Intervention de Laurent Chabannes

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 21 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Laurent Chabannes président de l'union des industries utilisatrices d'énergie uniden

Laurent Chabannes, président de l'Union des industries utilisatrices d'énergies :

Oui !

Pour les sites industriels plus importants, de 40 mégawatts et au-delà, le niveau est, en théorie, à peu près équivalent entre les sites français et allemands. Toutefois, les gros sites industriels allemands bénéficient d'un taux d'exemption de ces frais de transport qui peut atteindre 80 %.

On est dans des zones de coûts de transport qui sont inférieurs à 5 euros par mégawattheure, mais il y a encore un bonus très important qui est accordé aux consommateurs allemands sur la part des frais de transport, laquelle est plus faible quand la puissance est élevée.

Considérons maintenant les taxes et contributions acquittées sur la facture du transport : contribution tarifaire d'acheminement et CSPE (contribution au service public de l'électricité) en France ; surcharges compensatoires des exemptions et EEG - c'est l'équivalent allemand de la CSPE - pour le financement des renouvelables en Allemagne.

L'EEG est limité à 0,5 euro par mégawattheure pour la plupart des industriels électro-intensifs, contre 35,92 euros par mégawattheure pour les consommateurs domestiques. En France, le niveau de la CSPE est le même pour les consommateurs domestiques et industriels, à savoir 10 euros par mégawattheure, mais les industriels bénéficient d'un plafond. Toutefois, à y regarder de près, ce plafond ne comble pas le différentiel favorable aux industries allemandes, même si c'est bien entendu fonction de la puissance. À titre d'exemple, un site français de 60 mégawatts consommant en continu, avec le plafond de 550 000 euros, paie encore 1 euro de CSPE par mégawattheure, soit deux fois plus qu'en Allemagne. Autrement dit, même un site qui bénéficie presque à plein du plafond paie plus cher qu'en Allemagne.

Quant à la contribution censée compenser les exemptions de frais de transport, de 1,61 euro par mégawattheure, elle est elle-même réduite à 0,5 euro par mégawattheure à partir de 100 mégawattheures de consommation annuelle - un niveau très vite atteint dans nos industries -, voire de 0,25 euro pour les industriels dont la facture électrique excède 4 % du chiffre d'affaires.

En conséquence, en Allemagne, les sites petits et moyens paient, sur le poste taxes et contributions, cinq à dix fois moins qu'en France ; les sites plus importants paient environ 50 % de moins en Allemagne.

Au total, si l'on considère la facture transport toutes taxes comprises, les sites petits et moyens paient trois à quatre fois moins en Allemagne ; pour les sites importants, le plafond de CSPE appliqué en France permet de réduire le déficit en défaveur de la France, mais la facture reste 20 % moins lourde en Allemagne qu'en France. Il ne faut donc jamais oublier que, au-delà de la façade, les Allemands agissent en prenant des mesures pour favoriser leur industrie.

Je ferai un dernier point de comparaison.

L'électricité allemande est beaucoup plus carbonée, si je puis dire, que l'électricité française. C'est un fait, mais cela ne se traduira pas pour autant par une perte de compétitivité pour l'Allemagne. En effet, la directive 2009/29/CE relative au système d'échange de quotas d'émissions de CO2 reconnaît la menace de délocalisations industrielles de l'Europe vers les pays non soumis à un système comparable, ce qu'on appelle le risque de fuite de carbone. Elle autorise donc la compensation financière par les États, avec des effets directs sur l'industrie, liés à l'augmentation du coût de production dû à l'achat de quotas, mais aussi avec des effets indirects, liés à l'augmentation des prix de l'électricité, incorporant le coût des quotas achetés par les électriciens.

L'Allemagne prévoit ainsi d'ores et déjà une vaste redistribution aux industriels de la manne résultant de la mise aux enchères par l'État fédéral des quotas de CO2 aux producteurs d'électricité. Tout impact négatif sera ainsi compensé.

On en arrive à la situation paradoxale où l'Allemagne sera autorisée à compenser les surcoûts liés à la teneur carbone de leur électricité, alors que la France, dont l'électricité est décarbonée, ne pourra y prétendre, et ce même si le prix de marché intègre une part carbone - c'est le cas actuellement.

Pour conclure sur ce sujet, je dirai que l'Allemagne a mis en place des mesures qui amortissent considérablement les conséquences du choix énergétique allemand pour ses industries, un choix d'ailleurs cohérent avec ses réserves de lignite - l'Allemagne possède, selon les estimations, 250 à 350 années de réserve -, des réserves dont la France ne dispose absolument pas.

Pour répondre à la question du signal-prix, le seul signal-prix à adresser aux industriels est celui de la compétitivité de leurs activités. Les efforts d'efficacité énergétique sont déjà anciens et restent permanents. En témoignent les efforts engagés dans l'industrie du verre ou dans l'industrie de l'aluminium. Si vous examinez la consommation spécifique par tonne produite - je pourrai vous donner ces informations précises -, vous constaterez que, depuis vingt ans, elle n'a cessé de décroître.

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