Intervention de Éric Bocquet

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Antoine Peillon journaliste à la croix charles prats magistrat membre du conseil scientifique du conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques et christian chavagneux journaliste à alternatives économiques

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet, rapporteur :

Quelle densité, messieurs ! J'ai personnellement beaucoup apprécié vos trois interventions, tout à fait passionnantes. Elles sont, d'une certaine manière, le pendant des auditions de ce matin, non pas que je les rejette, mais le discours entendu ce matin était plus policé, plus formaté et limité dans sa teneur. Tout d'abord, je souhaite que la présentation « Powerpoint » qui nous a été projetée par M. Chavagneux nous soit transmise, car elle est très bien construite et d'un grand intérêt.

J'ajouterai ensuite une remarque anecdotique mais qui a son importance : j'ai noté la pléthore de termes anglo-saxons dans le monde de la finance. N'allez pas croire que j'exprime là un sentiment antibritannique ou antiaméricain : j'ai enseigné l'anglais durant trente ans avant d'être sénateur et j'ai aujourd'hui l'honneur de présider le groupe d'amitié France-Royaume-Uni au Sénat. Il n'y a donc rien de négatif dans mon propos. Je réagis simplement à une remarque formulée par M. Jurgensen la semaine dernière lors de son audition. Le choix des mots ne doit rien au hasard ; les mots décrivent une réalité et une idéologie. Là où les Français voient un poisson rouge, les Anglais voient un goldfish ! A partir d'une même réalité, plusieurs interprétations sont possibles. J'imagine donc que les nombreux termes anglais cités dans les auditions depuis le début ont un équivalent français...

Me faisant l'avocat du diable, je me demande si l'ouvrage de Monsieur Peillon n'est pas un peu trop brutal lorsqu'il met clairement en cause des organismes ou des banques. Vos conclusions s'appuient-elles sur des documents, des preuves, des éléments tangibles qui permettent d'étayer votre raisonnement ? Comment avez-vous procédé dans le cadre de votre enquête ? Plus généralement, pour quels motifs vous êtes-vous intéressé à ce sujet ? Par ailleurs, j'aimerais que vous nous expliquiez ce que sont précisément les « carnets du lait », expression que vous utilisez dans votre livre.

La question suivante s'adresse aux trois interlocuteurs ; elle a d'ailleurs été posée ce matin aux responsables de BNP Paribas et de la Société Générale. Considérez-vous que la Suisse, le Luxembourg et Jersey sont des paradis fiscaux ?

Monsieur Chavagneux, appréciant beaucoup les exemples concrets qui font parfois sourire mais qui illustrent parfaitement les mécanismes, j'aimerais que vous reveniez sur l'anecdote concernant les seaux en plastique fabriqués en Tchéquie et vendus à un prix exorbitant aux Etats-Unis tandis que les missiles sont vendus, eux, 50 dollars. Pouvez-vous nous réexpliquer dans le détail le mécanisme qui amène à ce paradoxe édifiant ?

Vous avez également évoqué le tableau retraçant le palmarès des entreprises françaises disposant d'entités dans les paradis fiscaux. Apparemment, ce tableau a été mis à jour. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Une remarque m'est venue à l'esprit la semaine dernière lors de la parution au Journal officiel de la liste des territoires retirés de la liste grise, parmi lesquels figurait notamment Belize. Or, à notre connaissance, Belize n'a fait l'objet d'aucune évaluation pouvant objectivement lui permettre d'être sorti de cette liste. Vider la liste des paradis fiscaux pour régler le problème des paradis fiscaux, c'est casser le thermomètre pour faire tomber la fièvre ! J'aimerais connaître votre appréciation sur ce sujet.

Lors des auditions précédentes, il nous a été dit à plusieurs reprises que les paradis fiscaux hébergeaient non seulement les sommes dégagées d'une évasion fiscale mais aussi les sommes liées au blanchiment de trafics divers, notamment liés au terrorisme. Existe-t-il selon vous des passerelles entre ces fonds ? Y a-t-il un cloisonnement strict ou, s'agit-il, pour reprendre l'expression d'un journaliste du Monde à propos de la City, d'une « grande lessiveuse » où tout se mélange tandis que l'argent est ensuite recyclé dans les circuits « normaux ».

Ma dernière question porte sur l'amnistie par rapport au passé, notamment au travers de la taxation des avoirs prévue par le dispositif Rubik, qui, selon un tableau qui nous a été projeté par M. Chavagneux, oscillerait entre 19 % et 34 %. D'où viennent ces taux ? Sont-ils le fruit de négociations ? Sur quoi reposent-ils ?

Telles sont les questions sur lesquelles, dans un premier temps, j'aimerais, messieurs, que vous nous apportiez des réponses.

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