Intervention de Baudouin Prot

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Baudouin Prot président du groupe bnp paribas

Baudouin Prot, président du groupe BNP Paribas :

Les activités impliquant des trusts et, plus généralement, toute structure dite de gestion d'un patrimoine d'affectation sont souvent stigmatisées. Mais, pour ce qui concerne les nôtres, elles sont rigoureusement encadrées.

En préambule, il convient d'indiquer que le recours à ce type de structures est guidé par le fait que la plupart des opérations concernées sont soumises à la common law, qui reconnaît l'outil juridique qu'est le trust. Dans la législation anglo-saxonne, le trust est un élément important de l'organisation de la gestion des patrimoines, qui se substitue souvent à des mandats de gestion.

Dans ces conditions, je ne crois pas qu'il soit possible de mettre un terme à l'utilisation des trusts. En tout cas, il faudrait que l'initiative en soit prise par le monde anglo-saxon et toute l'Asie, où ce système est largement utilisé.

En outre, pour des raisons que j'expliquerai plus loin, ces structures typiquement anglo-saxonnes ne présentent aucun intérêt pour les clients français.

Certaines opérations internationales de nos entreprises clientes impliquent le recours à de telles structures ou à des véhicules juridiques constitués ad hoc, des special purpose vehicles, par exemple lorsqu'il s'agit de financer des navires ou des avions.

Dans toutes ces situations, les règles les plus strictes s'appliquent, qu'il s'agisse de la connaissance des bénéficiaires effectifs des structures ou de la licéité, y compris fiscale, du sous-jacent économique des transactions. Ainsi, en l'absence de transparence, la banque ne participera pas à l'opération envisagée.

L'utilisation de ces véhicules répond à des préoccupations d'ordre juridique, notamment dans le cas de syndications. Leur base fiscale est généralement négligeable ou nulle, leurs résultats étant remontés et taxés au niveau des différents partenaires des structures concernées.

Quant aux produits de gestion patrimoniale recourant aux trusts, supports juridiques issus du droit anglo-saxon, dans leurs différentes formes, ils sont généralement utilisés à des fins de gestion successorale, et non pas fiscales. D'ailleurs, les utilisateurs les plus importants de ces produits résident dans des pays à faible fiscalité d'Asie ou du Moyen-Orient.

Ces structures juridiques constituent également des substituts aux mandats de gestion, les avoirs qui sont placés en leur sein bénéficiant de services d'administration spécifiques.

Conscients des risques d'opacité inhérents à ce type de véhicules - risques que le groupe d'action financière, le GAFI, a d'ailleurs soulignés -, nous encadrons les activités, au demeurant limitées, qui leur sont liées, en appliquant des principes stricts officialisés dans nos procédures internes.

Tout d'abord, ces produits ne sont généralement accessibles qu'à nos clients et font l'objet de diligences et d'une surveillance renforcées. Nous ne tolérons aucune opacité s'agissant des différents acteurs. Nous exigeons d'avoir une connaissance absolue aussi bien des constituants et du fiduciaire que du protecteur ou des bénéficiaires du trust, en général les héritiers.

En outre, il est procédé à une vérification des objectifs économiques des structures. Notre contrôle s'exerce le cas échéant avec l'aide de conseillers externes, ce qui exclut l'introduction de tout actif provenant d'une fraude fiscale si nous en avons connaissance.

Enfin, de telles structures ne peuvent être mises en place qu'à l'issue d'un processus de validation par des comités d'acceptation spécifiques. Au sein de BNP Paribas, ces comités comprennent le responsable du métier et le responsable local de la conformité juridique et fiscale, qui est l'un des 2 000 collaborateurs de M. Jean Clamon dans le monde. Il importe de noter que le responsable de la conformité dispose d'un droit de veto. Autrement dit, s'il s'oppose à une opération, celle-ci n'est pas exécutée.

De plus, je répète que les structures de trust ne présentent aucun intérêt pour nos clients français.

S'agissant des améliorations envisageables, nous aborderons peut-être tout à l'heure les problèmes que pose actuellement, aux Etats-Unis, l'application de la législation dite Foreign account tax compliance act, ou FATCA.

À nos yeux, la législation française étant déjà l'une des plus rigoureuses, c'est essentiellement par la négociation de traités et de conventions tendant à améliorer la coopération entre la France et les autres Etats que des progrès sont possibles.

Sur le plan des obligations, la législation française est l'une des plus avancées, dans ce domaine comme en matière de protection du consommateur, même si cela ne signifie pas qu'on ne puisse pas l'améliorer.

J'ai déjà mentionné la transposition de la troisième directive européenne anti-blanchiment en 2009. Il faut encore citer le très important décret du 16 juillet 2009, qui précise les critères d'analyse des opérations en cas de soupçon de fraude fiscale. Il est donc manifeste qu'aux plans législatif et réglementaire, des initiatives importantes ont été prises au cours des deux dernières années.

De notre côté, il est certain que nous avons agi : en quatre ou cinq ans, le nombre annuel de nos déclarations à TRACFIN a atteint 2 500, et celui de nos collaborateurs chargés de la conformité est passé de 1 100 à 2 000.

Deux mouvements se sont donc conjugués : d'une part, le dispositif législatif et réglementaire a été très fortement complété ; d'autre part, nous avons renforcé notre dispositif humain de contrôle, intensifié nos opérations de vérification et accru fortement le nombre de nos déclarations de soupçon.

Toutes ces évolutions nous paraissent aller dans le sens d'un renforcement de la sécurité de nos opérations. Nous y sommes favorables parce que nous voulons être exemplaires dans ce domaine et que nous sommes conscients des risques encourus en termes de réputation.

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