Intervention de Jean-Dominique Giuliani

Commission d'enquête Frontières européennes et avenir espace Schengen — Réunion du 3 janvier 2017 à 11:5
Audition de M. Jean-Dominique Giuliani président du conseil d'administration de la fondation robert schuman

Jean-Dominique Giuliani, président du conseil d'administration de la Fondation Robert Schuman :

S'agissant de Frontex, le risque est effectivement de créer une unité européenne de sauvetage en mer. Étant moi-même officier de marine de réserve, je sais que la fonction de garde-côte est précise. Par exemple, en France, la marine et les douaniers travaillent sous l'autorité du Premier ministre, et c'est ce dernier ou son cabinet qui donnent l'ordre d'ouvrir le feu si l'on doit intercepter des trafiquants de drogue en mer, ce qui n'existe pas au niveau européen. Je suis donc extrêmement sceptique sur l'idée de garde-côtes européens. En revanche, il est tout à fait essentiel d'avoir un contrôle de nos frontières et d'aider les États défaillants à le faire, et il me semble que Frontex peut le faire correctement. Son directeur est tout à fait dans cet état d'esprit. Il est l'un de nos compatriotes et, ayant servi dans l'administration française, il en connaît le fonctionnement.

Vous avez raison, Monsieur Gattolin, le fait que le siège de Frontex se trouve en Pologne n'est pas forcément le choix le plus opportun, mais ce sont nos chefs d'État et de gouvernement qui en ont ainsi décidé. Personnellement, j'aurais trouvé intéressant de situer ce siège au sud de l'Europe. D'après mes informations, la Pologne n'avait pas ratifié l'année dernière l'accord de siège de Frontex. Mais, comme je l'ai écrit dans un éditorial, peut-être l'a-t-elle fait depuis.

Quoi qu'il en soit, la situation de Frontex en Pologne n'est pas satisfaisante, tant sur le plan matériel que vous évoquiez que par l'engagement des autorités polonaises en faveur de l'agence. Nos amis polonais ont le tort de regarder plus à l'Est qu'au Sud, et je crois que, si nous devons avoir des relations normalisées avec nos grands voisins de l'Est, il ne faut pas multiplier les obstacles. Les grands sujets que nous avons au Sud sont à mon avis plus importants pour l'Union européenne. Vous avez raison, Monsieur Vial, c'est une question de mobilisation des moyens nationaux et de volonté politique.

C'est pourquoi je comprends très bien la question de M. Legendre, qui évoquait le risque de recréer des frontières à l'intérieur de l'espace Schengen. Ce risque existe, mais je ne verrais que des avantages à ce que la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, par exemple, essaient d'harmoniser leurs conditions d'accueil, au moins des réfugiés et des demandeurs d'asile, ne serait-ce, dans un premier temps, que pour l'autorisation de travail et le pécule servi aux demandeurs d'asile. Des efforts sont faits au niveau européen mais, puisqu'on n'arrive pas réellement à avancer, il me semble que l'on pourrait le faire sur le plan intergouvernemental, montrant ainsi l'exemple.

C'est évidemment plus compliqué en matière d'immigration économique, mais l'on sait bien que les besoins sont différents selon les États membres de l'Union européenne. Une tentative de politique migratoire commune avait été initiée en 2008 sous la présidence française, mais, comme nous étions vingt-huit, elle a avorté. C'est la raison pour laquelle, avec beaucoup de pragmatisme, je pense que nous devons essayer de montrer l'exemple à quelques-uns.

L'esprit extrêmement pragmatique et un peu nouveau qui anime la Fondation Robert Schuman me porte à croire que, si nous voulons profiter pleinement de ce que nous avons déjà réussi ensemble au sein de l'Union européenne, le préserver pour l'avenir et espérer rebâtir les murs, peut-être avec de nouvelles compétences sur un certain nombre de sujets, nous avons besoin d'une intégration par l'exemple sur l'initiative des États membres, à l'échelon intergouvernemental. C'est la condition pour permettre à un train européen d'intégration de repartir, et peut-être, d'être un jour communautarisé.

Ce pragmatisme, ce réalisme m'ont par exemple permis de trouver quelques points d'accord avec Hubert Védrine, qui était encore plus critique que moi et qui estimait qu'il fallait refonder l'Europe. Il a accepté de corriger ce terme en disant qu'il s'agissait plutôt de reconstruire le toit et les murs de la maison.

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