Oui. C'est, selon moi, le strict minimum pour pourvoir mener les choses à bien correctement. Je ne fixe pas ce chiffre pour obtenir moins.
Mme Estrosi-Sassone a, quant à elle, posé des questions sur la mobilité et la distribution.
S'agissant des recommandations concernant les nouvelles règles du jeu, aussi bien pour les autocars que pour les autoroutes, cela correspond bon an mal an aux recommandations établies par l'Autorité de la concurrence au printemps et en septembre 2014.
Pour ce qui est des autoroutes, le Gouvernement - et c'est légitime - ne reprend que les propositions permanentes. Nous lui avions recommandé de profiter du plan de relance autoroutier et de la renégociation de la durée des concessions accompagnant la mise en place du plan pour en renégocier aussi les conditions, notamment en revoyant la formule d'évolution des péages et en introduisant, au-delà d'une rentabilité nette qui serait convenue, des clauses de partage des profits entre l'État et les sociétés d'autoroutes. Cela ne peut relever de la loi. Le Gouvernement doit entamer une négociation avec les sociétés d'autoroutes, d'ailleurs déjà en cours.
La loi se borne à mettre en place des dispositions permanentes que nous avions proposées pour réguler les sociétés d'autoroutes de manière plus indépendante, à la fois en conférant un pouvoir d'enquête et d'information à l'ARAFER, dont les compétences sont étendues à la route, et en lui octroyant un pouvoir d'avis sur l'ensemble des contrats - contrats de concessions, cahiers des charges, contrats de plan - qui vont avoir un impact sur l'évolution des péages. Enfin, la loi renforce les obligations de publicité et de mises en concurrence des groupes détenteurs de concessions autoroutières. Cela correspond exactement à nos propositions.
Pour ce qui est de l'autocar, nous avions établi une distinction entre deux types de lignes, celles dont la distance est supérieure à 200 kilomètres, pour lesquelles nous prévoyons une autorisation de plein droit, sous réserve de critères de compétences et de transparence financière, et celles inférieures à 200 kilomètres, pour lesquelles nous proposons une régulation par des autorisations individuelles, qui permettraient aux AOT de s'opposer à la création de la ligne.
Pourquoi avons-nous choisi ce critère kilométrique ? Il nous a semblé qu'au-delà, la substituabilité entre l'autocar et le train était très faible, compte tenu de la différence de temps que le voyageur supporte selon qu'il choisit l'un ou l'autre de ces moyens de transport, et qu'en deçà de 200 kilomètres, cette substituabilité est bien plus forte.
Le critère kilométrique retenu par l'Assemblée nationale à ce stade n'est pas très différent du nôtre, celui-ci prenant en compte la distance totale de la ligne. Ici, il s'agit d'un critère de 100 kilomètres entre chaque étape. Les AOT pourront donc s'opposer à l'ouverture entre chaque ville et sur chaque tronçon de la ligne d'autocars dont l'ouverture est programmée.
S'agissant de l'ARAFER, nous avions proposé d'élargir les compétences de l'ARAF au domaine de la route. Cela correspond exactement à nos propositions. Les rapports seront inspirés de ce qui existe de manière générale entre régulateur sectoriel et l'Autorité de la concurrence : chaque fois que nous enquêterons dans un domaine de compétences de l'ARAFER, nous devrons solliciter son avis pour obtenir un éclairage du régulateur sectoriel. De même, lorsque nous examinerons une concentration dans ce secteur, nous solliciterons l'avis du régulateur sectoriel. En sens inverse, il pourra lui-même nous transmettre des affaires s'il découvre, à l'occasion de son travail d'enquête et de régulation, des pratiques qui pourraient relever d'ententes ou d'abus de positions dominantes. Comptez sur nous pour entretenir les meilleurs rapports avec cette institution, dont une vice-présidente est une ancienne rapporteure de l'Autorité de la concurrence. Je suis convaincu que nos relations seront fructueuses et intenses.
Vous avez soulevé la question de la mesure de la rentabilité. Le test économique que l'on va appliquer en deçà de 100 kilomètres doit conduire à se poser la question de la cohérence des investissements de transport. Si les AOT subventionnent parfois lourdement le maintien de TER conventionnés - elles s'en plaignent d'ailleurs parfois -, il est normal qu'elles veillent au fait que les lignes d'autocars ne conduisent pas à l'arrêt de ces offres conventionnées, si le transfert de clientèle qui pourrait s'opérer du train vers l'autocar remettait en cause de manière substantielle l'équilibre économique de l'offre conventionnée.
On sait qu'une offre de transport par autocar est flexible et peut se reconstituer facilement ; il est très difficile de rouvrir une ligne de train qui ferme. C'est irréversible. Nous en sommes conscients, et le projet de loi y répond. L'AOT pourra s'opposer, après avis conforme de l'ARAFER, à l'ouverture de la ligne d'autocars si elle démontre que la création de cette ligne remet en cause de manière substantielle l'équilibre économique de l'offre conventionnée.
Vous m'avez interrogé sur les contrats d'affiliation concernant la distribution. Avant l'élection présidentielle, le Gouvernement précédent avait soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat un projet de loi dit « projet de loi Lefebvre » sur la consommation. Ce projet de loi comportait déjà des dispositions qui encadraient ces contrats d'affiliation. Ce texte avait été adopté par l'Assemblée nationale et examiné de manière approfondie et remarquable par le Sénat. Son rapporteur, M. Fauconnier, avait réalisé un travail très complet, étudiant attentivement les contrats actuels. S'inspirant des recommandations de l'Autorité de la concurrence, le Sénat avait adopté un texte extrêmement intéressant.
Il allait en effet plus loin que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, en ce sens qu'il réglait non seulement les questions de fond, mais imposait également que l'ensemble des contrats soient réunis dans un document unique. Aujourd'hui, celui qui s'affilie est soumis à toute une série de contrats, dont aucun n'a la même durée. Il existe un contrat pour accéder à la centrale d'achats, un contrat pour bénéficier du savoir-faire informatique, etc. Aucun n'a la même échéance ! Lorsque vous en dénoncez un, les autres continuent à courir, si bien que vous ne pouvez jamais sortir de la relation contractuelle.
L'intérêt du texte adopté par le Sénat était d'imposer la réunion, dans un document unique, de l'ensemble des droits et des obligations qui lient la tête d'enseigne et les magasins affiliés. Cette obligation formelle allait dans le sens de la transparence et de la clarté.
Le texte plafonnait également la durée de manière plus contraignante. Il ne s'agissait pas de neuf ans, mais de six ans et on allait plus loin que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale en ce qui concerne la prohibition des clauses de non-affiliation ou de non-concurrence.
Ce texte nous convenait très bien. Ce sujet, alors qu'il n'avait pas tellement bouleversé les foules il y a trois ou quatre ans, paraît aujourd'hui révolutionnaire. À l'époque, les majorités n'étaient pas les mêmes à l'Assemblée nationale et au Sénat, mais les deux chambres avaient adopté un texte visant le même objectif. Il semble que ces dispositions créent cependant beaucoup d'émotion, alors que le texte est bien plus prudent - il va nettement moins loin que le texte du projet de loi « Lefebvre » -, et qu'il a pour vertu de pouvoir s'appliquer aussi bien aux groupes intégrés qu'aux groupes coopératifs.
En effet, la réglementation qui est prévue n'est pas incompatible avec le modèle coopératif. La meilleure preuve est que Système U qui, ne l'oublions pas, est une enseigne coopérative, pratique des contrats ouverts d'un an, permettant à tout moment à l'adhérent d'en sortir. Que je sache, Système U n'a pas mis la clef sous la porte et fonctionne très bien ! Ceux qui bénéficient aujourd'hui des contrats ouverts risquent de voir leurs magasins débauchés par des enseignes qui disposent de contrats fermés, et une fois ces magasins débauchés, que ceux-ci ne soient plus disponibles pour la concurrence. On aurait alors des forteresses inexpugnables, avec des magasins verrouillés à jamais. Plus ils seront verrouillés, plus la puissance d'achat des enseignes et le pouvoir qu'elles détiendront seront forts, sans contre-pouvoir interne.
Ce texte ne présente un intérêt que si les dispositions qu'il contient sont raisonnables, ne remettent en cause ni le modèle ni l'investissement coopératif, et s'appliquent aussi bien aux groupes intégrés et aux groupes coopératifs. Je rappelle que les groupes intégrés comme Carrefour, Casino ou Auchan, recourent de plus à plus à ces contrats d'affiliation.