Intervention de François Pillet

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Antoine Peillon journaliste à la croix charles prats magistrat membre du conseil scientifique du conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques et christian chavagneux journaliste à alternatives économiques

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Nous l'avons souvent fait remarquer à l'occasion de nos auditions, mais je précise tout d'abord que nous ne parlons cet après-midi que de l'évasion pour frauder, et non de l'évasion pour optimiser. Il convient en effet de distinguer l'évasion frauduleuse et l'optimisation légale.

Ensuite, je dois dire que, depuis le début de nos travaux, je reste toujours un peu sur ma faim lorsqu'il s'agit d'évaluer le montant de la fraude - sur ce point, je ne pense pas être contredit par mes collègues. On nous dit qu'il existe de multiples manières de la chiffrer. Quant aux sources journalistiques, je comprends bien qu'elles n'ont pas à être dévoilées, mais, dès lors, il est difficile de discuter de leur fiabilité - même si, en l'occurrence, je ne la conteste pas - de la rigueur de la méthodologie selon laquelle on reconstitue les sommes. Autrement dit, on ne peut en débattre contradictoirement.

De manière générale, il faut reconnaître que, aujourd'hui, dans notre pays, hormis dans un prétoire, c'est-à-dire devant la justice, on ne débat pas contradictoirement. Pourtant, si l'on veut se battre avec la puissance d'un Etat de droit, il faut aussi utiliser la force des règles de l'Etat de droit. Il n'y a rien de plus à craindre qu'un justicier ; en revanche, il n'y a rien à craindre d'un juge !

Je reste donc sur ma faim, et je constate qu'il est très difficile pour notre commission de cerner exactement l'ampleur de la fraude fiscale, comme d'ailleurs de l'optimisation fiscale.

En revanche, j'ai entendu avec beaucoup de plaisir les suggestions de M. Prats, lesquelles se rapprochent d'ailleurs de solutions que j'avais pu suggérer lors de précédentes auditions. En particulier, la suppression de la Commission des infractions fiscales me paraît déterminante. Je vois mal en effet comment l'on pourrait reprocher à un procureur de ne pas faire son travail dès lors qu'il ne peut prendre aucune initiative pour tout ce qui concerne la fraude fiscale, ce qui laisse à l'administration, qui n'est pas juge, et donc pas nécessairement indépendante, toute latitude pour poursuivre ou ne pas poursuivre.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec votre proposition d'institutionnaliser les chasseurs de primes. Le légaliste que je suis est quelque peu choqué par cette recherche d'efficacité maximale dans l'action, même si je sais que ces méthodes existent, et qu'elles peuvent être légalisées, comme par exemple en matière de contributions indirectes, avec un tarif plus ou moins fixé.

Je voudrais aussi interroger plus spécifiquement le magistrat que vous êtes sur le pouvoir transactionnel. En effet, si l'on permet demain aux magistrats eux-mêmes de décider du déclenchement des poursuites et, le cas échéant, de l'ouverture d'une information judiciaire, que doit-il, selon vous, advenir du pouvoir de transaction, qui reste entre les mains de l'administration, et donc de l'Etat ? Ne devrait-il pas être plus strictement encadré, voire interdit ? Je suis sûr que vous pourrez confirmer le fait que nombre d'affaires extrêmement importantes ne passent jamais devant le tribunal correctionnel, car on préfère transiger, pour la simple et bonne raison qu'un gentleman agreement avec monnaie sonnante et trébuchante à l'appui vaut mieux qu'une belle condamnation affichée dans trois journaux locaux.

Enfin, je souhaite recueillir votre avis sur la manière dont nous pouvions scientifiquement apprécier l'avalanche de chiffres discordants que l'on nous communique.

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