Les partenaires sociaux ont produit, en 2011, une analyse, dans laquelle nous nous retrouvons, sur la compétitivité et le coût du travail, qui conclut que la baisse de la compétitivité des entreprises, en France, tient pour beaucoup à des facteurs hors coût, et en particulier au manque d'investissement des entreprises. Ces travaux sont corroborés par ceux du Haut conseil de financement de la protection sociale (HCFi-PS), qui situent la France en position intermédiaire en matière de coût du travail, même si une différence demeure, d'ailleurs en voie de résorption, avec l'Allemagne. Pour autant, nous ne faisons pas de cette question du coût du travail, qui se pose, de fait, dans certains secteurs d'activités, un sujet tabou.
S'engager dans une politique de relance par l'offre, pour rendre des marges de manoeuvre aux entreprises, suppose de mettre en place des outils, comme cela a été fait avec le Cice. C'est une démarche à laquelle nous adhérons, même si nous aurions préféré que le Haut conseil aille au terme de ses travaux pour réfléchir, ainsi que nous le proposons, à un transfert du financement de la protection sociale des cotisations vers d'autres outils fiscaux, plus universels, comme la CSG.
Au-delà de la relance par l'offre, cependant, il faut mettre en oeuvre un changement de notre modèle productif, pour tirer l'économie vers le haut, favoriser la montée en gamme, la technologie, la transition énergétique... Oui, il faut rendre des marges de manoeuvre aux entreprises, mais en vérifiant ce qu'elles en font. Ce qui pose la question des contreparties. La politique de baisse des charges sur les bas salaires n'est pas nouvelle, elle existe depuis vingt ans, mais ce qui est inédit, avec le pacte de responsabilité, c'est que les allègements sont encadrés et même conditionnés par le dialogue social, au travers du relevé de conclusions signé par les partenaires sociaux, les contreparties attendues de l'entreprise visant à s'assurer que notre modèle productif est tiré vers le haut par l'investissement productif ou social.
D'où la nécessité, aussi, d'évaluer. Dans le relevé des conclusions, nous avons souhaité que les travaux de l'Observatoire des contreparties, tripartite, s'appuient sur des outils tels que ceux qu'a mis en place le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) et définissent une trajectoire de baisse des prélèvements. Pour la CFDT, cette trajectoire doit être calée sur le respect des engagements et les allègements suspendus si l'on s'aperçoit, après évaluation, qu'ils ne produisent pas les effets attendus sur l'investissement et l'emploi.
Pour le Cice, nous avons mis en place, auprès de nos adhérents, un outil de suivi destiné à faire remonter les interpellations de nos militants au sein des comités d'entreprises, visant à vérifier la destination des crédits.
Sur le ciblage des allègements, tous les modèles macroéconomiques s'accordent : c'est autour du Smic que leur impact en matière de création d'emplois durables est le plus fort - tant en termes de volumes que de pérennité des emplois. Le risque de trappe à bas salaires ou de trappes à basse qualification, cependant, n'est pas à négliger : il faudra, pour le prévenir, être vigilant sur les contreparties.
Mais c'est aussi pour faire face à la concurrence internationale que les entreprises ont besoin de retrouver des marges de manoeuvre. D'où la nécessité de prévoir aussi des allègements sur une partie plus haute de l'échelle des salaires. On sait, cependant, que les effets de ce type d'allègements sur le volume de l'emploi sont faibles si on laisse faire le seul jeu du marché. Il est donc essentiel que le dispositif soit encadré par le dialogue social, à tous les niveaux - relevé des conclusions, négociation de branches, et, au niveau des entreprises, débat sur la stratégie, appuyé sur la base de données unique - afin que des contreparties soient réellement mises en oeuvre.
Quel que soit le ciblage, il y aura des effets d'aubaine. Seul le dialogue social, là encore, évitera que ces aides ne se soldent en profits et dividendes au lieu de se traduire en investissement social et productif.
Vous l'aurez compris, nous sommes très attentifs aux contreparties, tant quantitatives que qualitatives : formation, qualification et classification des salariés. Afin d'éviter que les aides portant sur les bas salaires ne créent des trappes à basse qualification, un tel effort de formation et de qualification doit être exigé des entreprises bénéficiaires. Pour les allègements ciblés plus haut sur l'échelle des salaires, il faudra être attentif à ce que les marges aillent bien à l'investissement productif et à la création d'emplois.
Nous considérons que le pacte de responsabilité n'est pas consubstantiel à l'exigence de maîtrise des dépenses. Il faudra, en tout état de cause, maîtriser la dette, donc faire des efforts. Cependant, autant il nous semble qu'il y a des marges d'amélioration possibles en matière de maitrise des dépenses de santé, via une meilleure organisation du système de soins, ou grâce à des ciblages plus fins en matière de politique familiale, autant nous sommes inquiets des mesures annoncées ciblant les plus pauvres, comme le report de celles que prévoyait le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Je pense aussi au gel de 18 mois annoncé pour les retraites, qui touchera de plein fouet les retraités les plus modestes, ainsi qu'au gel du point d'indice pour les fonctionnaires, difficilement soutenable...