L'assouplissement de la carte scolaire n'est pas une expérimentation mais une mesure et, en tant que telle, n'a donc pas fait l'objet d'une évaluation. Nous pourrions imaginer des expérimentations sur la carte scolaire consistant à faire travailler les établissements dans une perspective de coopération plutôt que de concurrence, c'est-à-dire dans une logique de réseau. En effet, nous souhaitons accompagner l'assouplissement de la carte scolaire d'une logique coopérative.
Quant à l'organisation du système scolaire, vous dites que l'examen des politiques récentes révèle de grandes disparités d'application des dispositifs selon les rectorats. Vous demandez si nous avons mené des enquêtes spécifiques sur l'organisation et la gestion des rectorats. Vous nous demandez également quels objectifs doivent leur être fixés en propre et comment apprécier l'efficience de leur action. A ce sujet, plusieurs remarques peuvent être formulées. Le mouvement de déconcentration des quinze dernières années est réel, profond et assumé. Il s'agit de responsabiliser l'échelon territorial en lui permettant de s'adapter aux réalités locales. Des projets académiques sont menés sur quatre années. Les effets de cette déconcentration nous semblent principalement positifs. La critique selon laquelle l'éducation nationale ne s'intéresse pas aux réalités locales et manquerait de réactivité relève, à mon sens, de l'image d'Épinal. En effet, elle revient à ne pas tenir compte des évolutions majeures de ces dernières années.
Au sein du ministère, le dialogue de gestion qui a lieu en fin d'année civile a été renforcé. Il nous permet, dans le contexte de la LOLF, de renseigner l'ensemble des indicateurs que le Parlement considère comme les plus significatifs pour le système éducatif. Nous pouvons ainsi constater les disparités entre les académies. Ces résultats transparaissent au travers du projet annuel de performances et du rapport annuel de performances transmis au Parlement. Je mène ce dialogue de gestion avec le Secrétaire général du ministère. L'exemple typique est celui des évaluations de CM1 et CM2, qui nous permettent de constater des disparités territoriales quant au niveau de français et de mathématiques, y compris à l'échelle départementale. Des politiques différentes mènent à des résultats différents. Ceci nous permet d'identifier les dispositifs efficaces et de les développer.
Le dialogue de gestion est une modalité importante de cadrage de l'exercice de gestion avec les académies. Nous pourrions imaginer des évolutions encore plus profondes, notamment dans une logique de contractualisation avec les académies, qui elle-même serait symétrique d'une démarche existante, à savoir la contractualisation des académies avec les établissements. Il s'agit de travailler sur un principe d'engagement et de responsabilisation aux différents niveaux du système, c'est-à-dire d'une part essentiellement l'établissement, l'académie et le ministère.
Le schéma d'emploi a été un exercice très difficile car nous devions procéder à 16 000 suppressions de postes. Cela nous a conduits à identifier 13 leviers d'économies et à responsabiliser l'échelle académique. A l'avenir, une formule contractuelle pluriannuelle pourrait s'avérer plus responsabilisante encore.
Vous nous avez demandé comment concevoir l'accroissement de l'autonomie des établissements. Le principe d'autonomie est en lui-même consacré mais peut être interprété de différentes manières. Cette autonomie doit être précisée de manière contractuelle. Un contrat d'objectifs peut être proposé à l'établissement afin qu'il dispose des moyens de sa politique. Nous concevons la démarche contractuelle comme l'avenir du système. Nous l'encourageons et estimons qu'elle va de pair avec une approche souple et pragmatique des moyens conférés aux établissements.
Vous nous demandez si les établissements pourraient recruter eux-mêmes les professeurs. Il convient de garantir l'équilibre du système national tout en favorisant une souplesse locale. L'exemple type est celui du remplacement des professeurs. Ce sujet relève davantage de la direction générale des ressources humaines du ministère que de ma compétence. Toutefois, je tiens à indiquer que nous avons pu encourager les chefs d'établissement à trouver des solutions locales, pour lesquelles ils ont ensuite bénéficié du soutien de l'académie. Les solutions locales constituent la voie la plus sûre pour solutionner le problème du remplacement des enseignants absents. Je ne sais pas si nous pouvons étendre l'autonomie des établissements.
S'agissant de l'obligation de service des enseignants, ce sujet relève davantage de la DGRH. Cependant, nous encourageons la personnalisation de la pédagogie. Cela peut nous conduire à réfléchir à notre conception de l'enseignement. L'accompagnement éducatif et l'aide personnalisée permettent de meilleures pratiques et une adaptation de notre système pour le rendre plus efficace.
Concernant la liberté pédagogique des enseignants et de l'établissement et, à l'instar de l'autonomie, tout le monde y est favorable mais les mots peuvent revêtir des acceptions différentes. La liberté pédagogique de l'enseignant doit servir la réussite de l'élève. Elle doit aussi être un vecteur de responsabilisation et de travail collectif. Ce n'est donc pas un encouragement à l'individualisme mais à la créativité. C'est pourquoi il est pertinent de parler de liberté pédagogique de l'établissement, laquelle doit se traduire par le conseil pédagogique. A ce titre, la réforme du lycée conduit nécessairement à une concertation collective entre les professeurs. Il importe que l'établissement ait des objectifs mesurables de réussite de ses élèves. C'est pourquoi nous travaillons à une approche cohérente de l'évaluation des élèves dans le cadre de la scolarité obligatoire, c'est-à-dire de la maternelle à la troisième.
Par ailleurs, je pense qu'on peut conserver l'inspection individuelle des enseignants, à condition d'évoluer. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue ses qualités. Le risque est de supprimer les qualités du système en cherchant à résoudre des défauts réels. L'inspecteur a le mérite d'entrer dans la classe, souvent conçue comme une boîte noire dans de nombreux pays. Or, cette entrée est imparfaite ; elle doit devenir beaucoup moins normative et reposer sur un accompagnement fréquent de l'enseignant. Il faut s'attacher davantage aux résultats des élèves qu'au conformisme du professeur à l'égard d'une norme. L'évaluation du professeur doit être articulée avec celle de l'établissement dans le cadre d'un contrat d'objectifs de l'établissement.