Intervention de Bruno Lasserre

Commission spéciale sur le PJL croissance et activité — Réunion du 10 février 2015 à 15h35
Audition de M. Bruno Lasserre président de l'autorité de la concurrence

Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence :

Certaines de ces questions s'adressent à Mme Perrot, en particulier celles relatives à l'impact du projet de loi sur la croissance et l'emploi. Je la laisserai donc répondre...

Je ne suis pas d'accord avec Mme Keller : je pense qu'il peut y avoir complémentarité entre l'autocar et le train, sans entraîner une concurrence qui porte atteinte à ces deux modes de transport.

N'oublions pas que le réseau ferroviaire ne permet pas toujours la desserte efficace de villes de province, d'une région à une autre. On est parfois obligé de passer par des métropoles, voire par Paris. Dans ce cas, l'autocar peut être une solution bien plus flexible.

Une Micheline diesel qui tire un train à moitié rempli - et beaucoup de TER circulent malheureusement avec des wagons à moitié vides - est bien plus néfaste pour le bilan carbone qu'un autocar rempli de voyageurs, qui dispose d'un pot catalytique aux normes environnementales. Il faut sortir des clichés ! Je ne crois pas que cette réforme soit mauvaise, pas plus pour l'environnement que pour notre réseau ferroviaire, auquel nous tenons tous.

S'agissant des gares routières, Mme Keller a mille fois raison : il faut donner un statut aux gares routières, veiller à l'interopérabilité, essayer de faire en sorte que les opérateurs mettent leurs terminaux en commun, au lieu que chacun en crée un pour son propre usage. Il faut également viser d'intermodalité, de manière à faire en sorte que les voyageurs puissent passer du train à l'autocar en utilisant des gares bien connectées.

Madame Gruny, je ne peux accepter ce que vous avez dit à propos de l'obligation qu'aurait l'Autorité de la concurrence, si elle fonctionnait comme une étude notariale ou une entreprise, de ne pas recruter de personnel supplémentaire.

Supposons que l'Autorité de la concurrence soit une entreprise. Elle dispose d'un effectif de 181 personnes, coûte 20 millions d'euros par an et a rapporté 1,13 milliard d'euros en 2014. Si l'Autorité de la concurrence était une PME, elle recruterait pour améliorer son produit ! C'est donc artificiellement que l'on bride son efficacité en lui interdisant de recruter. Je ne suis donc pas d'accord.

Enfin, j'ai reçu beaucoup de tweets de notaires ; certains m'ont révolté. Je pouvais m'attendre à un tel langage de la part de chauffeurs de taxi, mais non de la part de notaires, officiers publics ministériels. Beaucoup de ces tweets étaient inspirés par le mépris. Certains ont le sentiment, parce que je ne suis pas notaire, que je n'ai pas le droit de parler de cette profession. Cette profession n'a-t-elle pas besoin d'un regard indépendant, qui n'est pas animé par la jalousie ou la vindicte ? Je suis arrière-petit fils de notaire de province. Je sais de quoi il retourne, et je ne crois pas, en parlant de ce métier, que je le fais avec un sentiment mal placé ! Il y a place pour le dialogue, et l'Autorité de la concurrence exercera ses missions en toute impartialité, avec le sens de l'écoute et du dialogue.

Qu'on ne dise pas, au prétexte que nous sommes une autorité habituée à porter des jugements économiques, que les notaires doivent être exemptés de tout regard indépendant ou économique. La structure des tarifs des notaires date de 1978 ! Elle n'a jamais été revue. L'eau n'a-t-elle pas coulé depuis sous les ponts ? Des investissements informatiques n'ont-ils pas été réalisés ? N'y a-t-il pas eu une transformation profonde du métier justifiant que l'on regarde si les tarifs reflètent réellement les coûts ? Ce sont ces questions qu'il faut aborder.

Madame Imbert a raison de dire que l'équité des conditions de concurrence doit permettre aux PME, notamment dans l'agroalimentaire, d'écouler leur production auprès de ces enseignes ou de ces centrales d'achat. Ce n'est pas un sujet qui relève de l'Autorité de la concurrence, mais je comprends votre question et, personnellement, je la soutiens.

La plupart des regroupements qui ont été négociés excluent les fruits et les légumes, notamment pour permettre un approvisionnement dans la zone la plus proche de ces enseignes.

Quant à l'urbanisme, je dois vous avouer que je n'étais pas demandeur de ces pouvoirs. L'Autorité de la concurrence, si on lui avait demandé son avis, aurait répondu qu'elle était bien peu légitime pour expertiser les documents d'urbanisme qui sont entre les mains des élus. Qu'on ne voie pas là l'ambition de technocrates qui veulent contrôler le travail des élus. C'est le Gouvernement qui a souhaité nous conférer ce pouvoir ; l'Assemblée nationale l'a voté ; en citoyens, nous appliquerons la loi, mais nous ne l'avons réclamé en aucune manière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion