J'ai participé à la commission d'évaluation du projet de loi pour la croissance et l'activité, dans le cadre des réflexions menées par France Stratégie. Étant compétent en matière de marché du travail, je m'en tiendrai aux dispositions qui y ont trait et qui peuvent, à mon sens, avoir des effets positifs en termes de création d'emploi.
Sur la question du travail dominical, nous avons mobilisé, au-delà des seules études académiques, peu nombreuses en France, les expériences étrangères, pour constater que les facultés d'ouverture le dimanche et en soirée ouvertes en Allemagne, au Canada, aux Etats-Unis, aux Pays-Bas ont eu des effets positifs - les études sont unanimes sur ce point. Au cours des années 1980, certaines provinces canadiennes ont élargi les possibilités d'ouverture le dimanche, quand d'autres, contiguës, s'en tenaient au statu quo, ce qui nous a permis d'identifier de manière convaincante, grâce à une méthode d'évaluation comparative, les effets de l'ouverture dominicale. Ils sont, le plus souvent, significatifs. Nous avons appliqué la même méthodologie aux États-Unis, à l'Allemagne, aux Pays-Bas, et constaté partout des effets positifs dans le secteur du commerce, voire au-delà. Nous n'en avons pas moins conscience que d'autres paramètres, et notamment l'impact sur les modes de vie, doivent être pris en compte. L'emploi ayant bénéficié en priorité aux jeunes, le retentissement sur les modes de vie est resté limité. On peut tabler qu'il en sera de même en France, d'autant que le bouleversement n'est pas radical : il ne s'agit que de passer à un maximum de douze dimanches autorisés, et d'ouvrir les dimanches dans quelques zones attirant un tourisme international. Au demeurant, les effets de l'ouverture du dimanche sont appréciés différemment : ceux qui habitent en milieu urbain y sont favorables, quand ceux qui vivent dans un cadre rural sont plus mitigés. Adapter la réglementation localement, ainsi que le permet cette loi, aura des avantages. Cela étant dit, les modifications apportées restant marginales, l'effet sur l'emploi sera limité.
J'en viens à la réforme des Prud'hommes. La barémisation des indemnités de licenciement semble une avancée importante, si toutefois elle est effectivement respectée, sachant que le juge aura toujours la possibilité de décider des montants de dommages et intérêts. Si elle l'est, ce sera le moyen de sécuriser en partie les modalités de rupture du contrat de travail, qui sont, à l'heure actuelle, source d'incertitude, tant pour le salarié que pour l'employeur.
La France est le seul pays dans lequel le juge professionnel est absent en première instance, où les partenaires sociaux assument son rôle. D'où une forte hétérogénéité dans les décisions, et des délais longs en moyenne. Il reste beaucoup de grain à moudre pour gagner en efficacité - le rapport Lacabarats était assez clair là-dessus. Or, in fine, la réforme reste très marginale ; on a renoncé à l'échevinage, qui faisait son inspiration première. Si bien que je suis sceptique quant à son impact.
Un mot, pour finir sur les mesures visant à favoriser la mobilité. Le transport en autocar en est une. Les études montrent qu'il y a là un gisement d'emplois, non seulement pour le secteur mais indirectement, pour d'autres, qui bénéficient du gain de mobilité, tandis que la sécurité routière ne s'en trouve pas dégradée, ni la pollution aggravée, car l'autocar se substitue essentiellement à la voiture. Quant aux mesures touchant au permis de conduire, les études empiriques pour la France montrent qu'elles ont un effet significatif sur l'emploi des jeunes, notamment les moins qualifiés.
Toutes ces mesures nous ont semblé, au total, aller dans le bon sens, mais n'apporter qu'un incrément limité. Beaucoup dépendra de leur mise en oeuvre, et de la façon dont les partenaires sociaux se les approprieront - la négociation collective sur la mise en oeuvre du travail dominical, notamment, sera déterminante.