Intervention de Baudouin Prot

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Baudouin Prot président du groupe bnp paribas

Baudouin Prot, président du groupe BNP Paribas :

En ce qui concerne les rémunérations, je crois que, en la matière, il est essentiel de rester compétitif par rapport au secteur des services financiers.

La France a été à l'origine des mesures prises par le G20 en matière d'évolution des modes de rémunération des opérateurs de marché. Les banques françaises, dont BNP Paribas, les ont appliquées de façon très stricte. Cela a conduit à une modification importante à la fois des niveaux et des modalités de rémunération des opérateurs de marché. Le rapport d'évaluation de la mise en oeuvre de ces mesures élaboré par le G20 et rendu public voilà quelques mois a bien montré qu'un certain nombre de pays européens, dont la France, étaient en avance, au contraire de certains pays d'Asie ou des Etats-Unis, ce qui pose un problème assez fondamental pour une industrie où la concurrence s'exerce à l'échelle mondiale. Si la France prend des mesures unilatérales en la matière, la compétitivité de son industrie financière et l'activité de ses entreprises risquent d'en pâtir.

En ce qui concerne la suppression des paradis fiscaux, je crois qu'il faut distinguer deux choses différentes. Tout d'abord, les taux d'imposition varient selon les pays et je ne vois pas comment on pourrait imposer un alignement pour aller vers une harmonisation fiscale totale, l'impôt étant un élément de la souveraineté et les Etats ayant des besoins, des politiques, des niveaux de dépenses et de prélèvements obligatoires différents. En revanche, il faut souhaiter que les progrès déjà constatés sur le terrain de l'entraide, de la coopération, des échanges et de la lutte contre la fraude se poursuivent. Plus les choses seront claires, plus la coopération sera forte, plus la réalisation de nos opérations de contrôle se trouvera facilitée.

Vous m'avez également demandé une évaluation du montant de l'évasion fiscale à laquelle contribuerait BNP Paribas. Je serai très clair : comme je l'ai déjà nettement indiqué, rien, dans l'activité de notre groupe, ne conduit à de l'évasion fiscale. Le résultat de BNP Paribas est réalisé, pour l'essentiel, dans les grands centres. J'ai donné la liste exhaustive et le détail des entités établies au Luxembourg ou ailleurs : chaque fois, il s'agit essentiellement d'entités opérationnelles dont nous déclarons les activités locales dans les différents pays concernés.

Je dois d'ailleurs souligner qu'un texte très important, l'article 209 B du code général des impôts, autorise l'administration fiscale française à demander chaque année une déclaration exhaustive des entités implantées dans des pays où le taux de l'impôt sur les sociétés est inférieur de plus de 50 % au taux de l'impôt sur les sociétés français. Ainsi, nos cinquante-quatre entités situées dans des pays où le taux de l'impôt sur les sociétés est inférieur à 18 % doivent être déclarées à l'administration fiscale française. Sur ces cinquante-quatre entités, quarante-sept sont considérées par les services fiscaux, après examen, comme ayant une activité locale et ne devant pas être imposées en France. Le caractère local de l'activité n'est contesté par l'administration française que pour sept entités seulement ; leurs résultats remontent donc, encore ne s'agit-il que de montants très limités.

L'article 209 B est un dispositif fiscal fort, puisqu'il oblige à une déclaration annuelle de toutes nos entités à l'échelle mondiale. Nous devons ainsi faire remonter en normes comptables comparables l'activité et les résultats des cinquante-quatre entités que j'évoquais à l'instant, par le biais de déclarations individuelles. Ainsi que je l'ai dit, seules sept d'entre elles sont assujetties à l'impôt sur les sociétés en France, les quarante-sept autres étant exonérées au titre de l'article 209 B et donc imposées uniquement localement.

En conclusion, je le réaffirme, nos activités ne contribuent en aucune manière à l'évasion fiscale. Pour ce qui concerne nos clients, nous veillons de la façon la plus stricte à ne pas nous associer à des transactions qui ne respecteraient pas nos principes.

Quant à l'activité de conseil fiscal, je confirme que BNP Paribas n'emploie que cent à cent vingt personnes dans les métiers de l'ingénierie patrimoniale, contre 2 000 au titre de la fonction de conformité. En outre, ces petites équipes ne pratiquent pas le conseil fiscal : elles aident nos clients à organiser leur succession ou la gestion de leur patrimoine dans un cadre légal. Les effectifs de BNP Paribas dédiés à la conformité et à la sécurité financière sont donc sans commune mesure avec ceux que nous affectons à l'activité d'ingénierie patrimoniale.

Enfin, s'agissant du financement des PME, je rappelle que nous avons mis en place l'année dernière 7 milliards d'euros de crédits nouveaux, si j'ai bonne mémoire, au bénéfice de 70 000 PME. Les crédits aux PME et TPE ont progressé de 4,3 % à la fin de l'an dernier, évolution qui s'était maintenue à la fin de février 2012. Certes, nous n'acceptons pas tous les dossiers que l'on nous présente, mais nous sommes très engagés dans le financement de l'économie. Nous allons d'ailleurs continuer à mener toute une série d'actions de terrain et à prendre des initiatives volontaristes pour illustrer l'engagement très fort du groupe au service du financement des entreprises, en mobilisant nos experts, nos centres d'affaires et nos chargés d'affaires entreprises. Il s'agit de réaffirmer toute l'importance que nous accordons à l'accompagnement actif des entreprises sur le terrain, en France et à l'étranger. L'exemple du marché gagné par Eiffage et une PME du Cantal aux Philippines illustre une démarche que nous considérons comme essentielle.

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