Pour ce qui concerne les oeuvres d'art, la vérification est toujours très compliquée. L'administration n'est pas forcément en mesure d'appréhender en totalité la richesse des personnes en cause. Mais il est évident que la détention d'oeuvres d'art peut constituer un moyen pour blanchir de l'argent.
Comme vous l'indiquait tout à l'heure mon confrère, pour notre part, nous préférons disposer de mécanismes qui permettent de régulariser de façon officielle certaines situations au lieu de passer par des intermédiaires ou par divers circuits.
Pour ce qui est des trusts, comme l'a dit précédemment Pierre-Sébastien Thill, il peut y avoir des abus - nous en sommes tous parfaitement d'accord -, c'est une formule extrêmement souple, qui permet de s'organiser comme on veut.
Pour revenir à la France, ce qui me frappe aujourd'hui - tout le monde sait -, c'est que les gens vivent longtemps et ils se posent la question : qui va gérer mon argent lorsque je ne serai plus en mesure de le faire ?
Aujourd'hui, le législateur, d'ailleurs largement à l'instigation des notaires, a institué le mandat de protection future. Nous commençons à en signer quelques-uns, mais finalement un mandat de protection future, c'est un trust à la française. Cela consiste à demander à quelqu'un de gérer votre argent à votre place jusqu'à votre mort.
Par ailleurs, certaines personnes qui ont de l'argent se disent que laisser un jour 10 millions d'euros, 20 millions d'euros, 30 millions d'euros, voire 40 millions d'euros à des enfants ou à des jeunes, qui n'ont pas forcément les moyens de bien le gérer, ce n'est pas très raisonnable.
Aux termes du système civiliste français, quand vous décédez, votre argent est immédiatement transmis à quelqu'un. Vous ne pouvez pas prendre des dispositions sur des années à venir.
Là aussi, le législateur - cette maison y a très bien contribué - s'est dit qu'il fallait faire un certain nombre de choses.
L'assurance vie est aujourd'hui l'instrument d'épargne le plus populaire en France. Or qu'est-ce que l'assurance vie, si ce n'est l'organisation d'un trust ? Cela consiste à placer de l'argent qui ne vous appartient plus, qui n'appartient pas à la compagnie d'assurances et qui est insaisissable. Nous sommes donc dans la même situation.
Moi, ce qui me frappe, c'est que, faute de reconnaître ce système, alors même que la France a signé - mais non ratifié - la convention de La Haye, on a créé des dispositifs, le mandat de protection future notamment, qui aboutissent finalement à peu près au même résultat.
Je ne suis pas un défenseur acharné du trust, je suis au contraire un partisan acharné du droit civil. Mais quand des outils correspondent à un besoin et à une réalité, soit on les condamne et on fait comme l'année dernière, on sanctionne et on dit que c'est systématiquement réputé comme frauduleux, soit on a une approche un peu plus nuancée - celle qui a été évoquée par Pierre-Sébastien Thill - en disant que cela correspond, dans un certain nombre de cas, à des besoins sociaux.
Aujourd'hui, un Français ne peut pas créer de trust. Que fait-il ? Il souscrit un contrat d'assurance vie. Et comme il ne veut pas perdre complètement la main, au lieu de souscrire son contrat d'assurance vie en France, il le souscrit au Luxembourg parce qu'il peut y mettre un peu ce qu'il veut, alors qu'en France, en principe, c'est interdit. Je dis « en principe » car on sait très bien que, au-delà d'un certain montant de patrimoine, les compagnies d'assurances peuvent se montrer beaucoup plus accommodantes.
Là aussi, on est parfois dans le déni de la réalité. On condamne au lieu d'essayer de voir quelle est la réalité, comment, sur ces terrains où il y a un vrai problème, on peut essayer de lutter contre la compétition internationale.
J'ai pris l'exemple de l'assurance vie. Soit la France ne fait rien, on garde la législation telle qu'elle est, on est très rigoureux et on sait très bien que les gens iront ouvrir des contrats d'assurance vie au Luxembourg, soit on essaie de voir la réalité en face : les contrats ouverts au Luxembourg ne pourraient-ils pas l'être en France ? Les richesses resteraient en France, les personnes qui gèrent cet argent également et il y aurait peut-être quelques impôts supplémentaires payés en France, alors que, aujourd'hui, c'est de la matière fiscale qui s'évapore dans les pays étrangers.
Notre problématique est un peu la suivante : notre intérêt est que l'argent, nos clients, nos entreprises et nos personnes fortunées restent en France.
Quand des personnes se délocalisent, je touche quelques honoraires sur le moment, mais ensuite, ce sont mes confrères suisses et belges qui en profitent, ce n'est pas moi.