Oui, il faut rendre des perspectives aux agents économiques. Mais un chef d'entreprise ne va pas licencier au seul motif qu'on lui supprime quelques allègements. Je suis chef d'entreprise et puis vous dire que si j'ai un carnet de commande bien rempli, je garde mes gars. Je les fais travailler, et je fais du bénéfice, si je peux.
Le problème, dans ce pays, c'est qu'une partie de la population a l'impression de fournir l'essentiel de l'effort. Pour les retraités, dont la pension est gelée sur deux ans, les jeunes diplômés, qui effectuent jusqu'à deux ou trois stages avant d'espérer entrer sur le marché du travail, les 40 % de cadres qui ne sont pas au plafond de la sécurité sociale et à qui l'on donne gentiment 120 points Agirc, le fardeau devient bien lourd.
A combien reviennent les emplois aidés ? M. Gattaz, a d'abord parlé de 100 000 euros par emploi, puis le ministre a évoqué, hier soir, 50 000 euros, et voilà que le Premier ministre dit aujourd'hui 200 000 euros... Le Cice ? On sait qu'il coûte à l'heure actuelle 20 milliards, mais on est incapable de dire combien d'emplois il a créés. Avant de prendre de nouvelles mesures, il serait bon d'évaluer celles qui existent. Pour les allègements Fillon, il semble que l'on arrive à 66 000 euros par emploi.
Il faut aussi prendre en compte les effets de seuil. Le groupe de travail présidé par Dominique Lefebvre sur la fiscalité des ménages souligne que plus on crée de seuils, plus on provoque d'effets de seuil. A quand un système plus progressif, qui évite de faire basculer quelqu'un d'un côté ou de l'autre, du jour au lendemain ? Une banque qui aurait recruté un jeune diplômé à 41 000 ou 42 000 euros et voudrait lui accorder une progression de qualification conforme à la convention collective, soit une augmentation de 6 %, perdrait, en plus, 6 % de Cice : il est rare qu'un directeur des ressources humaines donne ainsi 12 % à un collaborateur.
Comment s'organisera l'Observatoire tripartite ? J'aurais bien envie, sur ce sujet, d'interpeller la tierce partie... Le Premier ministre a d'abord dit son intention de le présider, puis Michel Sapin a annoncé que l'on verrait lors de la conférence sociale.
Nous avons souscrit au pacte de responsabilité et y avons travaillé, même si nous n'avons pas signé à cause d'un mouvement de colère sur un autre sujet, mais nous voulons que des engagements soient pris, et tenus. Et ceci au niveau des branches, pour être près du terrain. La banque n'a pas les mêmes problèmes que la métallurgie ou la chimie, ni le même rapport au capital. Je me plais souvent à rappeler que 65 % du système bancaire français est de l'économie sociale et solidaire. Quand j'entends les débats sur la rémunération des patrons de banque ou des traders, je me pose des questions...
J'en viens à la question du coût du capital. J'ai bien conscience que les capitaux peuvent migrer d'un endroit à l'autre de la planète, mais est-il normal que l'on réclame, dans certaines entreprises, des retours sur capitaux de 15 % ? Cela revient, tout simplement, à les tuer. Il faudra bien un jour s'interroger sur le comportement de certains fonds de capitalisation.
La comparaison avec les autres pays n'est pas facile à établir, d'autant que l'on a déjà du mal à dresser un bilan au plan national. Il est impossible, par exemple, d'établir des comparaisons sur la filière porcine, sinon pour constater que quand on embauche des Polonais à 400 euros par mois, ça ne fait pas travailler les Bretons. Il est vrai qu'en revanche, dans le secteur automobile, BMW et Volkswagen payent mieux leurs salariés que Renault ou Peugeot. Mais ils recrutent pour partie de l'autre côté de la frontière. Ils ont su développer des produits de meilleure qualité. Si l'on veut faire de même, ce n'est pas en sous payant une grande partie de la population qu'on y arrivera.