Concernant les chiffres et les indicateurs, chaque fois que nous en demandons, il faut mobiliser du personnel administratif pour faire remonter les informations. Il faut trouver le bon équilibre. Nous avons une vision très jacobine de l'hôpital tout en ayant un discours politique qui se voudrait girondin. Il m'est demandé de donner plus de latitude aux hôpitaux pour gérer comme ils l'entendent, tout en vérifiant que tout est parfaitement conforme et millimétré. Il faut savoir ce que l'on veut. Un des retours d'expérience de la crise est que notre organisation actuelle est très jacobine et pyramidale. L'administration centrale passe des commandes aux territoires, aux agences déconcentrées et aux établissements de santé. Des normes, des directives, des circulaires sont émises dans cette optique. Un système dans lequel le central serait au service des territoires, et non l'inverse, pourrait être essayé. Les fonctions centrales seraient des fonctions supports pour les territoires et les établissements de santé. Cette question mérite d'être posée.
Je me suis penché sur les raisons relatives aux abandons d'études - j'avais cité le chiffre de 1 300 - par les étudiants en soins infirmiers. Plusieurs paramètres l'expliquent. Cela peut s'expliquer par une externalité négative de Parcoursup, puisqu'il n'y a plus d'entretien motivationnel, la sélection se faisant par dossier, ce qui empêche d'apporter des informations indispensables à ces jeunes. Il faut aussi noter une démédicalisation de l'accueil des soignants. Les médecins ne connaissent pas le nom des stagiaires qui passent plusieurs mois dans leur service. Si ces derniers ne se sentent pas accueillis, ils auront tendance à ne pas rester. Ce sont des éléments d'amélioration à envisager.
Pour les éléments salariaux, nous vous enverrons les éléments que vous souhaitez. Une enquête a été réalisée par la Drees afin de comparer les salaires français aux salaires moyens dans l'OCDE. À niveau horaire équivalent, il apparaît que nous avons gagné de nombreux rangs dans les classements. Dans les grilles salariales, personne n'a rien perdu. Toutes les transformations de grille salariale dans la fonction publique répondent aux mêmes règles. Les syndicats l'ont d'ailleurs signé. Lorsque les grilles sont modifiées dans la fonction publique hospitalière ou dans la fonction publique territoriale, l'impact se situe au niveau des entrants, et non au niveau des personnes déjà insérées dans la grille. De surcroît, les personnes déjà dans la profession ont obtenu un réel gain salarial grâce au reclassement. Lorsque l'on supprime les premiers échelons d'une grille pour en ajouter en haut de grille, il n'est pas possible de faire basculer toutes les personnes en fonction à un échelon supérieur. Cependant, dans les faits, nul ne perd rien. Pas un médecin n'a perdu de l'argent en raison des mesures du Ségur. Certes, certains médecins soulignent que de jeunes médecins ayant moins d'expérience qu'eux obtiennent des salaires de même niveau, mais telles sont les règles lorsqu'on modifie les éléments indiciaires.
En outre, une prime de 100 euros a été accordée aux infirmières en réanimation, comme le proposait le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales. Les autres aspects du volet soins critiques doivent être détaillés et emporteront d'autres conséquences.
Sur la valorisation du travail de nuit et le week-end, je suis d'accord avec vous. Lors de la négociation avec les organisations syndicales dans le cadre du Ségur, j'avais soumis une première proposition valorisant davantage les périodes de temps de travail additionnel. La majorité des syndicats n'ont pas fait ce choix. Nous avons donc privilégié l'indemnité de service public exclusif. Un médecin ne travaillant pas dans le privé mais exclusivement dans le public obtient une revalorisation sensible de son salaire. Des efforts financiers ont été consentis pour revaloriser les salaires, mais nous n'avons pas pu aller au-delà. Une réflexion devrait toutefois être menée dans un cadre statutaire unifié de la fonction publique. Ne pourrions-nous pas moduler certains paramètres afin de tenir compte de la charge liée à la permanence de soin propre à certaines spécialités ? Plutôt que de majorer la rémunération des gardes, ne pourrait-on prévoir, quand, dans une spécialité, cinq gardes par mois sont prévues, une revalorisation de la rémunération de base.
Quant au personnel soignant, nul n'a la volonté de supprimer du personnel. Aucun hôpital ne souhaite une réduction du nombre d'infirmières. L'objectif des établissements est au contraire d'en avoir plus. Les hôpitaux en manquent et en cherchent. Si des lits ne sont pas ouverts, cela ne signifie pas qu'ils ont été intentionnellement laissés fermés par les pouvoirs publics pour faire des économies. Avoir des lits fermés coûte bien plus cher, puisqu'il faut solliciter l'intérim pour remplacer les médecins et les infirmières. Il peut en outre en résulter des retards de soins. En tant que ministre de la santé, mon bonheur serait d'apprendre que les hôpitaux ont pu recruter tout le personnel souhaité. La situation est encore pire en santé mentale et en psychiatrie. Le budget existe. Nous avons renforcé l'attractivité de ces métiers via des hausses de salaire, une amélioration de l'outil de travail et la mise en place de formations. La situation va aller en s'améliorant, mais il était largement temps.