Intervention de Salvatore Serravalle

Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens — Réunion du 25 juin 2019 à 14h00
Audition de Mm. Francesco Gaeta et salvatore serravalle secrétaires généraux adjoints des affaires européennes

Salvatore Serravalle, secrétaire général adjoint aux affaires européennes :

Permettez-moi de faire un point de situation sur les négociations en cours pour la programmation 2021-2027. Sur un certain nombre de règlements, le Conseil a donné une approbation partielle. Le Parlement européen s'est également prononcé sur un certain nombre d'entre eux. La négociation va s'accélérer au cours du prochain trimestre. Le Conseil européen de la semaine dernière a fixé le calendrier des négociations : une discussion politique, qui, en principe, ne devrait pas être conclusive, aura lieu au Conseil européen d'octobre, en vue d'un accord d'ici la fin de l'année. Vos préconisations nous seront ainsi utiles au regard de cet agenda.

Au-delà des règlements, le principal point restant à négocier porte sur les montants associés à chaque politique. Vous le comprendrez, ce sont des points très sensibles. Les éléments négociés depuis dix-huit mois portent sur le qualitatif, la manière dont le système doit fonctionner. Les négociations entrent désormais dans le dur : le montant général et sa répartition par grandes politiques de l'Union européenne. La présidence finlandaise présentera une première copie entre septembre et octobre, avec une proposition chiffrée pour chaque politique. Leurs discussions, en octobre, donneront des indications en vue de la finalisation de la négociation au Conseil européen de décembre.

D'ores et déjà, je peux vous indiquer que le cadre budgétaire général est en forte hausse. On passerait d'un cadre de 1% du revenu national brut (RNB) d'une Union européenne à 28 États membres, à un budget à 1,14 % d'une Union à 27 pays. Cette hausse s'explique par la sortie du Royaume-Uni - l'élaboration du cadre budgétaire a tenu compte du Brexit -, ainsi que par le souhait des États membres de financer de manière ambitieuse de nouvelles priorités. La crise migratoire a laissé des traces importantes. Il y a une volonté de renforcer le financement de certaines politiques : les migrations, la défense, la recherche et l'innovation, par exemple.

Lors des négociations, nous portons systématiquement trois positions transversales à l'ensemble des discussions. La première est liée au déséquilibre entre les montants alloués à la PAC et ceux alloués à la politique de cohésion. Dans la proposition de la Commission européenne, le montant alloué à la PAC diminue de 10 milliards d'euros, alors que celui alloué à la politique de cohésion augmente de 12 milliards d'euros. C'est la première fois que l'on observe un tel déséquilibre. Nous demandons un rééquilibrage entre ces politiques, par l'augmentation de 10 milliards d'euros du montant alloué à la PAC.

Le deuxième axe que nous portons concerne la mise en place de ressources propres afin d'éviter que le budget européen ne soit uniquement alimenté par les contributions nationales. Nous souhaitons la mise en place d'une fiscalité propre visant à financer les politiques européennes. La Commission européenne a fait quelques propositions telles qu'une taxe plastique ou une ressource liée aux quotas d'émissions carbone échangées sur le marché ETS (emission trading system). La proposition liée à une assiette consolidée de l'impôt sur les sociétés est pour l'instant au point mort car les États membres ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la définition de l'assiette commune. La France porte d'autres propositions de fiscalité en matière environnementale, comme le mécanisme d'inclusion carbone - la taxe carbone aux frontières. Toutefois, la France ne fait pas partie d'un groupe majoritaire sur ces sujets, rendant difficile les avancées sur ce thème.

Enfin, nous souhaitons introduire une conditionnalité, notamment dans le domaine social et fiscal. Nous souhaitons la mise en place de liens plus étroits entre le respect de nos standards environnementaux et sociaux et la possibilité d'aller émarger aux fonds européens.

J'en viens maintenant à la politique de cohésion. La proposition de la Commission européenne nous est globalement favorable. Cela est dû à deux facteurs. Tout d'abord, dans la politique de cohésion, les fonds sont alloués région par région en fonction de leurs richesses. La catégorie des régions intermédiaires a été élargie d'une manière favorable à la France. En outre, nous avons obtenu que de nouveaux critères soient pris en compte dans la détermination de la catégorie d'appartenance d'une région, au-delà du seul produit intérieur brut (PIB) par habitant : les migrations nettes par région, les émissions de CO2. Ainsi, une région qui émet beaucoup de CO2 pourrait bénéficier de plus de fonds européens afin de pouvoir réduire ses émissions. Dans ces conditions, notre taux de retour théorique s'améliore par rapport au cadre précédent, et les fonds alloués sont en hausse de 1,6 milliard d'euros. Ils passent ainsi de 16,5 milliards d'euros à 18,1 milliards. Les principaux gagnants de ce rééquilibrage sont les pays de l'Europe du Sud, au détriment de ceux de l'Europe de l'Est. En effet, la Grèce, l'Italie et l'Espagne ont vu leur PIB se dégrader à la suite de la crise économique qu'ils ont traversée. Cela suscite des réactions de la part des pays de l'Europe de l'Est, qui pourraient voir les fonds qui leur sont alloués diminuer en raison de ce rééquilibrage. Vous le voyez, les négociations sur ce sujet ne seront pas simples.

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