Intervention de François Rebsamen

Mission commune d'information impact emploi des exonérations de cotisations sociales — Réunion du 22 avril 2014 à 14h35
Audition de M. François Rebsamen ministre du travail de l'emploi et du dialogue social

François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social :

Je suis heureux de me retrouver parmi vous, dans cette maison chère à mon coeur. L'objet de votre mission est une nouvelle illustration de la qualité des travaux de la Haute assemblée, que j'ai souvent vantée.

La question de réalité de l'impact sur l'emploi des exonérations de cotisations sociales fait depuis longtemps débat au sein de la gauche, comme de toutes les familles républicaines soucieuses de favoriser l'emploi. La question est d'actualité. Le pacte de responsabilité et de solidarité, présenté par le Premier ministre à la demande du Président de la République, prévoit en effet des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises. Cette décision représente un effort budgétaire important pour l'Etat comme pour les Français : nous avons donc l'impérieuse obligation que ces exonérations soient efficaces contre le chômage.

Les politiques d'allègement de cotisations sont pratiquées depuis les années 1990 ; nous disposons d'un recul suffisant pour en tirer des enseignements fiables. Nous disposons d'études précises du Trésor ou de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Selon toutes les évaluations, l'effet emploi des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires est massif ; elles sont d'ailleurs préconisées par la majorité des économistes. Nos choix sont fondés sur l'observation des résultats du passé. Cette politique a permis de créer ou de sauvegarder entre 400 000 et 800 000 emplois - certains disent entre 500 000 et 1 000 000. Le coût brut par emploi est évalué entre 20 000 et 40 000 euros ; le coût net, entre 8 000 et 28 000 euros, puisque ces salaires viennent réduire les dépenses et augmenter les recettes fiscales et sociales.

La baisse du coût du travail est un soutien essentiel à l'emploi des salariés les moins qualifiés qui sont les plus vulnérables au chômage, à la précarité et au temps partiel imposé. Il est particulièrement important pour nous d'agir en faveur de ces salariés non formés, qui travaillent dur, dans des conditions difficiles, et se sentent abandonnés face à la mondialisation, au progrès technologique, au chômage et au sentiment de déclassement.

A contrario, certains responsables - comme le patron du Medef - préconisent de baisser le smic pour faciliter l'accès à l'emploi des jeunes et des moins qualifiés... Une telle proposition, en période de dialogue social, s'apparente pour moi à une provocation. C'est un autre chemin que nous empruntons. La baisse du coût du travail n'a pas pour but de réduire les salaires. Le smic garantit le pouvoir d'achat des salariés les moins qualifiés, les plus jeunes, les plus vulnérables. Pour reprendre la formule du Premier ministre, le smic est le mur porteur de notre modèle social. Toute remise en cause aboutirait à une explosion insupportable du nombre de travailleurs pauvres. Le Gouvernement a fait le choix de préserver le pouvoir d'achat des salariés tout en encourageant l'embauche des moins qualifiés en allégeant le coût du travail : les deux vont de pair. Même nos partenaires allemands ont fini par trouver des vertus au salaire minimum, face à l'invraisemblable montée de la pauvreté liée à l'essor des « mini-jobs ». Ce n'est pas à l'heure où l'Allemagne crée un smic que nous allons revenir dessus !

L'allègement des cotisations sociales n'est pas un cadeau fait aux patrons, comme on l'entend parfois. C'est un soutien à l'emploi, au maintien dans l'emploi des salariés les moins qualifiés. En France, le taux d'emploi des non qualifiés est de 66,6 %, contre 60,7 % au Royaume-Uni et 62,7 % en Allemagne. Ces allègements sont aussi un soutien à l'économie française car la baisse du coût du travail se répercute dans les prix des services qu'utilisent les entreprises exportatrices et dans les prix aux consommateurs. Pour peu qu'elles soient franches et massives, les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires entraîneront un cycle nouveau de croissance et d'emploi. Efficace pour soutenir l'emploi dans des métiers difficiles, cette politique profitera avant tout aux milliers de PME et de TPE qui créent l'emploi dans nos territoires. Il faudra bien sûr veiller à ce que les salaires progressent à mesure que les salariés gagnent en qualification. Dans trop de branches, le salaire d'entrée est inférieur au smic. Le pacte de responsabilité et de solidarité donnera une nouvelle impulsion à la négociation de branche.

Cette politique risque-t-elle de maintenir des salariés dans des créneaux à faible valeur ajoutée ? N'oublions pas que l'acquisition d'une qualification commence par l'entrée dans l'emploi... Notre politique de l'emploi est équilibrée : d'un côté, nous réduisons le coût du travail ; de l'autre, nous menons, avec les partenaires sociaux, une politique volontariste de qualification et de formation professionnelle. La réforme de la formation professionnelle, adoptée au Sénat en mars, donne la priorité aux moins qualifiés, aux PME et aux TPE et à ceux qui font face à des mutations économiques importantes. A l'action qui répond à l'urgence se conjugue un investissement de long terme : un effort massif pour relever le niveau de qualification, dans le cadre des négociations de branche. De la refondation de l'école à la réforme de la formation professionnelle, en passant par celle de l'université, nous faisons le choix de l'avenir, le pari des compétences. S'y ajoutent bien sûr des actions conjoncturelles, comme le plan cent mille formations prioritaires pour l'emploi, le compte personnel de formation, le conseil en évolution professionnelle et l'augmentation des moyens dévolus aux formations qualifiantes. Nous défendons tous la promotion professionnelle et sociale, or le diplôme ne peut plus être le seul étalon de la valeur sur le marché du travail. Chercher à agir sur le coût du travail ne dispense en rien de mener une politique de l'emploi et de la formation tournée vers l'avenir. Nous sommes au rendez-vous

Le pacte de responsabilité et de solidarité traduit notre volonté de desserrer le plus possible l'étau du chômage qui touche avant tout les moins qualifiés. Le pacte de responsabilité prévoit 10 milliards d'euros d'allégements de cotisations ; au total, ce sont plus de 10 millions de salariés et 1,6 million d'entreprises qui sont concernés ; 90 % des allègements porteront sur les salaires inférieurs à 1,35 smic. Pour encourager les entreprises à embaucher, nous avons opté pour une présentation simple et un slogan clair : « zéro charges au niveau du smic ». C'est un engagement budgétaire et politique. La France doit se transformer pour remonter le peloton, lutter contre le chômage, préserver ses emplois et en créer de nouveaux.

L'allégement des cotisations se traduit par une perte de recettes pour l'Etat ; il suppose donc des économies résolues. Il faut du courage pour porter ces décisions, comme il faut du courage à la société pour les accepter. Nous refusons le chômage de masse qui ravage la cohésion sociale. Le pacte de responsabilité et de solidarité apportera des réponses à la société française en la matière. Le Gouvernement se donne les moyens d'amplifier le mouvement pour mener la bataille de l'emploi, en complément des réformes de structure déjà mises en place et des contrats aidés - auxquels tous les gouvernements font appel en période de récession ou de moindre croissance.

Les résultats seront étudiés avec une vigilance toute particulière, notamment par l'Observatoire des contreparties. Les employeurs devront assumer leur part de l'effort, comme le précise le relevé de conclusions signé le 5 mars dernier avec les partenaires sociaux. Je veillerai à ce que les négociations de branches s'engagent sans tarder. La grande conférence sociale qui se tiendra en juillet sera un temps fort de ce suivi. Voilà le grand engagement collectif, pour l'emploi, contre le chômage et pour les salariés les plus vulnérables, que nous proposons à notre pays.

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