Intervention de Cécile Guérin-Bargues

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 1er février 2022 à 15h00
Audition de Mme Cécile Guérin-bargues professeur de droit public à l'université paris ii panthéon-assas auteur de « juger les politiques ? la cour de justice de la république » et « immunités parlementaires et régime représentatif : l'apport du droit constitutionnel comparé france royaume-uni états-unis »

Cécile Guérin-Bargues, Royaume-Uni, États-Unis) » :

J'ai noté de nombreuses questions. La juxtaposition des poursuites soulève effectivement d'importantes difficultés. Nous ne pouvons pas résoudre ce problème de connexité entre les faits en gardant la Cour de justice de la République, sauf à étendre la compétence personnelle de la Cour à un ensemble de personnes relativement important : conseillers, directeurs de cabinet, directeurs de cabinet adjoint, conseillers ministériels, directeurs d'administration centrale, etc.

Or, il y a une « idéologie du droit commun » qui ne va pas dans le sens de l'extension d'une juridiction d'exception à un groupe social plus important. De plus, si la Cour de justice de la République devait siéger beaucoup plus fréquemment, les parlementaires éprouveraient des difficultés à se rendre disponibles, étant donné qu'il faut assister à l'ensemble des débats, et que chaque réunion mobilise douze parlementaires et autant de suppléants.

En conclusion, je ne pense pas que la Cour de justice de la République puisse être sauvée et que sa compétence puisse être étendue.

La question de l'absence de parties civiles est délicate. Elle s'est manifestée dans l'affaire de diffamation qui visait Ségolène Royal, au cours de laquelle l'absence des parties civiles a compliqué la procédure. Il a fallu, comme souvent en matière de Cour de justice de la République, « bricoler » divers mécanismes. Faut-il admettre la constitution de partie civile en dehors des juridictions ordinaires ?

En ce qui concerne l'instruction, il s'agirait, dans le cadre de la réforme que je vous ai proposée, de remettre les délits de droit commun aux juges ordinaires, avec une procédure d'instruction classique. Si ce système fonctionnait, les faits comme le sang contaminé ou l'affaire Lagarde relèveraient de la responsabilité politique et seraient appréciés par le Parlement.

Il faut absolument garder un filtre, ce qui est le rôle de l'actuelle commission des requêtes. Cette commission est essentielle. Il faut lui adjoindre éventuellement un certain nombre de parlementaires. La commission des requêtes réunit actuellement sept représentants des juridictions. Nous pourrions ajouter sept parlementaires, ou calquer son organisation sur celle du Tribunal des conflits avec quatre magistrats judiciaires, quatre membres du Conseil d'État et quatre parlementaires. Il serait préférable de créer une commission des requêtes plus étoffée afin de lui donner la possibilité de résister à l'opinion publique et aux médias qui sont tendanciellement favorables à la saisine des juridictions. L'article 24 de la Constitution précise que le Parlement contrôle le Gouvernement. À ce titre, des députés et des sénateurs pourraient faire partie de cette commission, afin de rappeler que la responsabilité politique ne se limite pas à la seule motion de censure.

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