Intervention de Philippe Bock

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 3 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Bock co-secrétaire général du syndicat solidaires douanes

Philippe Bock, co-secrétaire général du syndicat Solidaires douanes :

Schengen a certes été un changement important, mais surtout en matière de contrôle des personnes ; or cette mission relève du ministère de l'intérieur. Il a changé notre vécu, car les contrôles ne se déroulent pas de la même façon. Je pense néanmoins que nous avons su y faire face. Schengen n'a pas forcément conduit à revisiter notre quotidien de A à Z : je ne le mettrais donc pas sur le même plan que 1993. Je suis, pour ma part, entré dans les cadres des services douaniers en 1992 et je me souviens que certains collègues étaient déstabilisés par les transformations en cours.

Schengen ne se situe pas sur le même plan car la convention affecte plutôt la façon dont se déroulent les opérations. La circulation de marchandises a été multipliée par dix entre 1980 et, aujourd'hui, la vitesse de celle-ci est beaucoup plus grande. Des nouveautés techniques sont apparues, comme le fret express, qui est un moyen massif de transport de marchandises diverses et variées, licites et illicites. Le défi est important à relever et, pour le dire sous forme de litote, il y a des progrès à faire.

En matière d'interventions dans les entreprises, le code des douanes est relativement souple et facile d'emploi : c'est un outil satisfaisant, notamment au regard du droit de communication des documents. Nous allons devoir prendre position sur le prochain débat : la dématérialisation des documents. Moi qui suis maintenant entre deux âges, je cherche systématiquement les documents papier ! Les choses changent de manière assez rapide et profonde. Une comptabilité peut être déplacée, envoyée à l'étranger. Il est plus difficile de la rattraper quand elle est en Irlande, ce qui, en outre, laisse éventuellement le temps de travailler dessus pour me présenter quelque chose de beaucoup plus « sympathique ».

Je comprends parfaitement que la visite domiciliaire, chez les particuliers, puisse être considérée comme intrusive : je le sais pour la pratiquer. Elle est conduite sous le contrôle du juge. Le code des douanes comporte, sur ce point, beaucoup plus d'exigences que lorsque je suis entré dans les cadres, cela qui me paraît tout à fait normal. Aller frapper à la porte de quelqu'un à six heures du matin n'est en rien anodin. Ceci dit, en matière financière, nous n'avons pas ce pouvoir. On pourrait réintroduire un outil dont nous disposions auparavant : quand une personne est interceptée à la frontière, nous pourrions aller voir ce qui passe chez elle, car on y recueille souvent - je ne dis pas : systématiquement - des éléments. Des réflexions devraient donc être menées sur ce sujet.

À propos de l'élargissement de la gamme des sanctions, une disposition du code des douanes crée une sorte de délit particulier, qui n'apparaît pas parmi les délits douaniers classiques. Il est à part. Il prévoit une amende maximale de 25 %. Il prévoit aussi une possibilité de confiscation, mais elle doit être si solidement étayée qu'il est très difficile de satisfaire aux exigences.

L'administration a parfois du mal à trouver le juste équilibre en la matière. Quand l'enquêteur se décide à appliquer une mesure assez forte, comme l'amende de 25 % ou la demande de confiscation pleine et entière, il arrive que l'administration s'inquiète. Elle préférera éventuellement une sanction plus faible, afin de ne pas prendre de risque. Les affaires, au-delà d'un certain montant, sont transmises à la direction générale : celle-ci hésite souvent à aller jusqu'au bout des possibilités offertes par le droit. Elle se méfie parfois même du juge et craint que, une fois portée en justice, l'affaire ne tourne à l'avantage du contrevenant ou du délinquant. Je pense que cette peur est abusive car j'ai le plus souvent constaté que le juge n'avait pas de fausse pudeur. Pour reprendre l'exemple précédent, la transaction condamnant une personne à cinq siècles de remboursements avait été validée en justice. Il y a donc une forme de crainte injustifiée qu'il faut combattre.

Il y a quelque temps, le service auquel j'appartiens a intercepté entre les mains d'une personne assez « sulfureuse » une somme d'à peu près 6 millions d'euros. Les modalités de garde ayant changé, la retenue douanière, par définition, aussi : l'administration était donc très inquiète. Elle n'a pas voulu mettre la personne en retenue. Il a d'abord été demandé de procéder à un comptage exact des espèces. Or notre vieille machine à compter les billets était tombée en panne et le comptage n'a donc pas pu se faire rapidement. Cela s'est terminé devant la justice : il a été décidé que, n'ayant pas placé la personne en retenue immédiatement, nous avions violé les droits de la personne. Fin de l'affaire.

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