Le questionnaire que vous nous avez adressé commence par la catégorie « expérimentation ». La première question posée était la suivante : « Qui décide du sujet des expérimentations ? » Notre système s'est construit sur des propositions émanant tant du terrain que de l'académie ou de l'échelle nationale. Traditionnellement, notre système est peu enclin à l'innovation et à l'expérimentation. Cependant, depuis ces dernières années, les chiffres démontrent un décollage du nombre d'innovations et d'expérimentations. Entre 2005 et 2010, cette croissance des expérimentations s'élève à 200 %.
Aujourd'hui, tout professeur est mis en situation d'être une force de proposition mais tout le monde n'en est pas conscient. D'ailleurs le grand public n'en est pas conscient. L'évolution psychologique fait son chemin. Je m'attarderai sur les expérimentations d'origine nationale puisqu'elles se sont développées ces derniers temps, souvent à partir de premières expérimentations académiques. Un certain nombre de politiques publiques se sont donc affirmées comme des expérimentations. Un département R&D, innovation et expérimentation, a ainsi été créé à la DGESCO pour professionnaliser l'approche. Il s'agit de concrétiser le fait que les expérimentations sont envisagées désormais comme une modalité des politiques publiques, comportant le principe d'évaluation dès l'origine et nous permettant d'avancer de la façon la plus scientifique possible en s'associant à des organes de recherche.
Le bilan intermédiaire montre deux réalités :
- un début de foisonnement des expérimentations ;
- des impulsions plus cadrées relevant de l'échelle académique et/ou nationale, dont la méthodologie s'avère plus rigoureuse.
Nous pouvons citer plusieurs exemples d'expérimentations, comme la mallette des parents, qui a concerné 50 collèges de l'académie de Créteil au cours de l'année scolaire 2009-2010. Cette expérimentation a été évaluée par l'école d'économie de Paris. Il s'agit d'associer les parents d'élèves aux enjeux de la scolarisation de l'élève. Cela a amélioré la présence des élèves, leur comportement et, dans une moindre mesure, leurs résultats scolaires. Cette initiative a donc été déployée dans 1 300 établissements. En outre, le projet Enseignement Intégré des Sciences et Technologies (EIST) concerne 53 collèges et est en place depuis plusieurs années avec l'Académie des sciences. L'évaluation a été réalisée conjointement par l'Académie des sciences et l'inspection générale. Nous avons donc décidé d'étendre l'EIST aux collèges Clair. Par ailleurs, les manuels scolaires numériques concernent 69 collèges. Cette expérimentation nous permettra d'évaluer pédagogiquement l'apport des tablettes numériques à l'enseignement.
L'opération « cours le matin, sport l'après-midi » concerne 121 établissements et sera évaluée à la fin de cette année scolaire. Cette expérimentation diffère d'un établissement à l'autre afin que nous puissions comparer les résultats. Les premiers résultats n'ont pas encore été stabilisés mais sont encourageants quant à l'implication des élèves dans leur scolarité.
L'ensemble du programme Clair a été réalisé sous l'angle de l'expérimentation et de l'innovation. Il convient d'insister sur ce point car le programme Clair démontre que l'innovation est à l'avant-garde du système scolaire aujourd'hui. L'éducation prioritaire se situe elle-même à l'avant-garde du système scolaire ; c'est le domaine dans lequel les expérimentations réussies doivent être déployées en priorité.
Le livret de compétences a été expérimenté dans 136 établissements dont 26 lycées agricoles.
Le programme « Parler », quant à lui, concerne le CP et parfois l'école maternelle. Il a été développé dans l'académie de Grenoble sous l'impulsion de chercheurs du CNRS. Sa méthodologie était cadrée par l'éducation nationale. Il s'agit de développer ce programme dans l'académie de Martinique et du Nord-Pas-de-Calais. Son principe est l'apprentissage de la lecture par petits groupes, en faveur des élèves identifiés comme ayant le plus de difficultés au sein d'une classe. Les premiers éléments de résultat dont nous disposons en font une expérimentation assez emblématique des politiques publiques que nous devons mener pour l'amélioration de la maîtrise de la lecture et de l'écriture en deuxième cycle du primaire.
Ces cas nationaux cités sont les plus emblématiques de l'expérimentation nationale. Par l'évaluation scientifique, ces programmes se rapprochent des expérimentations menées à l'étranger.
Pour répondre à votre question sur le levier de modernisation de l'action du ministère, je tiens à signaler que le placement du département R&D, innovation et expérimentation, auprès du directeur général vise à le positionner en avant-garde des politiques menées par le ministère, sur le plan pédagogique en particulier. Nous avons voulu, en lien avec la direction de l'éducation permanente (DEP) ainsi que l'inspection générale, travailler à cette professionnalisation et « scientificisation » de l'expérimentation.