Intervention de Frédéric Oudea

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Frédéric Oudéa président-directeur général du groupe société générale président de la fédération bancaire française et de Mme Ariane Obolensky directrice générale de la fédération bancaire française et de l'association française des banques

Frédéric Oudea, président-directeur général du groupe Société générale, président de la Fédération bancaire française :

Par ailleurs, vous soulevez une problématique plus générale au sujet des hedge funds.

Tout d'abord, les hedge funds, qu'est-ce que c'est ? Derrière ce terme, se cachent des réalités extrêmement diverses. Ces hedge funds sont des institutions financières, des fonds qui ne sont pas régulés comme des banques mais via les marchés, et qui collectent de l'argent de la part d'investisseurs, pour mener des stratégies très variées.

Ces stratégies peuvent s'apparenter aux méthodes d'un investisseur classique, fonds de pension ou assurance. Il s'agit - j'entre quelque peu dans le jargon - de stratégies dites « longues » : le but est d'investir un certain nombre de lignes dans des entreprises dont on juge que l'activité va se développer et la valeur s'accroître.

Ensuite, existent des stratégies dites « d'arbitrage », fondées sur le raisonnement suivant : dans un secteur donné, je vais acheter une entreprise x et je vais « shorter » une autre entreprise du même secteur. Pourquoi ? Parce que je considère que l'entreprise, achetée à un prix modéré, va voir sa valeur croître. À l'inverse, je vends en quelque sorte « à terme » l'autre entreprise dont je considère que la valeur, actuellement élevée, diminuera à l'avenir. Quand j'apporterai à l'investisseur les actions de l'entreprise en question, dans trois mois ou un an, je dégagerai donc aussi du bénéfice.

En outre, dans une certaine mesure, je cours peu de risques : étant donné que je me concentre sur un même secteur - les télécommunications par exemple, ou n'importe quel autre domaine - je n'ai pas une position directionnelle. Au total, si le secteur va mal, je bénéficierai d'une compensation entre l'achat et la vente. Ce sont donc des stratégies d'arbitrage relativement sûres.

Enfin, les stratégies peuvent porter sur des actions, des obligations ou des produits dérivés listés.

Les hedge funds regroupent l'ensemble de ces acteurs, et il n'est donc pas très aisé de définir ce secteur. Toujours est-il que, depuis cinq ans, le groupe Société générale n'a pas rencontré de problème avec ces fonds.

Lorsque l'on songe à la crise financière, sur laquelle il serait trop long de s'étendre, on tire la conclusion que, fondamentalement, elle provenait avant tout d'un excès d'endettement, d'un excès de crédit. Sa première source, ce sont les crédits immobiliers développés dans certaines zones géographiques, à destination des particuliers ou des commerciaux. Ces crédits étaient mal conçus et ils ont conduit aux problèmes que l'on sait en Espagne, aux États-Unis ou en Irlande.

Ensuite, cette crise est liée à des produits de marché trop complexes, de type collateralised debt obligation (CDO) avec des titrisations, fondés sur l'idée selon laquelle en mélangeant des actifs qui ne sont pas nécessairement corrélés, on se protège grâce à des découpages reposant sur le principe suivant : « cette tranche-là sera très sûre, elle sera protégée par rapport à une autre... »

Par ailleurs, cette crise, c'est également celle de la dette souveraine, qui est apparue plus récemment comme un problème majeur, notamment en Grèce.

Toutefois, en prenant un peu de recul, on observe que, globalement, pour l'ensemble des acteurs bancaires, les hedge funds n'ont pas entraîné de pertes significatives. Au fond, lorsque l'on analyse la partie « investisseurs », on constate que les affaires les plus graves relèvent plutôt d'individus de type Madoff ou autres qui, contrairement à ce que l'on prétend, ne se présentaient pas nécessairement comme des gestionnaires de hedge funds, mais comme des investisseurs qui proposaient de gérer des capitaux : « Je prends votre argent, je l'investis sur le long terme, et cette méthode est censée vous offrir des rendements importants. » Il s'agissait bien en l'espèce de fraudes caractérisées.

Néanmoins, je le répète, à ma connaissance, le monde des hedge funds, qui au demeurant a un peu souffert au cours de la crise de 2009, a certes vu ses performances baisser, mais n'a pas provoqué de pertes significatives pour les établissements bancaires.

Quatrième question : comment fonctionne notre conseil d'administration ? Tout d'abord, nous disposons d'un comité d'audit et des risques, qui est une émanation du conseil et qui se réunit pour examiner l'ensemble des comptes du groupe Société générale, l'ensemble des dispositifs de contrôle et, bien entendu, l'ensemble des risques auxquels nous sommes exposés.

Outre les risques financiers et de réputation, le risque fiscal fait partie des risques régulièrement étudiés par ce comité d'audit, selon des règles de gouvernance très strictes. Le fameux inspecteur général que j'ai évoqué, de même que les commissaires aux comptes - nous avons deux cabinets - rencontrent seuls ce comité d'audit, en dehors du management. Ces corps de contrôle sont donc parfaitement libres d'indiquer au comité en question : « Nous avons identifié tel ou tel problème qui nous préoccupe. »

Deuxièmement, comme je l'ai déjà précisé, cette question a fait l'objet de discussions explicites en conseil d'administration. La validation de notre code de conduite fiscale - document qui ne relève pas d'une exigence réglementaire mais bien d'une initiative du groupe Société générale -, qui a été discuté en conseil, en offre une illustration. Bien entendu, il s'agit donc de risques dont le conseil d'administration assure le suivi de manière régulière.

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