En ce qui concerne la spécificité de la judiciarisation française, celle-ci réside selon moi dans son ampleur et dans son caractère paroxystique. Les Allemands ont enregistré des plaintes, mais cela n'a pas pris une telle ampleur. Cela a été également le cas en Italie, où la situation est très différente étant donné que la Constitution italienne a été révisée en 1989, et il n'y a plus de Cour de justice de la République. La Constitution italienne subordonne le fait de mettre en cause la responsabilité pénale des ministres à une autorisation de la Chambre des députés et du Sénat. Il y a une protection systématique des ministres. La psychologie collective allemande est très différente de ce qui se passe en France. Il n'y a pas en Allemagne le même attrait pour le procès pénal.
En Angleterre, il y a une soumission des ministres au droit commun sans aucune protection en raison de l'importance du principe d'égalité, mais les juges ne sont pas formés de la même manière. 93 % des infractions pénales sont jugées par des juges tirés au sort, non professionnels. Il n'y a pas cette dimension médiatisée des actions pénales. Les magistrats professionnels ont une vision très différente de celle des magistrats en France. Ils s'exposent beaucoup moins médiatiquement. Il y a moins l'enjeu de lutte entre les pouvoirs qui transparaît en France.