Intervention de Catherine Lemorton

Mission d'information sur les toxicomanies — Réunion du 6 avril 2011 : 1ère réunion
Audition du docteur françois bourdillon vice-président du conseil national du sida

Catherine Lemorton, députée :

Vous mettez en évidence le fait que la politique de répression telle qu'elle est appliquée en France a un coût très important...

Docteur François Bourdillon. - Il manque 800 M€ par an !

Certains pays sont revenus sur la répression entre 1990 et 2000. Vous plaidez donc en faveur d'une révision de la loi de 1970...

Docteur François Bourdillon. - Le Conseil national du sida le suggère à la fin de son avis. Cette loi de santé publique à caractère répressif n'a pas changé depuis 1970. Elle n'a pu prendre en compte les éléments positifs issus de l'épidémie de VIH en matière de politique de réduction des risques, qui mériteraient de figurer dans une loi sur la toxicomanie.

C'est pourquoi il conviendrait d'interroger globalement l'ensemble du dispositif répressif et médico-social. On a besoin de l'aspect sanitaire mais également de l'aspect social !

Un argument souvent avancé est le fait que les salles de consommation supervisée seraient une manière de banaliser l'usage des drogues illicites et favoriseraient donc leur utilisation. En forçant le trait, on pourrait dire que le simple consommateur de cannabis, une fois tous les 15 jours, pourrait être amené à utiliser l'héroïne. Etes-vous d'accord avec cette théorie ?

Docteur François Bourdillon. - Je ne le pense pas. Ces salles d'injection s'adressent à des populations extrêmement marginales, qui vont peut-être franchir la porte pour obtenir une soupe ou un autre élément. Ils pourront en outre procéder à leur injection dans de bonnes conditions. Les produits ne sont pas délivrés dans les centres. C'est une façon d'entrer en contact avec les populations les plus difficiles. Cela ne peut être considéré en aucun cas comme du prosélytisme en faveur de l'injection, ni comme une incitation à s'injecter des drogues ! Aucune publication portant sur ce domaine n'a confirmé ces éléments.

On dispose d'une expertise de l'INSERM et de beaucoup de publications ; ces structures ont été particulièrement étudiées dans la plupart des pays, s'agissant de produits interdits. Beaucoup ont autorisé ce nouveau dispositif comme un élément complémentaire du dispositif général. Selon le Conseil national du sida, c'est l'ensemble des dispositifs de prévention et de prise en charge qui doit être interpellé. Prendre uniquement fait et cause pour ou contre les salles d'injection supervisée est une vision extrêmement réductrice de la prise en charge de la toxicomanie ; elles ne s'adressent qu'à un petit fragment de la population. Ce dispositif a sa place mais ne doit pas occulter le débat de fond, qui est de réinterroger les politiques dans ce domaine !

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