Intervention de Marie-Claire Carrère-Gée

Mission commune d'information impact emploi des exonérations de cotisations sociales — Réunion du 23 avril 2014 à 9h30
Audition de Mme Marie-Claire Carrère-gée présidente du conseil d'orientation pour l'emploi

Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi :

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, le Conseil d'orientation pour l'emploi est une instance indépendante, placée auprès du Premier ministre, et qui a pour mission de le conseiller. Il réunit notamment des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, les partenaires sociaux et des économistes. Il élabore des diagnostics non partisans sur les questions relatives au marché du travail et à l'emploi, qui débouchent sur des propositions. Tous ses rapports sont adoptés par consensus.

Le Conseil a travaillé à plusieurs reprises sur les questions d'exonérations de cotisations sociales patronales, à chaque fois à la demande du Gouvernement. Il a publié un rapport sur Les aides publiques aux entreprises en 2006, un Avis sur les exonérations et sur le Smic en 2008 et a fait paraître en 2013 un rapport sur Les aides publiques aux entreprises en faveur de l'emploi.

Notre pays consacre 27 milliards d'euros aux aides publiques pour l'emploi, auxquels il convient d'ajouter 13 milliards d'euros d'aides dont l'un des objectifs est l'emploi. Au sein des 27 milliards d'euros, les allègements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires, qui ne sont pas des aides publiques, au sens communautaire, représentent environ 20 milliards d'euros, soit 1 % du produit intérieur brut (PIB). Les allègements géographiques, qui visent à venir en aide à des zones défavorisées du point de vue de l'emploi, telles que les zones franches urbaines (ZFU) ou les zones urbaines sensibles (ZRU), représentent moins de 200 millions d'euros d'exonérations de cotisations sociales. Les exonérations qui visent à favoriser l'alternance représentent quant à elles environ 1,4 milliard d'euros. Les exonérations géographiques font l'objet de débats récurrents et de modifications législatives fréquentes. Elles ont perdu beaucoup de leur intérêt avec la montée en charge des allègements généraux.

L'impact sur l'emploi des allègements généraux de cotisations sociales est très difficile à mesurer dans la mesure où ce dispositif a été modifié à vingt-trois reprises depuis 1993, en général pour le renforcer, à l'exception des restrictions mises en place à la fin du dernier quinquennat. Ces allègements ont pour objectif de favoriser l'emploi des peu qualifiés en abaissant le coût du travail au niveau du Smic, qui était jugé élevé par rapport au coût médian du travail au début des années 1990. Toutes les études qui ont été réalisées sur le sujet concluent à un impact très significatif et très positif de ce dispositif sur l'emploi des peu qualifiés. Dans les années 1980, le coût du travail au niveau du Smic représentait 60 % du coût du travail au niveau du salaire médian. Aujourd'hui, il en représente 52 %, alors même que le Smic a été fortement revalorisé par rapport au salaire médian. En outre, on observe une stabilisation de l'emploi peu qualifié dans l'emploi total alors qu'il connaissait un fort mouvement de diminution dans les années 1980.

En ce qui concerne les allègements offensifs « Balladur » et « Juppé », qui réduisaient au maximum de 18 % le coût du travail au niveau du Smic et s'éteignaient à 1,3 Smic, tous les travaux concluent à un effet compris entre 200 000 et 400 000 emplois créés ou sauvegardés. Le coût brut pour les finances publiques de ces mesures était de 6,4 milliards d'euros, soit entre 20 000 et 40 000 euros par emploi. Le coût net de ces emplois - qui prend en compte la diminution de l'indemnisation du chômage et les cotisations et impôts perçus en raison de la création de ces emplois - représente la moitié de leur coût brut.

En revanche, aucune étude n'est en mesure d'analyser globalement l'impact sur l'emploi des allègements « Aubry » puis « Fillon » car ces allégements visaient à compenser l'effet d'autres mesures sur le coût du travail, à savoir la réduction du temps de travail puis la convergence vers le haut du Smic. En ce qui concerne les allègements « Aubry », et en prenant en compte l'impact de la réduction du temps de travail, une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que 300 000 emplois ont été créés ou sauvegardés en cinq ans, pour un coût par emploi de 8 000 euros. L'impact aurait été moitié moindre sans la réduction du temps de travail. Il convient toutefois de relever que le modèle utilisé par l'OFCE est un modèle de court terme, qui ne tient pas compte des effets de substitution ni des effets sur la compétitivité d'une mesure comme le passage aux 35 heures. Les travaux qui existent sur les allègements « Fillon » sont beaucoup moins robustes, dans la mesure où ces allègements sont totalement inséparables de la hausse du Smic très significative qu'ils avaient vocation à compenser. Il apparaît cependant que ce sont les entreprises restées à 39 heures qui ont créé le plus d'emplois grâce à ces allègements.

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