Intervention de Jean Pisani-Ferry

Commission spéciale sur le PJL croissance et activité — Réunion du 18 février 2015 à 15h05
Audition de M. Pierre Cahuc professeur à l'école polytechnique membre du conseil d'analyse économique M. Jean Pisani-ferry commissaire général de france stratégie M. Henri Sterdyniak directeur du département économie de la mondialisation de l'ofce et M. David Thesmar professeur à hec membre du conseil d'analyse économique

Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France stratégie :

En dépit de nos divergences de vues, nous nous retrouvons, ainsi que vous l'avez souligné, pour considérer que les effets de ce texte resteront limités. Je relève également que nous avons tous plaidé en faveur de la concurrence. Que des économistes d'orientations très différentes se retrouvent sur le constat que l'économie française souffre d'un manque de concurrence dans certains secteurs mérite d'être souligné. Il est vrai que certains sont intervenus pour mettre en garde contre une concurrence excessive, mais il reste que le diagnostic, s'agissant des secteurs qui ne sont pas exposés à la concurrence internationale, est partagé : ces secteurs souffrent d'un excès de rente et de réglementation.

J'ai tout à l'heure évoqué un paradoxe, mais je m'empresse de préciser qu'il n'est qu'apparent. Bien que les secteurs concernés par ce texte ne soient pas directement exposés à la concurrence internationale, ils jouent néanmoins un rôle dans la compétitivité. Quand une entreprise industrielle exporte pour un euro de valeur ajoutée industrielle, il y a un euro de consommation intermédiaire de services qui est en même temps exporté. Or, ces intrants sont plus coûteux en France qu'en Allemagne, ce qui renchérit le prix final.

Ce texte marquera-t-il un coup d'arrêt ou aura-t-il un effet d'entraînement ? Il me semble que David Thesmar préjuge des conclusions. Pour moi, nous verrons vite les effets de certaines mesures - transport en autocar, travail du dimanche. Nous pourrons ainsi poser rapidement un diagnostic. Pour d'autres dispositions, comme celles qui ont trait à la réforme des Prud'hommes, il faudra plus de temps.

Nous tirerons les leçons de ce que nous constaterons. Cette loi fait partie d'un ensemble ; elle ne marquera pas, à mon sens, un coup d'arrêt.

Henri Sterdyniak s'interroge, avec quelques autres, sur l'opportunité d'une réforme de ce type dans la conjoncture actuelle. Il est vrai que la doxa qui veut que toutes les réformes structurelles soient bonnes, quelle que soit la conjoncture, est une idée fausse. De telles réformes portent des effets à moyen terme, mais aussi des effets à court terme, qui peuvent être positifs ou négatifs. Certaines des mesures qu'introduit ce projet de loi peuvent avoir, à court terme, un effet d'entraînement positif. Même dans un contexte déflationniste tel que celui que nous connaissons dans la zone euro, si certaines mesures peuvent nous faire gagner un peu en compétitivité, il faut les prendre.

M. Vaugrenard a rappelé le lien entre égalité et croissance et souligné le fait que les inégalités de patrimoine se creusent. L'une des caractéristiques de la France est qu'elle a relativement bien contenu les inégalités de revenus, grâce à des transferts, mais qu'elle n'est pas performante, en revanche, en matière d'égalité d'accès - à l'emploi, au logement, aux transports, etc. Un certain nombre des mesures envisagées peuvent améliorer les choses.

Un point touchant à la méthode, pour finir. Il me semble que sur les mesures controversées, il serait bon de pratiquer l'expérimentation, avec évaluation à la clé. Nous ne le faisons pas assez, à la différence d'autres pays, alors que notre Constitution ne nous l'interdit pas, dès lors qu'étant limitées dans la durée, de telles expérimentations n'introduisent pas de rupture d'égalité inacceptable. On l'a tenté pour le RSA, mais on a généralisé très vite, avant même d'avoir tiré les conséquences de l'expérimentation. Voilà un bon complément qui pourrait, me semble-t-il, être apporté à ce texte.

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