Je resituerai d'abord dans son contexte général le lien entre emploi et coût du travail. L'embauche, pour un chef d'entreprise, dépend de plusieurs facteurs : le premier est d'être en capacité de satisfaire la demande de ses clients et pour cela d'investir. L'environnement général qui influence la décision d'investissement est également fondamental. Il faut ici rappeler qu'en France, cet environnement est particulièrement instable en matière fiscale et dans le domaine social, avec, en particulier, des normes de sources diverses en droit du travail. J'ajoute, à ce sujet, que le pouvoir du juge dans le champ social constitue également un facteur d'incertitude. Enfin, l'adéquation entre l'offre et la demande d'emploi est une nécessité. Or 150 000 à 170 000 jeunes sortent chaque année de notre système éducatif sans qualification : l'entreprise ne trouve donc pas toujours les compétences qu'elle recherche.
Pourquoi faut-il alléger le coût du travail dans notre pays ? D'abord parce que nous avons historiquement fait le choix de financer majoritairement, et aujourd'hui à près de 63 %, la protection sociale par des cotisations patronales, soit une contribution supérieure de dix points à celle des entreprises chez nos voisins allemands. Le second choix explicatif des allègements de cotisations est celui de la réduction de la durée du travail à 35 heures, ce qui a eu pour effet de faire progresser le Smic de plus de 11 %. Ce dernier a alors « percuté » les minima de nombreuses branches professionnelles renchérissant les charges sociales et, globalement, le coût du travail.
En ce qui concerne le ciblage des allègements, voici 30 ans qu'on nous dit que les exonérations ont un impact direct sur les créations d'emplois dans les secteurs dits « à haute densité de main d'oeuvre », sur la base de l'utilisation d'un traditionnel modèle économétrique qui s'appelle « Mésange » et fournit invariablement les mêmes conclusions quand on le nourrit avec les mêmes données. Tout en soutenant le pacte de responsabilité, nous soulignons aujourd'hui qu'il n'est pas opportun que les allègements se concentrent exclusivement dans ces secteurs, selon une logique court-termiste. Comme l'indique le rapport de M. Louis Gallois, il est également impératif de créer les conditions propices à l'amélioration de la compétitivité de notre économie et du développement de secteurs à haute valeur ajoutée sans quoi il nous paraît difficile de prétendre maintenir la France au rang des grandes puissances économiques. La notion d'attractivité est également essentielle pour amener les entreprises étrangères à installer des bases logistiques en France pour bénéficier des remarquables compétences qu'elle offre dans un certain nombre de spécialités.
Nous avons donc plaidé pour le maintien des allègements de charges dit Fillon, principalement mis en place au moment de la réduction de la durée du travail, ainsi que du crédit d'impôt Cice dans sa forme actuelle sans introduire une nouvelle source d'instabilité après la phase de déclenchement qui a eu lieu l'an dernier. Nous avons également suggéré une baisse des cotisations sociales patronales relatives à la branche famille, cette dernière relevant légitimement de la solidarité nationale plutôt que de la responsabilité directe des entreprises. Le calibrage annoncé par le Gouvernement apporte une première réponse à cette attente puisqu'il prévoit, à partir du 1er janvier 2016, un abaissement de 1,8 point des cotisations famille pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 Smic. En 2015, le coût du travail au niveau du Smic sera réduit avec l'exonération des cotisations patronales versées aux Urssaf, hors cotisations d'assurance chômage. Le dispositif annoncé apparait globalement équilibré puisque sur une enveloppe totale de 10 milliards, 4,5 seraient ainsi consacrés aux secteurs à haute densité de main d'oeuvre, 4,5 milliards financeraient les allègements de cotisation assises sur les salaires supérieurs à 1,6 Smic et 1 milliard permettraient de réduire les cotisations familiales pour les travailleurs indépendants.
Trois principales attentes non satisfaites nous paraissent justifier de nouvelles avancées. Tout d'abord, le quantum global des mesures annoncées est certes important mais encore insuffisant pour combler notre écart de compétitivité, en particulier avec l'Allemagne. Ensuite, même si le dispositif mis en place couvre 93 % des salariés, son plafonnement à 3,5 Smic nous parait contestable dans son principe puisqu'il revient à introduire une forme de progressivité dans le système d'allègement des cotisations sociales. Enfin, il nous semble dommageable d'avoir distingué, dans la mise en oeuvre du programme d'allègement, les deux échéances de 2015 et 2016 ce qui ne manquera pas d'avoir des conséquences dans les industries à haute valeur ajoutée.