Intervention de Charles Prats

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Antoine Peillon journaliste à la croix charles prats magistrat membre du conseil scientifique du conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques et christian chavagneux journaliste à alternatives économiques

Charles Prats, membre du Conseil scientifique du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques, coauteur de « La Finance pousse-au-crime » :

Le quantum de peine encouru au titre de la répression douanière de la détention de compte bancaire à l'étranger est beaucoup plus important que la simple amende prévue au code général des impôts.

On passe d'une amende, qui était à l'époque de 1 500 euros - ou 10 000 euros si le compte était détenu dans un paradis fiscal - à une peine de prison de cinq ans, assortie d'une amende proportionnelle, ainsi que de la confiscation des sommes. Ce n'est pas tout à fait la même chose !

L'analyse juridique montre que la non-déclaration de compte bancaire est une infraction à la législation sur les relations financières avec l'étranger. A ceux qui sont un peu plus anciens dans le métier, cela rappellera le contrôle des changes, dans les années soixante-dix et quatre-vingt.

Cela permet d'aller plus loin et c'est surtout une manière plus simple de traiter les problèmes. En effet, il suffit aux enquêteurs des douanes de disposer des éléments qui indiquent que le mis en cause détient un compte bancaire à l'étranger - il faut évidemment avoir l'information - et qu'il ne l'a pas déclaré aux services fiscaux - il suffit pour le savoir de consulter la déclaration fiscale. Vous avez déjà là les éléments constitutifs de l'infraction qui permettent de recourir aux peines d'emprisonnement. La simple constatation du solde du compte permet ensuite de déterminer les amendes proportionnelles et le montant de la confiscation.

Autrement dit, en n'ayant à apporter que des éléments de preuve assez réduits, l'administration peut ainsi entrer en voie de sanction. Accessoirement, on peut noter que les agents des douanes bénéficient à ce niveau de la plénitude de leurs pouvoirs, notamment le droit de communication et le droit de visite domiciliaire, donc celui de procéder à des perquisitions.

Dans votre sagesse, vous avez voté, à la fin de 2010, une disposition supplémentaire qui permet aux agents des douanes agissant dans ce cadre de procéder également à la saisie des biens et avoirs qui proviennent directement ou indirectement de cette infraction. C'est une modification de l'article 459 du code des douanes.

Dans l'optique d'une répression des comptes bancaires détenus clandestinement à l'étranger, on peut même aller plus loin. L'article 459 du code des douanes prévoit en effet que sont passibles « de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction » les personnes qui détiennent des comptes bancaires à l'étranger. Cela signifie, si l'on fait un peu de prospective pénale, qu'une personne qui utilise en France le produit de comptes qui sont détenus à l'étranger est passible de la confiscation des biens et avoirs qu'elle utilise en France et qu'elle a acquis grâce à ces comptes bancaires détenus à l'étranger.

En termes d'éléments constitutifs, il suffirait de rapporter la preuve que la personne possède un compte bancaire non déclaré à l'étranger, quand bien même on n'en connaîtrait pas le solde. Si l'on apporte la preuve qu'elle a utilisé ces fonds détenus clandestinement pour acquérir un appartement, une voiture ou divers biens en France, on pourra en obtenir la saisie et la confiscation au titre du code des douanes.

On voit donc que la législation douanière permet de s'attaquer à ce type de problème de manière beaucoup plus simple et beaucoup plus rapide.

C'est une première piste, sur laquelle nous pourrons revenir si vous le souhaitez.

La deuxième piste a trait à la répression des escroqueries à la TVA.

Je ne parle pas là des problématiques de fraude classique à la TVA ou de contestation de TVA des entreprises « normales », qui entrent dans un schéma de débat contradictoire avec l'administration fiscale. Je parle des montages frauduleux d'organisations criminelles dont le but est véritablement de « truander » en abusant du mécanisme de la TVA, l'exemple type étant l'affaire BlueNext.

En matière de fraude de type « carrousel », d'escroquerie organisée, ce qui est frappant, comme on l'a vu dans les affaires du Sentier ou de carrousels dans la téléphonie, dans les composants informatiques et maintenant sur les quotas carbone, c'est que les sommes qui ont été l'objet de la fraude ne sont jamais recouvrées.

Le carrousel se met en place, les sommes sont fraudées et, lorsque l'administration fiscale - et même la justice si elle est saisie - intervient, plusieurs mois, voire un ou deux ans après, les fonds se sont bien entendu évaporés à l'étranger, les auteurs ou les concepteurs de la fraude ont disparu ; en général, ils sont eux aussi partis à l'étranger. Lorsqu'on met la main sur quelques personnes, ce sont souvent des lampistes. Moralité : l'Etat a perdu les sommes.

Nous nous sommes demandé comment faire face à de telles situations ? Nous sommes partis du principe qu'il fallait trouver un moyen d'intervenir avant que les sommes aient été volées. La législation française actuelle donne-t-elle la possibilité d'intervenir et de stopper les fraudeurs avant que les sommes fraudées soient volées ? L'idée n'est pas de recouvrer les sommes mais bien d'éviter qu'elles soient volées.

Cette possibilité existe mais, bien évidemment, elle n'est pas prévue par la procédure fiscale parce que cette dernière n'est pas calibrée pour lutter contre ce type d'agissements. Dans l'utilisation du livre des procédures fiscales et du code général des impôts, l'administration arrivera toujours après la bataille...

En revanche, judiciariser dès le départ les opérations permet d'interpeller les gens avant que les sommes aient été soustraites. Il faut raisonner en la matière comme on le fait en matière de terrorisme dans le système français. L'action judiciaire en France repose sur le principe qu'il faut interpeller le terroriste avant que la bombe n'éclate. En matière de lutte contre la fraude aux finances publiques, il faut changer de paradigme et essayer d'interpeller le fraudeur avant qu'il ait fraudé les sommes, ou en tout cas avant qu'il n'en ait fraudé trop.

Pour ce faire, il n'est absolument pas nécessaire de changer quoi que ce soit dans la législation. On peut utiliser l'association de malfaiteurs, qui est une ancienne qualification bien connue des pénalistes, que l'on combine avec la notion d'escroquerie en bande organisée à la TVA. En effet, on peut qualifier ce type de réseau de fraude à la TVA, non pas de fraude fiscale, mais d'escroquerie en bande organisée, ce qui est beaucoup plus simple en termes de mise en oeuvre des procédures puisque l'on n'est pas obligé de saisir la commission des infractions fiscales ou d'attendre un dépôt de plainte préalable par l'administration. Le procureur de la République peut immédiatement déclencher les enquêtes pénales, donc aller très vite.

La combinaison de ces dispositions avec celles qui sont prévues dans la loi Perben II sur la criminalité organisée - loi qui a permis d'intégrer l'escroquerie en bande organisée à l'article 706-73 du code de procédure pénale - nous offre la plénitude des techniques spéciales d'investigation : l'infiltration, les sonorisations, les écoutes téléphoniques, les gardes à vue prolongées et la mise en oeuvre de services spécialisés.

Quel résultat aurait eu le recours à ces procédures dans l'affaire BlueNext, par exemple ? Imaginons qu'à la fin de l'année 2008 des informations soient parvenues aux oreilles des services habilités, soit parce qu'un informateur était dans le réseau, soit parce que des déclarations de soupçon avaient été formulées par TRACFIN... Une enquête aurait été ouverte dès la fin de 2008 pour association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie en bande organisée, des écoutes téléphoniques auraient pu être mises en place, le réseau aurait pu être identifié très rapidement et les personnes auraient été interpellées sur la base de l'association de malfaiteurs, à partir des éléments constitutifs préparatoires à l'escroquerie à la TVA qui allait se commettre. Ainsi, en travaillant très vite, on aurait économisé beaucoup d'argent.

C'est ce type de procédure qu'il faut essayer de mettre en oeuvre. Il n'est pas nécessaire de modifier la loi pour ce faire : il suffit d'appliquer les textes. En revanche, il paraît souhaitable de changer quelque peu la manière de travailler.

Je sais que la Cour des comptes n'est pas nécessairement favorable à ce type d'opérations. Dans son rapport public annuel, à propos de l'affaire BlueNext et des quotas carbone, elle semble regretter que la voie judiciaire ait été choisie. Moi, je parle en praticien de terrain : il est évident que, si la voie judiciaire avait été choisie beaucoup plus tôt et que l'on avait travaillé de cette manière, les personnes impliquées dans l'affaire BlueNext auraient été interpellées plus rapidement.

Je renvoie ceux qui douteraient de l'efficacité de cette méthode à l'exemple belge : dans le traitement des escroqueries à la TVA, c'est peu ou prou de cette manière que les Belges ont travaillé. Selon les comptes rendus disponibles, notamment les articles qui ont été publiés dans la presse universitaire, ils ont réussi à diviser par quarante le montant des escroqueries à la TVA en l'espace de six ans. Si les Belges l'ont fait, je ne vois pas pourquoi nous n'en serions pas capables.

Afin d'aller plus loin, on peut aussi envisager d'introduire dans la loi des innovations techniques et prévoir des adaptations en profondeur, permettant de disposer de plus d'outils.

Une première adaptation technique consisterait à supprimer l'amende de 750 euros prévue par le code monétaire et financier pour la détention de compte bancaire à l'étranger parce qu'elle fait doublon avec les dispositions inscrites dans le code des douanes et le code général des impôts. Même si l'on a vocation à poursuivre les gens sous l'acception pénale la plus haute, il y a là un nid à contentieux. Il serait dommage que les procédures soient fragilisées par des contestations. Il suffirait à mon avis de supprimer cet article du code monétaire et financier en laissant subsister les textes de répression figurant dans le code des douanes et le code général des impôts.

Une autre adaptation technique, qui va plus loin, plus en profondeur, serait d'étendre aux personnes morales l'obligation de déclaration des comptes bancaires, déjà prévue dans la loi pour les personnes physiques. Cela risque d'être très mal pris par le monde économique mais, comme je vous l'ai dit, l'opacité, ou la clandestinité, est la mère de tous les vices en la matière. Je ne vois pas en quoi serait choquante l'obligation de déclaration des comptes bancaires détenus à l'étranger par les personnes morales.

Une autre adaptation technique serait l'extension de cette obligation de déclaration aux comptes bancaires détenus directement ou indirectement. Cette rédaction relativement vague mais large permettrait d'appréhender les personnes qui ont recours à des prête-noms ou à des sociétés écrans mais qui bénéficient elles-mêmes des fonds. Quand, dans les enquêtes, il sera possible de déterminer qu'une personne utilise les comptes de telle ou telle société écran, on pourra l'appréhender, en tout cas au niveau douanier, en termes de relations financières avec l'étranger.

Une proposition qui va un peu plus loin, mais qui aurait son intérêt, consisterait à créer un délit de fraude fiscale en bande organisée, puni de dix ans d'emprisonnement, en modifiant à cette fin l'article 1741 du code général des impôts, qui pourrait ainsi être inclus dans l'article 706-73 du code de procédure pénale, donc dans la loi Perben II. Cela permettrait aux nouveaux services de police fiscale, par exemple, ou à tout autre service de police judiciaire d'utiliser les techniques spéciales d'investigation dans le cadre de la lutte contre la grande fraude fiscale organisée.

Il ne faut pas se leurrer, il ne faut pas faire preuve d'angélisme : on est face à des structures complexes, très opaques. Nos amis américains ont recours à ces techniques ; je ne vois pas pourquoi les services spécialisés français ne le feraient pas. Bien sûr, on n'est pas là dans le trafic de stupéfiants. Mais je ne vois pas pourquoi, pour lutter contre des organisations complexes de fraude qui coûtent très cher aux finances publiques, on ne pourrait pas utiliser l'ensemble des dispositifs qui existent aujourd'hui dans le code de procédure pénale, notamment ces techniques spéciales d'investigation, principalement d'infiltration ou de sonorisation. Pour mieux lutter contre des réseaux organisés, des organisations très structurées, il faudra aller au contact et les infiltrer si l'on veut obtenir des résultats importants. Sinon, on n'attrapera jamais que les petits poissons.

Une autre proposition qui va encore plus loin et qui est loin d'être partagée - mais l'intérêt de se trouver devant une commission d'enquête parlementaire n'est-il pas de pouvoir formuler ce genre de propositions ? - consiste à réfléchir à la suppression de la commission des infractions fiscales et à la suppression de l'obligation de dépôt de plainte préalable de l'administration fiscale en matière de poursuites pour fraude fiscale.

Le procureur de la République ne peut pas engager de poursuites pour fraude fiscale, il est tenu d'attendre le dépôt de plainte préalable de l'administration. Certes, dans un arrêt de 2008, la Cour de cassation a indiqué que les infractions de conséquence qui avaient la fraude fiscale comme infraction sous-jacente relevaient du régime de droit commun, c'est-à-dire que le procureur de la République pouvait tout à fait ouvrir une enquête préliminaire, une information judiciaire, etc., pour blanchiment de fraude fiscale afin de lutter contre de telles infractions et qu'il n'était pas tenu d'attendre la saisine de la CIF et la plainte de l'administration fiscale.

Dans son rapport, la Cour de cassation a annoncé le revirement de jurisprudence en matière de recel de fraude fiscale. On peut aujourd'hui pratiquement affirmer qu'en matière de poursuites pénales l'ensemble des infractions de conséquence qui ont la fraude fiscale comme infraction sous-jacente relèvent du régime de droit commun. Le dépôt de plainte préalable n'est donc plus nécessaire. Cela ouvre déjà de nombreuses possibilités : blanchiment de fraude fiscale, recel de fraude fiscale, non-justification de ressources par personne en relation habituelle avec quelqu'un commettant une fraude fiscale, etc.

On peut aller plus loin et réfléchir à la suppression du dépôt de plainte préalable qui avait été introduite en 1977 et reverser la fraude fiscale dans le pot commun des infractions.

Il y a toutefois un bémol : deux adaptations seraient peut-être à prévoir.

La première est l'obligation de saisine du juge d'instruction. En effet, il est tout à fait préjudiciable de mener des enquêtes pénales en matière de fraude fiscale sous le régime de la flagrance ou de l'enquête préliminaire eu égard à la complexité et à la technicité de la matière fiscale et parce qu'il faut garantir aux personnes un débat contradictoire sur les éléments à charge qui peuvent être apportés contre elles. A ce niveau de la procédure pénale classique, seule l'information judiciaire le permet.

Dans le cas contraire, on peut être confronté à des cas où des personnes - cela s'est réellement produit -, sont poursuivies à la suite d'un dépôt de plainte préalable par l'administration pour fraude fiscale dans le cadre d'une enquête préliminaire et où l'enquête s'est soldée par le dépôt de plainte de l'administration, une audition simple, un renvoi en citation directe. Le tribunal, qui est parfois peu au fait des moyens techniques, ne statue finalement qu'au vu des arguments présentés par l'administration, alors même que, dans ce cas, la personne poursuivie n'a pas eu les garanties de la procédure fiscale et n'a pas pu faire valoir ses droits.

On peut en arriver ainsi à des situations ubuesques : la personne a été condamnée au pénal pour fraude fiscale alors même qu'elle aura une décharge des impositions en matière de procédure fiscale.

C'est la raison pour laquelle il faut être prudent. Utiliser la voie pénale en matière de fraude fiscale permet d'aller plus vite et c'est plus simple. En revanche, il faut imposer, dans ce cas, l'ouverture d'une information judiciaire pour avoir les garanties du débat contradictoire.

La seconde adaptation serait l'obligation de recueillir l'avis technique de l'administration fiscale, quand bien même le procureur de la République aurait engagé les poursuites.

Une autre disposition qu'il serait intéressant de mettre en oeuvre et que le législateur a prévue en matière de douane judiciaire serait la possibilité, après l'enquête pénale, de retransmettre le dossier à l'administration pour permettre une transaction administrative - car elle est parfois tout à fait justifiée - et éviter les poursuites pénales, ce qui limiterait l'encombrement des juridictions.

Une autre proposition, qui va encore plus loin et mérite également débat, concerne la création d'un statut légal de l'aviseur, ou de l'informateur, dans le code des douanes et dans le code général des impôts.

En effet, contrairement aux Etats-Unis, où, comme le soulignait M. Chavagneux, les informateurs ont un statut légal, en France, l'informateur a plutôt mauvaise presse. Seul un arrêté ministériel de 1957 définit l'aviseur en matière douanière et prévoit la rémunération des indicateurs. Mais la loi ne prévoit pas la possibilité de recourir à des informateurs.

Cette question n'est pas purement théorique puisque, si l'on se réfère à la jurisprudence la plus récente, notamment aux arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 31 janvier et du 21 février 2012, on constate que la chambre commerciale a annulé les ordonnances de visite domiciliaire dans le cadre des affaires HSBC, au motif que les informations provenaient de documents volés, qu'elles résultaient donc d'une infraction puisqu'elles avaient été collectées de manière illégale. La chambre commerciale de la Cour de cassation a appliqué la jurisprudence classique en matière civile, qui est celle de la loyauté des preuves.

Cette position n'est pas du tout celle de la chambre criminelle, qui est inverse. Mais, en matière fiscalo-douanière, sur les visites domiciliaires, c'est la chambre commerciale, et non la chambre criminelle, qui statue.

C'est un vrai sujet, politiquement très incorrect, mais on peut tout à fait réfléchir à la création d'un statut législatif pour les informateurs et prévoir que les services spécialisés, dans leur lutte contre la fraude aux finances publiques, peuvent utiliser les informations qui leur seront transmises par les indicateurs.

Aujourd'hui, une telle disposition n'existe pas. Pour lutter contre ce type d'évasion fiscale internationale, soit on attend la transmission d'informations par les homologues étrangers - mais on sait que, dans les paradis fiscaux, ou en Suisse, c'est un peu complexe - soit on légalise - on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre ! - et on encadre, en prévoyant toutes les garanties nécessaires, le recours à des personnes qui, de manière régulière, contactent les services répressifs, les services spécialisés et leur font savoir qu'elles disposent d'informations qu'elles sont prêtes à leur transmettre. C'est ainsi que l'on travaille en matière de stupéfiants, et l'on pourrait travailler de cette manière en ce qui concerne l'évasion fiscale internationale.

Une dernière proposition, également technique, serait de simplifier la législation CNIL sur les croisements de fichiers et les traitements automatisés d'informations.

Dans le cadre de l'affaire HSBC, il a fallu prendre en urgence un décret en Conseil d'Etat pour que soit créé le fichier EVAFISC qui recense les personnes soupçonnées de détenir des comptes à l'étranger. Aujourd'hui, tous les services travaillent quotidiennement avec des outils informatiques. Si l'on va jusqu'au bout de la logique de la loi de 1978, tous les services seraient dans l'illégalité.

Une des solutions pourrait donc être de modifier la loi de 1978 et de prévoir que, dans le cadre des missions de lutte contre les fraudes aux finances publiques, les traitements automatisés font l'objet d'une simple déclaration. Une telle disposition n'empêcherait pas la CNIL d'exercer son rôle de surveillance, mais elle permettrait de s'extraire des procédures très lourdes de l'autorisation et du décret en Conseil d'Etat, qui, au quotidien, retardent et fragilisent les investigations, car ce sont des nids à contentieux.

En conclusion, en tant que praticien, je dirai qu'en la matière, il faut, comme au rugby, revenir aux fondamentaux et à la simplicité !

A l'occasion des sessions de formation que je dirige à l'Ecole nationale de la magistrature, j'ai notamment organisé des débats avec François d'Aubert et Jacques Terray, de Transparency international, sur ces problématiques de prix de transfert et de fraude fiscale internationale. J'ai été frappé de constater à quel point mes collègues et d'autres fonctionnaires étaient démunis face à ces problématiques.

Or appréhender de manière complexe des dossiers qui ne le sont pas moins, c'est à coup sûr se retrouver dans l'impossibilité de mettre en oeuvre des mesures de répression à la hauteur des enjeux. Il faut revenir à la simplicité ; d'où ces propositions qui permettent de lutter contre l'évasion fiscale internationale selon une équation simple, facile à appréhender pour un tribunal : la détention de comptes clandestins.

J'insiste également sur le caractère dissuasif des mesures proposées.

Comme je l'ai dit, le code des douanes permet de réprimer la détention de comptes bancaires à l'étranger à hauteur de cinq ans d'emprisonnement ; je vous garantis que si, demain, deux ou trois affaires impliquant, par exemple, des personnes appartenant à la criminalité organisée et qui utiliseraient des comptes à l'étranger sont jugées et aboutissent à des peines de prison ferme, l'effet de dissuasion et de déclaration spontanée des comptes serait très important.

Il n'est que de regarder le résultat, dont, me semble-t-il, la ministre du budget vous a parlé la semaine dernière : à la suite de l'affaire de la liste HSBC, on a assisté à multiplication exponentielle de déclaration de comptes détenus à l'étranger de manière spontanée.

Enfin, je souligne que ces mesures tendent à l'efficacité. Plusieurs dizaines de milliers de comptes bancaires ont été déclarées. Et pour reprendre l'exemple belge sur la TVA, je note que l'application de cette technique de judiciarisation en amont a permis aux Belges de diviser par quarante le montant des escroqueries à la TVA dans leur pays en l'espace de quelques années. Si les Belges l'ont fait, je ne vois pas pourquoi on n'y arriverait pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion