Sur la T2A, la France a été excessive dans la mise en place de ce dispositif. Elle est allée trop loin, en allant jusqu'à près de 100 % de T2A, excepté la psychiatrie. Lorsqu'elle a été mise en place, les économistes de la santé avaient considéré qu'il y aurait un contre-pouvoir. Il y aurait certes un outil de mesure des soins effectués pour pouvoir payer l'hôpital, mais le salaire d'un médecin étant identique à la fin du mois, quelle que soit l'activité de l'hôpital et l'éthique étant très forte, les médecins contre-balanceraient une éventuelle pression administrative sur la T2A.
En réalité, les médecins se sont retrouvés sous le feu nourri d'un pilotage par les indicateurs. Des effets pervers se sont produits. Tout système de financier génère des effets pervers et doit donc être revisité, rénové. La charge administrative liée à la T2A est excessive. J'ai rédigé un rapport à ce sujet en 2015, que j'ai remis à Marisol Touraine à l'époque. Nous en étions presque arrivés au stade de chronométrer les actes des ergothérapeutes pour quantifier le temps auprès d'un malade en fonction des actes. L'évaluation des soins en termes quantitatifs représentait 5 à 10 % du temps efficace de soin, ce qui n'a pas de sens. C'est pourquoi nous souhaitons sortir de ce système.
Prenons l'exemple de la réanimation : l'ARS demande à l'hôpital de maintenir dix lits ouverts. Or chaque lit ouvert suppose un effectif spécifique de personnel soignant. Il faut alors payer pour les lits, qu'ils soient ouverts ou pas. Il faut sortir de ce système. La réforme du financement des soins de suite et de réadaptation (SSR) va en ce sens. On tend donc à réduire à 50 % la part de la T2A et à développer la dotation populationnelle et le financement de la qualité. Des garanties de financement ont aussi été instituées depuis eux ans.
Sur les besoins de santé, le problème est qu'on ne sait pas les évaluer. Je ne sais pas dire combien de consultations chez un médecin doit faire en moyenne un Français en fonction de sa pathologie. Les économistes réfléchissent à l'identification de ce qu'est un besoin, mais nous ne pouvons fonctionner qu'en termes d'offre, et non de besoin. Certains indicateurs sont probants : l'accès en trente minutes à la maternité, aux urgences... Pour le reste, la situation est complexe. Combien de fois une personne de 60 ans en bonne santé doit-elle voir son médecin chaque année pour obtenir un gain réel en matière de santé ? Il est difficile de le dire.
Sur la question de l'intérim médical, nous avons repoussé l'application d'une mesure qui me semble juste sur le plan social et efficace en matière de lutte contre les dérives de l'intérim. Cela était inapplicable pendant un telle vague épidémique. Il s'agit d'une mesure que nous souhaitons mettre en oeuvre cette année. Il convient néanmoins de laisser aux soignants la possibilité de souffler, sans rajouter une pression supplémentaire en matière de ressources humaines.
Sur les unités neurovasculaires, cet enjeu n'est pas national, mais le sujet de l'AP-HP. Il est aussi lié aux prix de l'immobilier à Paris. Une infirmière travaillant à l'AP-HP perçoit le même salaire qu'une infirmière de Montluçon ou de Grenoble, alors que les loyers sont bien plus élevés à Paris. Or elle doit parfois commencer en horaires décalés, à 7 heures, à 14 heures ou à 21 heures, alors qu'elle vit à une heure de son établissement. Elle n'a donc plus de vie. Le ministère travaille à l'identification de centaines de logements sociaux destinés au personnel soignant des hôpitaux parisiens.