Intervention de Antoine Peillon

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Antoine Peillon journaliste à la croix charles prats magistrat membre du conseil scientifique du conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques et christian chavagneux journaliste à alternatives économiques

Antoine Peillon, journaliste à La Croix, auteur de « Ces 600 milliards qui manquent à la France » :

Mesdames, messieurs, il est évidemment quelque peu intimidant pour le journaliste que je suis de se trouver devant une commission d'enquête du Sénat, mais je me félicite avant tout d'être entendu sur un sujet sur lequel j'ai travaillé dans des conditions difficiles pendant environ six mois.

L'existence de cette commission d'enquête m'apparait comme un signe supplémentaire de l'intérêt du sujet et, surtout, de l'intérêt qu'y portent les représentants de la nation, des citoyennes et des citoyens. Tant l'ampleur et la gravité que les modes de fonctionnement de ce que l'on appelle l'« évasion fiscale » étaient assez peu connus voilà encore quelques mois seulement.

Les travaux parlementaires que vous menez m'impressionnent, d'abord par la rapidité avec laquelle vous les avez entrepris, ensuite parce qu'ils me semblent fondamentaux. J'ai pu mesurer - même si ce n'est que pour une modeste part - l'ampleur du phénomène, et donc celle de ses conséquences économiques, sociales, voire politiques.

Je précise que le titre de mon livre est un peu approximatif : les 600 milliards, sous-entendu « d'euros », qui manquent à la France correspondent au résultat arrondi d'une évaluation effectuée dans un des premiers chapitres. Cette évaluation, qui s'appuie sur de multiples sources et entretiens, aboutit plus précisément au chiffre de 590 milliards d'euros d'avoirs français réfugiés ou cachés sur des comptes dits « non déclarés » - c'est-à-dire non déclarés au fisc. Je ne vais pas entrer dès maintenant dans le détail, mais il s'agit, évidemment, d'une pratique tout à fait illégale.

L'évasion des avoirs, qui se poursuit depuis plusieurs décennies, a pour conséquences non seulement la non-déclaration des revenus de ces avoirs, mais aussi l'évasion constante de nouveaux revenus vers les paradis fiscaux et, pour un tiers environ, vers la Suisse, alors qu'en théorie ces revenus devraient profiter à l'économie française et, pour une part, via l'impôt, à l'Etat français.

In fine, d'après les calculs qui m'ont été présentés par différents spécialistes, économistes, financiers de banque, mais aussi membres du monde judiciaire, le manque à gagner fiscal, pour ne pas parler de celui de l'économie privée, équivaut à un sixième du budget annuel de l'Etat, ce qui n'est tout de même pas rien : on m'a indiqué, et je l'ai vérifié, que cela représentait à peu près le budget de l'éducation nationale, ce qui illustre l'ampleur du phénomène.

Pour un journaliste qui a travaillé sur ce sujet, être aujourd'hui entendu par des sénateurs, en présence de consoeurs et de confrères, est donc, à l'évidence, un moment important.

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