Intervention de Charles Prats

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 17 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Antoine Peillon journaliste à la croix charles prats magistrat membre du conseil scientifique du conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques et christian chavagneux journaliste à alternatives économiques

Charles Prats, membre du Conseil scientifique du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques, coauteur de « La Finance pousse-au-crime » :

En ce qui concerne la transmission des informations d'ouverture de comptes à l'étranger, vous suggérez en réalité de faire un FICOBA international, un fichier international des comptes bancaires. Si l'on y arrive, très bien ! Mais je doute de la bonne volonté d'un certain nombre de territoires réputés peu coopératifs pour transmettre ces informations.

Quoi qu'il en soit, la direction générale des finances publiques française n'a pas forcément la même puissance de feu internationale que l'Internal Revenue Service, l'IRS.

En ce qui concerne le « saucissonnage » des institutions et une proposition de regroupement des services, la question est complexe. Les critères de l'efficacité ne sont pas forcément les mêmes que ceux de la simplicité administrative. Dans une vie antérieure, avant d'être magistrat, j'étais inspecteur des douanes, et aussi secrétaire général de l'une des sept fédérations de fonctionnaires de Bercy. Je connais donc un peu la culture interne du ministère des finances et, honnêtement, en termes d'efficacité, je ne crois pas à un regroupement sous une même bannière, par exemple de TRACFIN, de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et de la Direction nationale d'enquêtes fiscales. Les cultures sont très différentes et les métiers assez sensiblement différents, de même que les manières de travailler. Je crois qu'il faut arrêter, dans ce pays, de vouloir toujours tout regrouper.

Dans un autre domaine, on se livrera peut-être un jour à une évaluation de la fusion entre DST et DCRG. A-t-elle été bénéfique ? Sans doute à certains égards. A-t-elle entraîné par ailleurs une perte de certaines compétences ? Les questions ne manquent pas.

La fusion d'administrations parfois pluriséculaires ne donne pas toujours de bons résultats. Dans ce genre de processus, il y a toujours un gagnant et un perdant. Les plus petits ne sont pas forcément les moins efficaces. Mais c'est toujours le plus gros qui gagne... La conséquence peut donc être une perte d'efficacité et une perte de substance, qui iraient à l'encontre de l'objectif poursuivi.

TRACFIN est un service de renseignement, qui traite des informations provenant principalement des banques, et qui fonctionne très bien. Ce n'est pas forcément en regroupant, au sein d'une seule agence, des fonctions d'acquisition et de traitement de renseignements et des fonctions opérationnelles que l'on va mieux réussir, notamment dans ces problématiques d'évasion fiscale. Ce n'est pas non plus en fusionnant les directions des enquêtes fiscales et des enquêtes douanières que l'on sera nécessairement plus performant.

Une fois de plus, mon propos sera assez iconoclaste : la « guerre des polices » existe sans doute à Bercy, mais elle permet aussi une saine émulation.

Les magistrats sont bien contents d'avoir plusieurs services de police judiciaire à leur disposition, des policiers, des gendarmes, des douaniers. Cela leur permet en effet, en cas de besoin, de dessaisir l'un au profit de l'autre, et ainsi de faire « avancer le schmilblick ». Il arrive en effet que les services ne répondent pas toujours dans la minute aux requêtes des magistrats, et priorisent les demandes, ce qui s'explique peut-être aussi par le fait que les services de police judiciaire ne sont pas administrativement dirigés par des magistrats, même si le code de procédure pénale prévoit que la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République.

Avoir donc un peu de saine émulation en la matière n'est pas forcément une mauvaise chose.

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