Intervention de Yannick Vaugrenard

Commission d'enquête Frontières européennes et avenir espace Schengen — Réunion du 3 janvier 2017 à 14h40
Audition de M. Jean Pisani-ferry commissaire général de france stratégie

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Monsieur le Commissaire général, je vous remercie de votre analyse des conséquences économiques que pourrait avoir un abandon des accords de Schengen.

Nous raisonnons en quelque sorte avec le nez dans le guidon parce qu'il y a eu des attentats et parce que, en termes de communication politique, l'ensemble du personnel politique considère qu'il faut répondre à une forme de peur, de crainte de l'opinion publique. Dans ce genre de situation, ce n'est pas forcément la raison qui l'emporte : c'est plus la peur et la réponse aux peurs, qui est subjective. Vous l'avez démontré, compte tenu de la manière dont les contrôles aux frontières sont menés aujourd'hui et dont ils étaient menés avant, l'abandon des accords de Schengen n'est probablement pas une réponse au problème du terrorisme que nous connaissons aujourd'hui.

Il ne faut pas que nous soyons otages également sur le plan idéologique de ce sentiment de peur : il faut le comprendre, tout en y apportant des réponses adaptées. Ne pensez-vous pas, compte tenu de l'état de l'opinion dans l'Union européenne en général et en France en particulier, singulièrement après le Brexit, qu'il soit nécessaire de se retourner vers les peuples de l'Union pour refonder en quelque sorte l'Europe, remettre à plat l'idée de l'Europe ? Ne considérez-vous pas qu'il faille aujourd'hui véritablement tout rediscuter en quelque sorte ? Ce que les pères de l'Europe ont voulu construire après la Seconde Guerre mondiale, c'est un continent de paix. Ensuite, la construction s'est faite sur le plan économique et sur le plan de la finance, sans que soit suffisamment prise en compte sans doute l'Europe des peuples, notamment les questions sociales. Me vient immédiatement à l'esprit le cas des travailleurs détachés, difficilement compréhensible par les salariés avec lesquels ils entrent en concurrence. Ne pensez-vous pas qu'au bout du bout du compte, au lieu d'avoir le nez dans le guidon, il ne serait pas plutôt nécessaire de regarder un peu plus loin l'horizon de l'Union européenne pour reconstruire une Europe qui soit à l'image de la philosophie qui inspirait les pères fondateurs au moment de la construction européenne ?

Si chaque fois on raisonne et on réagit en fonction du temps politique, qui est un temps de communication, sans prendre de recul, j'ai le sentiment que nous allons dans le mur et qu'au bout du compte l'Europe ne s'y retrouvera pas, non plus que les peuples de l'Union européenne. Pour se réapproprier en quelque sorte cette belle idée de l'Union européenne, ne pensez-vous pas que, plutôt qu'une forme de slogan qui peut apparaître comme un idéal, mais qui ne correspond pas à la réalité, à savoir l'abandon des accords de Schengen, il serait plutôt nécessaire, au moment où nous sommes de notre histoire et de l'évolution de l'Union européenne, compte tenu de la manière dont les peuples perçoivent aujourd'hui l'Europe, de réfléchir, de travailler sereinement, de manière transpolitique et « transcourants » à l'idée que nous pouvons nous faire de l'Union européenne, aujourd'hui et demain, et d'aboutir en quelque sorte à une forme de refondation de l'Europe ?

On fait référence à Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne : c'est une caricature ! J'ai été membre du Parlement européen pendant six ans et j'ai eu l'occasion de le rencontrer : c'est quand même lui qui a empêché - et les effets continuent aujourd'hui de se faire sentir - une transparence complète et totale sur la fraude fiscale, sur l'ensemble du continent européen. L'Europe marche en quelque sorte sur la tête.

Je ne sais pas si mes questions portent sur des aspects qui sont en dehors de votre domaine de compétence ; je ne le pense pas, et c'est la raison pour laquelle je me permets de vous les poser.

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