Certes, mais vous savez que seuls ceux qui ont fait Saint-Cyr pourront être généraux. La réalité sociologique de la gendarmerie, c'est donc deux corps avec une césure assez ferme.
Il ne faut pas croire que les corps sont étanches : les commissaires de police et les officiers de police sont recrutés à 50 % en interne. Dans les faits, c'est même plus de la moitié du recrutement qui se fait en interne en raison des candidats « externes » qui passent ces concours alors qu'ils sont déjà dans la maison depuis deux, trois, quatre ou cinq ans - on parle de « faux externes ». Selon les promotions, on a donc entre 55 et 60 % d'officiers ou de commissaires promus en interne. Votre reproche ne me semble donc pas fondé. Tous les ans, des gardiens de la paix deviennent commissaires de police.
Le management doit évoluer, à mesure que les choses deviennent plus complexes. Nous sommes en train d'élaborer une nouvelle doctrine de management avec la direction de la formation. À l'IGPN, nous expérimentons énormément de choses pour nous-mêmes et pour des services de police. Je parlerai de trois expérimentations.
L'IGPN s'est appliquée à elle-même celle dont je parlerai en premier. Nous avons décidé de nous lancer dans la nouvelle approche dite Amaris, basée sur l'autocontrôle et la maîtrise des risques, après avoir réalisé que les quelques 800 inspections que nous avions conduites les années précédentes n'avaient pas vraiment changé la face du monde...
Pour ce faire, nous avons monté une équipe de 15 personnes ex nihilo. Comme nous ne voulions pas qu'elle soit uniquement constituée de policiers ou de commissaires, nous avons recruté un officier de marine, des contractuels, des gens susceptibles de nous apporter un oeil différent.
Nous avons ensuite décidé de faire travailler ce groupe en mode projet, ce qui n'est pas dans nos habitudes. Nous avons alors lancé un séminaire, avec l'aide d'un consultant. Aujourd'hui, notre mode de fonctionnement est totalement différent du mode classique, hiérarchique : quel que soit leur grade ou leur niveau, tous les agents sont une partie du projet. Certains fonctionnent en horizontal et circularisent énormément.
Nous avons aussi créé une obeya, c'est-à-dire une salle de réunion où tout est affiché - elle est constellée de papiers, d'affiches, de post-it - pour rappeler régulièrement les objectifs. Nous nous y réunissons tous les lundis matin pour faire le point sur ce qu'on doit faire dans la semaine et tous les vendredis pour faire le point sur l'avancement des projets. Tout cela se fait debout, un café à la main. Cette méthode nous permet d'impliquer tous les agents et de laisser tous les participants s'exprimer. Le collectif est ainsi responsabilisé : si ça ne fonctionne pas, ce n'est plus seulement la faute du chef.
Les agents sont tous enthousiastes, même si deux d'entre eux ont quitté le bateau. Ce mode de fonctionnement, trop éloigné du mode hiérarchique qu'ils ont toujours connu, ne leur convenait pas.
La deuxième expérimentation a trait au « dialogue opérationnel » que nous avons testé dans plusieurs commissariats. Il s'agissait de sortir des reproches habituels : les agents se plaignant de répéter leurs doléances mille fois sans être entendus et les chefs de n'être pas informés alors qu'ils sont prêts à tout entendre. Le dialogue opérationnel consiste à organiser une fois par an, par brigades ou par petites structures, une réunion de deux heures pour répondre à une question simple : de quoi a-t-on besoin pour travailler ?