Intervention de Philippe Bock

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 3 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Bock co-secrétaire général du syndicat solidaires douanes

Philippe Bock, co-secrétaire général du syndicat Solidaires douanes :

L'estimation du mouvement d'échanges entre Paris et Londres est quasiment impossible. C'est un agrégat de sommes qu'il faudrait additionner : les échanges boursiers, bancaires, les chambres de compensation, entre autres. La mission est presque impossible. Paris échange environ 180 milliards d'euros de titres par jour. C'est une estimation « à la louche ». Même les professionnels avec lesquels nous sommes en contact régulier - ils ne sont quand même pas tous sulfureux ! - éprouvent de la difficulté à établir des masses. C'est vraiment très compliqué.

Les relations internationales se développent, essentiellement en fonction des priorités. La situation a récemment été perçue comme insupportable : l'Allemagne, notamment, en a eu assez que des maillons faibles soient proches de l'Union - comme la Suisse - ou membres de celle-ci. Les échanges d'informations entre les services augmentent donc, même s'il est parfois assez difficile d'opérer le passage entre l'accord initial et les outils permettant la mise en place de procédures. On se retrouve avec des gens qui vont dire que la convention pose tel principe, mais qu'ils ne vont pas communiquer tel ou tel élément, en l'absence de commission rogatoire internationale. Une telle attitude ferme la porte à tout le pan administratif. Ce n'est pas toujours évident !

L'évocation de la RGPP me provoque une poussée d'urticaire immédiate ! Prenons l'exemple de la Suisse : la douane avait une présence assez forte sur la frontière avec ce pays. Historiquement, les douaniers qui étaient de ce côté étaient très « réceptifs » et rentraient rarement bredouilles d'une mission. Or on a largement désarmé cet aspect de notre travail. Après l'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen, nos effectifs ont été « passés à la moulinette » et la perte a été assez importante. Sur le terrain, cela s'est fait sentir immédiatement : le nombre de dossiers liés à la frontière suisse s'est totalement effondré. Cela ne nous empêche pas de mener des missions de contrôle inopiné, sur lequel est fortement axé le travail de la douane. On peut très bien contrôler un train venant de Zurich à la gare de l'Est, y compris pour un manquement à l'obligation déclarative ; c'est tout à fait autorisé par le code des douanes.

Cela dit, notre travail a été sensiblement dématérialisé. Les unités ont été concentrées, et elles se projettent de plus en plus loin, ce qui, pour ce type de missions, est délicat. En effet, il est nécessaire de connaître le terrain, de le maîtriser. Ce n'est pas depuis Paris que l'on remonte les écheveaux. Le désarmement est donc très net.

J'en viens à votre question portant sur notre action contre l'évasion fiscale. Que nous en ayons la compétence, c'est clair ; que ce ne soit pas notre priorité, c'est tout aussi clair, et c'est même vécu au quotidien. Intercepter des stupéfiants, des contrefaçons, du tabac, c'est très bien. Mais faire respecter l'obligation déclarative est également important. Or il n'y a pas de message « affaire marquante » sur une saisie ; ou alors il faut qu'elle s'élève à deux à trois millions d'euros et qu'elle détonne dans le paysage.

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