Intervention de Christian Riché

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 3 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Christian Riché professeur en pharmacologie responsable du centre régional de pharmacovigilance de brest

Christian Riché :

Seuls quatre membres de la commission d'AMM se sont prononcés en faveur d'une suspension, ce qui constitue un échec retentissant. J'ai appris de cette affaire que quinze alertes et un avis de la commission nationale de pharmacovigilance suscitent une certaine indifférence. Nous devons mettre en place un système d'identification des événements. A Brest, nous interrogeons régulièrement la base PMSI en utilisant un certain nombre de codes sous lesquels les médecins rapportent les événements indésirables. Lorsque nous cherchons un élément précis, il nous est possible d'interroger directement les établissements. Il faut demander une autorisation au collège médical et respecter la confidentialité. Irène Frachon avait procédé ainsi pour le Mediator

Il faut donc améliorer le dossier médical informatisé à l'hôpital, ce qui est de toute façon une nécessité pour la gestion des établissements. En médecine libérale, la situation médicale est quelque peu différente. Vous avez probablement entendu parler de ce produit, le Ketum, que la France avait suspendu. Les autorités européennes ont ensuite déclaré qu'elles allaient étudier la question et prendre une décision dans trois ans. Voilà un véritable camouflet : l'Europe a fait peu de cas de la décision française. Comment devons-nous nous positionner en Europe ? Nous avons le droit de suspendre un médicament, mais l'Europe peut invalider cette décision, ce qu'elle a fait pour le Ketum. Aux Etats-Unis, pourtant plus intégrés que l'Europe, les Etats possèdent une certaine autonomie dans le domaine judiciaire. Dans le domaine de la sécurité, les Etats ne pourraient-ils se protéger en se réclamant d'une autonomie similaire ?

Il existe deux types d'événements indésirables. Les premiers sont dus aux caractéristiques des produits eux-mêmes, et je ne m'oppose pas à ce que les décisions en ce domaine soient prises au niveau européen, par exemple en harmonisant les résumés des caractéristiques du produit (RCP). Les seconds s'expliquent par la manière dont les médicaments sont utilisés par l'ensemble des acteurs : patients, praticiens, pharmaciens, médecins. Durant mon mandat de président, j'ai tenté de modifier les méthodes de l'Afssaps, avec l'aide de certains collègues : ainsi, avec Michel Biour, directeur du centre régional de pharmacovigilance de l'hôpital Saint-Antoine, nous avons cherché à identifier les populations à risque. Le produit sur lequel nous travaillons actuellement ne présente apparemment pas de risque, si l'on divise le nombre d'événements par le nombre d'unités de ce produit vendues depuis 1953. En revanche, si l'on prend pour référence les personnes à risque, l'incidence est tout à fait importante.

Voici un autre exemple : un anti-inflammatoire était utilisé comme antalgique en chirurgie. Or, il existe des difficultés de coordination de la prise en charge entre chirurgiens et anesthésistes. Nous avions diffusé un courrier précisant la méthode d'utilisation nécessaire pour éviter les accidents. Six mois après cette mise en garde, le nombre d'accidents n'avait pas diminué. J'ai demandé à mes collègues de la CNPV si une nouvelle lettre permettrait de changer la culture d'utilisation. Devant leur réponse négative, j'ai décidé de suspendre le produit. Si nous ne savons pas utiliser un produit, nous devons en suspendre l'utilisation. Je reviens à l'Europe ; si, dans un pays particulier, il existe un problème culturel d'utilisation d'un médicament et que la pédagogie ne suffit pas à le résoudre, ce pays doit avoir la possibilité d'en suspendre l'utilisation.

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