En réalité, leur étude, comme la nôtre, part de la situation qui prévalait avant Schengen, que ce soit à court terme ou à long terme. Effectivement, les 3 000 à 5 000 ETP dont vous parlez, c'est l'ordre de grandeur de l'effectif douanier supplémentaire que nous avons « perdu » depuis 1995. Aujourd'hui, avec le retour des contrôles non systématiques, c'est effectivement la situation de référence, celle qui prévalait avant les accords de Schengen.
Certes, aux aéroports, le contrôle est quasi systématique, mais ce n'est certainement pas le cas aux points de passage routier pour les voitures particulières, les autocars et les camions. Les moyens humains et physiques qu'il faudrait déployer pour assurer un contrôle systématique sont bien entendu hors de notre portée. Ils seraient démesurés, d'autant que, même dans le cas des contrôles systématiques aux points de passage routier, les personnes voulant les éviter pourraient passer ailleurs, compte tenu de la topographie de notre territoire. Sauf à construire un mur - et encore -, le contrôle systématique des frontières ne serait donc pas possible. Ce n'est donc pas en référence à cette situation que nous nous sommes placés ; nous avons cherché à mesurer la situation qui prévalait avant la mise en oeuvre des accords de Schengen en ce qui concerne les effets de court terme.
S'agissant des effets de long terme, pour répondre à une question de M. Leconte, nous avons voulu mesurer les conséquences sur le commerce indépendamment de l'appartenance à l'Union européenne et à la zone euro. En considérant les pays qui sont déjà membres de l'Union européenne et, parmi eux, ceux qui sont dans la zone euro, ainsi que les pays qui, tout en n'étant pas membres de l'Union européenne, sont dans l'espace Schengen, on parvient à isoler les effets spécifiques à Schengen. Certes, ils sont importants - 10 % de commerce supplémentaire -, parce qu'ils passent par les réseaux de personnes, mais ils passent également par les réseaux d'entreprises. Les entreprises, depuis les accords de Schengen, peuvent assez facilement localiser une de leurs filiales, un centre de production de l'autre côté de la frontière, comme si celle-ci n'existait plus. À partir du moment où les temps de passage vont être allongés simplement par des effets d'encombrement et non pas en raison d'un allongement du temps de contrôle, en particulier les jours d'affluence, l'idée germera dans l'esprit des chefs d'entreprise, des artisans et des travailleurs frontaliers qu'il est plus compliqué d'aller de l'autre côté de la frontière pour y étendre ses activités. C'est là que les effets sur le commerce sont assez importants ; c'est non pas tant le commerce longue distance qui est affecté, mais le commerce entre villes frontalières qui, depuis Schengen, a eu tendance à s'étendre sans tenir compte des frontières nationales administratives. Elles existent encore, certes, et le commerce est nettement plus faible de part et d'autre de la frontière franco-belge, par exemple, mais cette différence tend à s'estomper.
Un retour à la situation qui prévalait avant Schengen conduirait donc à une diminution globale du commerce de l'ordre de 10 %.