Je vous ai dit, lors de ma présentation, que je pouvais vous faire faire un petit tour de l'Hexagone, le tour de France d'Astérix mais en dehors de nos frontières.
Je rejoins mon confrère : il n'existe pas de solution optimale ni de pays optimal ; tout dépend de ce qu'on veut faire. Si vous êtes relativement jeune et si vous travaillez dans une banque, vous avez tout intérêt à aller en Angleterre, où vous pourrez bénéficier d'un split salary, c'est-à-dire ne pas être domicilié en Angleterre et recevoir une partie de votre rémunération en dehors de ce pays. Si vous êtes un peu plus âgé et que, ayant vendu votre entreprise, vous rencontrez des problèmes d'ISF ou éventuellement d'imposition des plus-values, vous irez naturellement vous installer en Belgique ou au Luxembourg. L'Allemagne n'a pas un intérêt gigantesque. Si vous songez à transmettre un jour ou l'autre votre patrimoine, la Suisse est évidemment un havre de paix - l'Italie aussi, d'ailleurs, puisque les droits de succession y ont été supprimés. Enfin, si vous êtes footballeur, l'Espagne est à l'évidence le pays que vous devez choisir.
Chaque pays possède donc son petit avantage. Je pourrais continuer en descendant vers les pays du Maghreb, dans lesquels il n'existe pas de droits de succession. En outre, au Maroc, le système fiscal est très favorable aux retraités. J'ajoute que le Canada rencontre actuellement un grand succès auprès de notre clientèle ; même s'il est un peu agité en ce moment, ce pays retient de plus en plus l'attention.
Pour répondre à votre question sur les avoirs détenus à l'étranger, je prendrai deux exemples qui me paraissent flagrants. Un jour, j'ai reçu la visite d'une dame d'un certain âge accompagnée de son mari. Elle était manifestement très ennuyée, car elle avait reçu un courrier de l'administration fiscale laissant entendre qu'elle possédait des avoirs à l'étranger. Cette dame affirmait que, à sa connaissance, elle ne possédait pas de tels avoirs, mais que c'était son mari qui s'occupait habituellement de ce genre de choses, et qu'il était incapable de lui répondre car il était atteint de la maladie d'Alzheimer. Grâce à la collaboration de leur banque, nous avons récupéré les fonds en question : la dame, qui au départ était extrêmement inquiète, s'est finalement un peu enrichie, en récupérant de l'argent qu'elle n'aurait peut-être jamais récupéré autrement. On peut donc s'enrichir grâce au fisc ! Même si ce n'est pas très fréquent, cela peut arriver...
Voilà un exemple de situation totalement absurde. Personne n'était capable de savoir d'où venait cet argent ni comment il était arrivé là, mais il était bien là. Je pourrais multiplier les exemples concernant les personnes physiques : nous rencontrons très souvent ce type de situation.
Au-delà de l'anecdote, ce qui me paraît plus intéressant, c'est qu'il existe aujourd'hui un mouvement - je peux vous dire qu'il est réel - de la part d'un certain nombre de banques suisses, qui incitent leurs clients à régulariser leur situation. Ne soyons pas naïfs : il y a deux issues possibles pour ces clients. Soit ils régularisent leur situation, laissant les avoirs à l'étranger ou les rapatriant en France après avoir payé les impôts applicables, soit ils plongent dans des eaux encore plus profondes, ce qui est probablement la chose à éviter. Si on n'offre pas aux gens la possibilité de régulariser leur situation dans des conditions - disons les choses clairement - économiquement acceptables, ils n'auront pas d'autre solution que de plonger dans des eaux encore plus profondes, d'aller, comme cela a été dit tout à l'heure, sucer des crèmes glacées dans des îles lointaines.
C'est complètement crétin, et cela ne me paraît pas très judicieux pour l'économie nationale ni pour les finances de la République. Le choix se présente ainsi : régulariser sa situation ou frauder encore plus, cette dernière solution n'étant pas celle que nous proposons généralement à nos clients.
Ce qu'il y a de plus frappant aujourd'hui, c'est qu'un certain nombre de banques étrangères ont de plus en plus tendance à pousser leurs clients à régulariser leur situation, car elles ne veulent pas être clouées au pilori comme l'ont été d'autres établissements. Je vous rappelle que la plus ancienne banque suisse a fait faillite il y a six mois, parce qu'elle s'est retrouvée embringuée - si vous me passez l'expression - dans un conflit avec le fisc américain, l'IRS. La banque a dû déposer les armes et a ensuite disparu, sa clientèle non américaine étant reprise par une autre banque - autrichienne je crois. Ce type d'événement marque les esprits.