Bonjour à tous. Je suis géographe et travaille principalement sur les enjeux de résilience, de prévention des catastrophes naturelles et d'adaptation au changement climatique. Comme vous l'a indiqué Corinne Le Quéré, le Haut conseil pour le climat a publié un rapport sur les enseignements à tirer de la crise Covid. À cette occasion, il a démontré que cette situation sanitaire, présentant des similitudes avec la crise climatique, pouvait constituer un retour d'expérience intéressant.
La crise Covid a révélé certaines vulnérabilités de notre société. Il est également apparu que ces vulnérabilités n'étaient pas équitablement réparties à l'échelle des territoires et des entreprises. Ses effets, décalés dans le temps et dans l'espace, ont par ailleurs nécessité de s'ajuster et d'anticiper.
D'autres comparaisons peuvent être établies entre crise Covid et crise climatique. La brutalité des évènements et le caractère chronique de ces deux phénomènes sont en effet à mettre en relation. Dans le second cas, les effets sur l'économie et les populations tendent à prendre une dimension systémique.
La première leçon que nous pouvons tirer de cette crise Covid concerne les lanceurs d'alerte et la prise en compte des signaux faibles. En effet, de nombreux avertissements avaient été lancés au sujet des coronavirus et de l'émergence d'une nouvelle maladie en Chine.
Or, au niveau du changement climatique, il existe désormais un constat scientifique robuste qui a été partagé avec les gouvernements. Les effets, notamment territoriaux, de ce changement, ont été observés et formalisés par le Haut conseil pour le climat dans son dernier rapport. Une alerte a été lancée sur les enjeux de la recherche et de son nécessaire maintien, y compris dans les domaines social et territorial.
La crise du Covid nous rappelle également l'importance de mettre en oeuvre les actions du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe naturelle (2015-2030). La France est en effet signataire de ce texte qui repose sur quatre piliers : connaître, renforcer, prévenir, et préparer.
Nous disposons actuellement d'un indicateur d'exposition au risque climatique, élaboré par l'Observatoire national sur les effets du changement climatique (Onerc) en lien avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l'Institut national de l'information géographique (IGN). Cet indicateur a ainsi été établi pour chaque commune du territoire métropolitain à l'aide de données relatives à la densité et au risque prévisible recensé. On note d'emblée qu'il n'existe aucun lien entre risque climatique, risque sanitaire, et risques naturels-technologiques (NaTech).
Au niveau européen, des progrès sont en cours sur l'acquisition et le traitement de ces données. La plateforme Climate-ADAPT est notamment très utile. Toutefois, ces premiers efforts doivent être renforcés et élargis, avec la création d'un Observatoire de la santé.
Si ces vulnérabilités intrinsèques aux territoires, entreprises, filières, et individus, nous intéressent, c'est parce qu'il a été établi qu'il existait un lien étroit entre inégalités et capacités de résilience des sociétés. Les inégalités suscitent des tensions, qui représentent une entrave à la mise en place de mesures visant au changement.
Il apparaît en outre que les populations les plus pauvres sont généralement les plus touchées par la crise. Ainsi, la Seine-Saint-Denis a été fortement impactée par le Covid, tout comme les outre-mer subissent de plein fouet la crise climatique.
Les vulnérabilités intergénérationnelles et le statut précaire des femmes sont enfin mis en lumière par les épisodes de crise.
Les inégalités se retrouvent enfin dans les sources d'émissions (air et eau) puisqu'il apparaît que les plus riches émettent davantage que les plus pauvres.
Les ressorts permettant une transition climatique juste sont similaires à ceux mobilisés pour faire face au Covid. Ainsi, le renforcement des politiques publiques au niveau de la protection sociale, et la solidarité face aux grands risques (chômage, maladie, vieillesse) apparaissent, dans les deux cas, essentiels.
La crise Covid a également mis en évidence la nécessité d'une coopération internationale. Sur le plan du changement climatique, cette problématique s'applique aux phénomènes de mouvements de population, de pénurie alimentaire, de pénurie de l'eau, de nouvelles pandémies. Toutefois, en ce qui concerne le climat, les capacités de réaction multilatérales doivent, pour être efficaces, être largement supérieures à celles démontrées pendant la crise Covid.
S'il existe d'ores et déjà un système européen d'entraide, mis en place pour les inondations ou les incendies, la multiplication des évènements extrêmes risque de fragiliser le système. La répartition des forces et des moyens pourra par ailleurs être mise en question.
La France, qui se présente comme un ardent défenseur du multilatéralisme, de la construction européenne et de la lutte contre le changement climatique, pourrait jouer un rôle particulier sur ces problématiques liées aux risques. Son influence pourrait être mise à profit d'une diplomatie préventive des crises, et d'une diplomatie environnementale plus normative.