Intervention de Jean-Baptiste Carpentier

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 3 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Baptiste Carpentier directeur du service traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins et yves ulmann directeur adjoint

Jean-Baptiste Carpentier, directeur du service Traitement de l'information et action contre les circuits financiers clandestins :

Je vais essayer d'être succinct.

Tout d'abord, vos deux premières questions portaient sur le blanchiment. Le concept est d'introduction relativement récente en droit français : les premières réflexions sur la création d'une infraction de blanchiment remontent à la fin des années quatre-vingt, et la création de ce que l'on a appelé le « délit général de blanchiment » ne date que de 1995 ou de 1996. Avant cette date, n'était visé que le blanchiment de l'argent issu du trafic de drogue et de la criminalité organisée. Depuis lors, en droit français, le blanchiment est susceptible de recouvrir l'ensemble des processus visant à donner une apparence licite à des fonds provenant de quelque infraction que ce soit, délictuelle ou criminelle.

Pour répondre plus précisément à votre question, la fraude fiscale étant un délit puni, au titre de l'article 1741 du code général des impôts, d'une peine d'emprisonnement de cinq ans, le blanchiment de fraude fiscale est purement et simplement inclus dans la définition générale du blanchiment.

En pratique, le blanchiment recouvre des réalités extrêmement différentes. Contrairement à ce que l'on a parfois tendance à croire, il ne concerne pas uniquement la mafia internationale et ne met pas toujours en cause des schémas avec paradis fiscaux ou judiciaires. Pour adopter une présentation caricaturale, la première étape du blanchiment consiste très concrètement, pour un voyou, à déposer sur son compte en banque l'argent de la vieille dame qu'il vient de détrousser dans la rue : ce simple dépôt sera considéré comme un acte de blanchiment.

La jurisprudence française est très innovante - c'est d'ailleurs l'une des meilleures au monde en la matière -, puisqu'elle accepte que l'on puisse être à la fois l'auteur de l'infraction principale et le blanchisseur de l'argent directement détourné. Tout en restant dans le même patrimoine, le blanchiment va consister à occulter l'origine des fonds, afin de ne pas faire apparaître directement que ceux-ci proviennent d'un crime ou d'un délit.

Ensuite, toute une série d'actions, plus ou moins développées en fonction de la nature de l'infraction et de l'ampleur de la somme en cause, visera à donner une apparence licite à des faits illicites. Je voudrais éviter de donner des recettes, mais l'une des techniques de blanchiment régulièrement citées - la meilleure presse l'a déjà mentionnée et dont je peux donc parler sans grande crainte - est le rachat de tickets gagnants de PMU. Quelqu'un qui vend de la drogue doit pouvoir justifier la détention de liquidités importantes : la production d'un ticket gagnant de PMU, qui permet d'obtenir le versement de gains en argent liquide dans la limite de 5 000 euros, est donc une solution intéressante.

On distingue en général trois étapes du blanchiment - cette typologie est un peu académique et pas toujours utile, certains types de blanchiment ne comportant qu'une seule de ces étapes, d'autre deux.

La première étape est le blanchiment de proximité, consistant à intégrer les fonds à l'économie, leur caractère illicite étant encore relativement patent. Cette étape est la plus facile à découvrir pour nous, dans la mesure où elle est la plus proche de l'infraction sous-jacente.

La deuxième étape, le « vrai » blanchiment selon moi, correspond à la technique de l'« empilage » ou « lessivage » : elle consiste à faire tourner l'argent pour le rendre « propre ». Elle peut prendre la forme d'une circulation d'argent de compte à compte, ou de toute une série de procédures qui visent à brouiller les pistes, avec des circuits internationaux ou tout simplement nationaux : il suffit, par exemple, de déposer l'argent sur le compte d'une autre personne qui vous le reverse par chèques. L'essentiel est de faire en sorte que l'origine illicite de l'argent soit plus difficile à cerner pour un enquêteur.

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