La France est le pays qui a connu le plus grand nombre de crises sanitaires, en partie liées aux médicaments. Xavier Bertrand a eu une belle initiative en créant un Institut des données de santé (IDS). L'accès à ces données est indispensable pour que les stratégies de santé publique puissent être fondées sur du réel, et non pas seulement sur une science parfois prompte aux théories imaginaires. La France est l'un des seuls pays où aucune étude n'est menée après l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ! Par exemple, le plan cancer a été relancé par le Président de la République il y a quelques jours : fort bien. Mais les données de santé sont indispensables pour évaluer des chimiothérapies de plus en plus complexes quant à leur morbidité et à leur mortalité éventuelle. Or elles sont inaccessibles.
Cet institut est une petite structure, qui a fourni un travail considérable depuis six ans. Il occupe un petit local à Charenton, il est presqu'oublié du monde et reçoit peu de financements. Il fédère des associations, face au mastodonte qu'est l'assurance maladie, qui gère de fait le plus grand ensemble de données de santé au monde sans en faire grand-chose. En refusant l'accès aux données de santé rendues anonymes, l'Etat prive les acteurs de la santé d'informations précieuses. Il est très surprenant que les agences régionales de santé (ARS), responsables des stratégies régionales, n'aient obtenu l'accès aux données de santé que depuis quelques semaines. Leur mission consiste pourtant aussi à évaluer l'incidence ou la prévalence de l'alcoolisme dans telle ou telle région, à repérer si tel médicament donne lieu à une mortalité inquiétante, etc. Vue de l'étranger, la France gaspille sa richesse à élaborer des stratégies en décalage avec la réalité.
L'IDS tente de faire en sorte que puissent communiquer entre eux les mutuelles, l'assurance maladie, les collectifs d'associations. Améliorer l'accès aux données de santé anonymisées susciterait des travaux d'intelligence et ouvrirait des pistes de réflexion aujourd'hui interdites. La réunion au sein d'une même instance de la gestion et de la gouvernance des données me paraît une erreur.
La transpiration des données individuelles est l'argument constamment avancé pour empêcher cet accès ; mais c'est un faux problème. Transmettre aux chercheurs des données de santé anonymisées, avec une charte d'engagement à ne pas les divulguer à d'autres fins, ne me paraît pas poser de problème. Une politique de la santé qui n'est pas fondée sur les données de santé, c'est une tragédie économique et une tragédie de la connaissance - y compris la connaissance du service rendu par chaque médicament.
Nous plaidons pour que l'IDS soit responsable en la matière, un médiateur, intervenant en toute transparence. La motivation de nos demandes n'est pas une curiosité malsaine, mais la curiosité du bien commun. En exploitant nos données communes, nous pourrons établir la politique de santé fondée sur du réel qui fait défaut depuis 70 ans.