Nous avons, nous aussi, voté un avis sur la compétitivité au Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui a servi de base à la première conférence sociale pour l'emploi. Qu'est-ce que la compétitivité ? Ne laissons pas galvauder le terme, et n'oublions pas que le sommet de Lisbonne l'a définie comme la capacité, pour un pays, d'assurer un haut niveau de développement et d'emploi au service de sa population et de ses territoires.
Parle-t-on, ensuite, de compétitivité coût ou hors coût ? Observons que quand on parle de coût, on a tendance à se focaliser sur le coût du travail, en oubliant le coût du capital. Quoi qu'il en soit, la question est indissociable de celle de la structuration de notre économie et donc des choix politiques qui l'ont façonnée. Or, le choix a été fait d'une politique économique fondée sur les champions internationaux qui ne sont, par nature, pas attachés à un territoire - on ne trouve guère de contre exemple que dans quelques groupes internationaux dont le marché est ancré régionalement ; je pense au secteur des matériaux de construction ou à certains pans de celui de l'emballage. De fait, tous les dispositifs mis en place ces dernières années, très globalisants, concernent ces grands groupes, qui promettent beaucoup et font, in fine, très peu, dès lors qu'ils n'ont pas à rendre de comptes au plan national. Pour les exonérations de cotisations sociales, la chose est frappante. Elles ont été réparties sur l'ensemble du tissu économique, sans que l'on se soucie de savoir qui en profitait et quel était leur impact. Les études montrent que leurs effets en termes de création et de sauvegarde de l'emploi sont très modestes : 25 à 30 milliards d'allègements n'ont créé ou sauvegardé que 800 000 emplois au maximum, si l'on retient le chiffre haut de la fourchette. Cela fait très cher l'emploi...
Il faut donc commencer par évaluer ces dispositifs. Et pas seulement les exonérations, désormais sanctuarisées, sur les bas salaires, mais l'ensemble des dispositifs d'allègements fiscaux et sociaux. Quels sont, par exemple, les bénéfices du crédit d'impôt recherche (CIR), qui soulève débat jusqu'au sein de la majorité ? Le rapport de la Cour des comptes souligne combien il est peu utilisé dans l'industrie, au service de la recherche, et combien sont importants les effets d'aubaine. Il existe aussi un rapport du Sénat sur le sujet...
Il s'agit de passer d'une politique de droits à une politique d'aide et de soutien. Or, en matière d'évaluation, les pouvoirs publics n'apportent pas de réponse. Il existe bien quelques rapports, comme celui du Conseil national de l'industrie, du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) ou du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE), mais ce ne sont pas moins de 4 500 dispositifs sociaux et fiscaux, engageant 170 à 200 milliards, selon nos estimations, qui demandent à être évalués. Une telle évaluation est indispensable pour poser un diagnostic, repérer les niches qui méritent d'être supprimées et envisager d'éventuelles réorientations, et c'est pourquoi nous demandons qu'elle figure au premier rang des priorités dans le cadre du débat qui s'ouvre.
Se pose, ensuite, la question des seuils. Dès lors que l'on fixe un seuil, on ouvre la boîte de Pandore. Des voix s'élèvent aussitôt pour demander qu'il soit relevé. On l'a vu avec le comité de suivi du Cice, qui a observé qu'il y aurait un effet de tassement à 2,5 Smic. Il faudrait donc relever le seuil à 3,5 Smic, soit 92 % des salaires ! Et l'on n'arrêtera pas la machine.
Ce débat, de surcroît, masque les vrais problèmes. Les patrons des PME-PMI, qui sont les relais de la croissance, disent pourtant que leur premier problème, c'est leur carnet de commande et l'accès au financement. C'est pourquoi nous avions suggéré la création d'un pôle public d'investissement. Nous avons donc salué la création de la Banque publique d'investissement (BPI). Mais elle demeure insuffisamment dotée pour produire un réel effet de levier au service du financement des entreprises. On peut au reste se demander si le succès de la procédure de préfinancement du Cice ne s'explique pas par l'apport immédiat de trésorerie que cela représentait pour certaines entreprises.