Je vous remercie de la confiance que vous nous témoignez en nous demandant de venir présenter le fruit de nos réflexions. Nous avons essayé de nous concentrer sur l'organisation territoriale et l'évaluation des expérimentations locales en matière d'éducation.
Je souhaite rappeler quelques éléments « macro » qui caractérisent notre système éducatif et plus particulièrement l'école primaire. Ces faits, malheureusement connus, ont été rappelés au mois de décembre dernier.
Le niveau de difficultés consolidé est inquiétant à l'échelle d'une génération puisque 40 % des élèves disposent d'acquis fragiles ou très fragiles à la sortie du CM2. Nous constatons que l'école primaire ne parvient pas à réduire les difficultés rencontrées au CP. Dès lors, sur les 40 % d'élèves en grande difficulté à l'entrée en classe de sixième, 20 % ne maîtrisent pas la lecture.
Le classement PISA (« Programme for International Student Assessment ») 2009 est venu souligner ces difficultés assez spécifiques à la France et soulever des évolutions que nous considérons comme inquiétantes. Je les résumerai en deux points. Premièrement, le niveau des élèves les plus faibles continue de baisser puisqu'il s'est réduit d'un tiers en l'espace d'une décennie : nous sommes passés de 15 à 20 points de grandes difficultés dans notre pays. Deuxièmement, notre système éducatif est toujours aussi prédictif puisque notre pays est l'un de ceux où les résultats enregistrés en primaire sont les plus corrélés à la situation sociale des élèves et de leur famille.
Cependant, nous pouvons nous réjouir de l'augmentation de la part des excellents élèves entre 2000 et 2009. Néanmoins, la part des élèves en grande difficulté à 15 ans n'a cessé d'augmenter. Les conséquences de ce décrochage sont connues. Le taux de sortie sans qualification s'avère anormalement élevé pour un pays développé qui figure au cinquième rang des pays les plus riches du monde. De même, le taux de chômage des non diplômés est beaucoup plus élevé que pour ceux qui ont obtenu un diplôme. Les coûts sociaux afférents sont conséquents, en termes d'allocations chômage, de minima sociaux, mais aussi de correction de la délinquance et de l'illettrisme.
Nous considérons que l'éducation actuelle n'est pas suffisante pour une grande puissance comme la France. Il suffit de sortir du seul cadre hexagonal pour constater que certains pays ont réussi à assurer une remontée spectaculaire de leurs résultats. Par exemple, les États-Unis nous ont dépassés en lecture dans le classement PISA 2009. Plus près de nous, l'Allemagne et les Pays-Bas, mais aussi le Japon, la Corée du Sud et la Chine - dont les résultats sont excellents en mathématiques - ont ainsi réussi à inverser la tendance.
Pour conclure, les caractéristiques principales du système d'enseignement français sont les suivantes :
- des moyens financiers et humains supérieurs à la plupart des pays de l'OCDE ;
- des résultats systématiquement inférieurs à la moyenne de l'OCDE ;
- des résultats en baisse ;
- des difficultés scolaires anormalement élevées (15 % des élèves à la sortie du primaire) ;
- un système inégalitaire ;
- un fort taux de sortie sans qualification, ce qui pénalise notre pays dans l'économie de la connaissance ;
- des coûts sociaux-économiques conséquents liés à l'illettrisme.
Dès lors qu'un certain nombre de stratégies ont été tentées, nous avons le sentiment qu'il faut changer de stratégie de réformes. Nous devons accepter le regard des classements internationaux tels que PISA et PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire). Il faut désormais réfléchir à la manière dont les politiques publiques peuvent nous permettre de rejoindre le peloton de tête dans un délai le plus court possible. En effet, dans un pays où chaque année 160 000 jeunes sortent du système éducatif sans diplôme, nous ne pouvons pas nous permettre de faire attendre dix ans nos concitoyens pour améliorer les performances du système.
Nous pensons que la mesure répétée des performances permettra aux acteurs de prendre conscience des carences du système et des progrès qui restent à fournir. Nous ne devons pas nous contenter de 60 % de lecteurs à la fin du CP, mais assurer le passage de 60 à 95 %, sachant que les performances doivent être similaires en mathématiques, matière qui a le plus souffert entre 2003 et 2009 dans le classement PISA.
Comment innover dans les programmes pédagogiques ? Comment être innovant dans la généralisation de l'évaluation du niveau des élèves ou dans la généralisation par étapes des programmes les plus porteurs ? Nous entrons là dans la dimension territoriale.