont incorporated aux îles Caïmans, leurs résultats sont remontés au Royaume-Uni, où ils sont imposés dans des conditions normales.

Une entité exerce des activités de leasing de conteneurs, héritées du groupe Fortis.

Nos deux dernières structures implantées dans les îles Caïmans nous permettent d'émettre des titres de créance, des notes, souscrits essentiellement par des investisseurs internationaux, en grande majorité asiatiques. Elles ne sont localisées aux îles Caïmans que pour des raisons de simplification administrative. J'ajoute que leur résultat est nul, les produits équilibrant tout juste les coûts administratifs. Il s'agit en quelque sorte de sociétés de back office, qui gèrent des émissions internationales. Le coût de leur activité est simplement équilibré par une commission de gestion.

Enfin, nous comptons sept entités aux Bermudes, dont trois sont liquidées ou cédées. Là encore, nous inventorions très rigoureusement toutes les sociétés de notre groupe, de façon pour ainsi dire notariale : les entités en cours de liquidation continuent ainsi de figurer sur le registre que nous publions dans notre document de référence tant que l'opération n'est pas achevée, ce qui prend des années.

Deux autres entités sont des structures dans lesquelles nous ne détenons pas la majorité ou dont nous n'assurons pas le management.

Les deux dernières sont des sociétés de leasing de conteneurs, héritées elles aussi du groupe Fortis.

Au total, hormis les deux sociétés héritées de Fortis, il n'existe pas d'entité implantée aux Bermudes dont nous détenions la majorité ou dont nous assurions le management.

En ce qui concerne notre présence à Singapour, nous détenons quatre sociétés et employons plus de 1 500 personnes dans cette place financière extrêmement importante pour toute la région de l'ASEAN, l'Association des nations de l'Asie du Sud-est. Il s'agit essentiellement de sociétés opérationnelles.

Quant à Hong Kong, BNP Paribas a été l'une des premières banques à s'y implanter, en 1955. Nous y comptons également entre 1 500 et 2 000 collaborateurs et douze entités, tous nos métiers étant représentés.

En Suisse, à Singapour et à Hong Kong, nos entités sont, pour l'essentiel, des sociétés opérationnelles exerçant les métiers de notre groupe.

En résumé, nous ne sommes présents dans aucun des pays figurant sur la liste des paradis fiscaux établie par l'OCDE, et seulement dans deux des ETNC visés sur la liste dressée par la France : Brunei et les Philippines.

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