Intervention de Gilles-Pierre Lévy

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 20 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Gilles-Pierre Lévy président de la deuxième chambre de la cour des comptes et de Mme Michèle Pappalardo conseillère-maître à la cour des comptes

Gilles-Pierre Lévy, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes :

J'en arrive maintenant aux actifs dédiés.

L'article 20 de la loi du 28 juin 2006 impose la constitution de provisions financées indépendamment du cycle d'exploitation, afin que l'argent nécessaire soit disponible à l'issue de celui-ci.

Au 31 décembre 2010, sur un total de 27,8 milliards d'euros de provisions actualisées à couvrir, 65 % de cette somme l'étaient par des actifs dédiés, 18 milliards d'euros par des titres financiers cotés, 4,6 milliards d'euros par des créances entre opérateurs du nucléaire, et un peu plus de 2 milliards d'euros correspondaient à 50 % des titres de RTE. Enfin, le solde, soit 2,7 milliards d'euros, n'était pas couvert.

Ce chapitre appelle quelques commentaires.

Premièrement, la loi ayant été modifiée, les exploitants sont en règle aujourd'hui - sinon, ils ne l'auraient pas été.

Deuxièmement, ces actifs sont gérés, en France, par les exploitants eux-mêmes ; dans d'autres pays, leur gestion a été confiée à d'autres acteurs. Cela peut se discuter en termes d'indépendance ou de méthodologie, sachant que les exploitants se sont efforcés d'embaucher des spécialistes de ces sujets.

Troisièmement, ces actifs correspondent aux provisions actualisées. Pour qu'ils couvrent les dépenses finales, il faut donc que leur rentabilité soit au moins égale au taux d'actualisation, soit 5 %. Si l'on considère la rentabilité des actifs financiers au cours du dernier siècle, on constate que les actions ont rapporté en moyenne plus de 5 % par an. Cela étant posé, ce qui s'est produit une fois dans l'histoire ne se reproduira pas forcément une deuxième fois. Autrement dit, notamment en période de crise financière, on peut se demander si ces actifs rapporteront bien 5 % par an sur plusieurs décennies...

Quatrièmement, l'acceptation de créances croisées entre acteurs du nucléaire peut se discuter. En effet, ces créances, certes minoritaires au regard du total - 4,6 milliards d'euros -, seront incertaines en cas de crise systémique du nucléaire. Si, demain, plus personne ne veut de l'énergie nucléaire, tous les acteurs seront en difficulté et ils ne pourront pas se rembourser mutuellement. L'État a d'ailleurs estimé que financer le CEA pour qu'il constitue des actifs destinés à rembourser des dépenses payées par ce même établissement public n'avait pas de sens. Cela signifie qu'un certain nombre de dépenses risquent de retomber sur la puissance publique.

J'évoquerai à cet instant la décision d'EDF d'allouer 50 % du capital de RTE au portefeuille d'actifs dédiés. Cette solution est-elle raisonnable ou pas ? Sans trahir le secret des délibérations, j'indiquerai que c'est l'un des points qui ont été le plus discutés entre nous lors de la contradiction.

Dans un premier temps, nous étions très réservés. Même si les avis demeurent partagés - Michèle Pappalardo et moi en discutions encore tout à l'heure -, nous le sommes moins aujourd'hui, dans la mesure où si, en cas de crise systémique du nucléaire, les créances entre acteurs du secteur risquent de perdre de leur valeur, en revanche, tant qu'on aura de l'électricité, on aura a priori besoin de la transporter.

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