Intervention de Benoît Hamon

Mission commune d'information sur les rythmes scolaires — Réunion du 30 avril 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Benoît Hamon ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche

Benoît Hamon, ministre :

Je ne suis ministre que depuis quelques jours, mais ce dossier était pendant et mon prédécesseur l'aurait traité de la même manière. Il est incontestable que la période des élections municipales a ralenti les choses. Nous avons toutefois fait au plus vite...

Le nouveau décret ne se substitue pas au précédent, il organise les expérimentations sur une période de trois ans, avec un suivi qui permettra aux rectorats de prendre la mesure des performances. Nous complétons donc le cadre réglementaire par de nouvelles dispositions permettant d'intégrer ce qui ne l'était pas jusqu'ici.

Une commune peut décider de mettre en oeuvre un projet qui n'était auparavant pas éligible. Je concède que les délais sont assez courts, mais on appréciera avec discernement les situations difficiles. Certaines communes, malgré la continuité des équipes municipales, donnent parfois le sentiment de découvrir le sujet, alors qu'il est assez ancien !

Ce travail a été réalisé par les adjoints délégués aux questions de vie scolaire et d'éducation depuis longtemps ; il a été préparé avec les services, et avec tous les acteurs locaux qui concourent à une mission éducative auprès des enfants. Il m'appartient également, en tant que ministre, de faire preuve de discernement entre ce qui relève d'une difficulté réelle et d'un combat politique -qui n'est d'ailleurs pas moins respectable, mas qui doit avoir lieu sur le terrain classique de la démocratie. Je comprends que mes arguments ne parviendront pas à convaincre tel ou tel édile, mais la loi et les décrets sont les mêmes pour tous !

Il serait étonnant que l'on puisse s'affranchir d'un texte au motif que la norme est issue d'un décret ! Les limitations de vitesse relèvent aussi d'un décret ! Il ne viendrait à l'idée d'aucun maire de dire que l'on peut s'affranchir d'une limitation à 50 kilomètres par heure parce qu'elle émane d'un décret ! Ce n'est donc pas un argument recevable.

Nous préparons une organisation du temps scolaire qui relève d'abord de ma responsabilité, de celle du Gouvernement, et de l'État. La plupart des questions concernent d'ailleurs le périscolaire. Or, ces activités sont facultatives, pour l'élève comme pour les mairies. On peut parfaitement imaginer qu'elles montent en puissance progressivement.

Le mieux est l'ennemi du bien, mais cessons de raisonner dans l'abstraction ! Je parle là de réalités de terrain. Ma propre commune, Trappes, qui n'est pas riche, a expérimenté la réforme avec difficulté, mais nous en mesurons aujourd'hui les mérites pour nos enfants -et personne ne nous l'enlèvera ! Nous recherchons une organisation optimale pour que les enfants de la République acquièrent les apprentissages fondamentaux qui figurent dans les programmes. C'est notre travail. Ce décret ne se substitue donc pas au précédent !

Je crois comprendre que le sentiment d'abandon résulte du fait que les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) ne sont pas toujours disponibles. J'ai donné pour instruction, dès mon arrivée, que les rectorats, les services de la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) et mon cabinet se mobilisent pour être disponibles sur le terrain. S'il y a des difficultés, signalez-les : j'essaierai de faire en sorte qu'elles se règlent.

Je rappelle encore une fois le caractère facultatif du périscolaire. Certains élus oublient que, même s'ils ne mettent en place qu'une garderie, ils percevront malgré tout 50 euros par enfant ! Il s'agit d'être cohérent. Si l'on ajoute la part majorée dont bénéficient une partie des communes, à hauteur de 40 euros, et les prestations de la CAF, qui s'élèvent à 54 euros, le montant total des aides peut atteindre 144 euros.

Ceci n'enlève rien aux questions que vous posez : 144 euros par enfant sont-ils toujours suffisants ? Dans une commune qui a déjà une tradition d'accueil périscolaire, c'est souvent le cas ; dans une commune qui le démarre, ceci suppose une contribution de la collectivité. Certaines mairies, à droite comme à gauche, ont d'ailleurs fait le choix politique d'organiser depuis très longtemps le périscolaire, considérant l'investissement indispensable pour les enfants de la commune. D'autres, pour qui cela ne correspondait pas aux priorités, ne l'ont pas fait.

Il existe autant de situations que de communes. En tant que ministre de l'éducation, je dois d'abord me préoccuper du temps scolaire, puis des conditions de mise en oeuvre de la réforme, dès lors qu'elle suppose une certaine coopération et qu'elle ne sera optimale que si l'on favorise également l'épanouissement de l'enfant par le périscolaire.

Vous avez évoqué les TAP et les difficultés qu'elles génèrent. Je rencontre ce soir le directeur général de la CNAF, avec lequel je vais évoquer un certain nombre des sujets qui m'ont été signalés et qui portent à la fois sur le résultat de l'expérimentation sur les taux d'encadrement allégé pour l'ensemble du temps périscolaire et sur l'impact financier pour la CNAF.

Ceci suppose que l'on puisse interroger les maires sur leurs intentions concernant l'organisation du temps périscolaire. Un questionnaire leur sera envoyé le 7 mai, de façon à pouvoir évaluer l'impact financier du maintien de cette expérimentation sur les taux d'encadrement allégé, au-delà du mois de juin. C'est un point important.

S'agissant des grilles de qualification, même si le décret prévoyait une certaine souplesse en la matière, j'ai interrogé Najat Vallaud-Belkacem -sans remettre en cause la qualification, les compétences et la sécurité qui entourent les activités- pour étudier la possibilité d'aménager les règles existantes.

Je reste cependant prudent car, si l'on peut parfois trouver certaines situations absurdes, il ne faut pas, pour autant se retrouver avec des intervenants incapables d'encadrer nos enfants. Il faut donc trouver l'équilibre, qui se situe entre la norme, les règles existantes, et la généralisation de ce dispositif. J'engagerai des discussions en ce sens.

D'autre part, l'accueil de loisirs sans hébergement, validé comme tel, qui répond à des règles, représente un coût pour la CNAF, dans un contexte que vous n'ignorez pas, les parlementaires sur la plupart des bancs du Parlement réclamant la réduction de la dépense publique, tout en désirant une école meilleure, et des services publics plus efficaces. Nous avons tous des solutions : le Gouvernement en défend certaines, et les met sur la table. Or, le plan de 50 milliards d'euros et la contribution qui est demandée aux collectivités locales rend, pour certains maires, la réforme des rythmes scolaires plus difficile à mettre en oeuvre.

Tout le monde est favorable à des économies, le plan du Gouvernement porte sur 50 milliards, certains vont même jusqu'à 130 milliards d'euros, mais chacun désire également une école qui assure des missions efficaces et performantes, afin de permettre à un élève de savoir, à la fin du CM2, lire et parler français, et compter correctement.

La Journée de défense et de citoyenneté, qui a été l'occasion de réaliser un test grandeur nature sur 750 000 jeunes de 17 ans en 2013, a montré que 10 % d'entre eux ne maîtrisaient pas les règles fondamentales en français et en mathématiques. Je suis ministre de l'éducation nationale : ce n'est pas acceptable ! Mon travail consiste à lutter contre cette situation ; je sais que ce sera une tâche à moyen et long terme. Pour y parvenir, il faut réussir la réforme des rythmes scolaires. Je ne négocierai pas l'intérêt général qui, à mes yeux, passe par la réforme des rythmes scolaires en 2014 !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion